Dr Ahmed Robleh Abdilleh, président de la Commission chargée de l’introduction et du déploiement des vaccins anti-Covid 19

Dans le cadre du dossier hebdomadaire, dont le sujet de cette semaine est le COVID-19, le Dr Ahmed Robleh Abdilleh, président de la Commission chargée de l’introduction et du déploiement des vaccins destinés à lutter contre cette pandémie, a bien voulu accorder un entretien au journal « La Nation ». Nous reproduisons ici l’intégralité des réponses que le spécialiste de la santé publique a formulées face à nos questions.

Propos recueillis par A.A.-MAHE

Quel est le bilan du Covid 19 en république de Djibouti ?                                                      

Comme vous le savez, la pandémie du Covid-19 a démarré il y a plus d’une année dans un marché au poisson de la ville de Wuhan (Chine). Cette pandémie comme son nom l’indique s’est rapidement propagée dans le Monde. Il a particulièrement touché les pays occidentaux et ils en sont à leur deuxième vague. Cette maladie est encore très active chez eux et ils sont en train de faire face à une variante de ce virus qui est beaucoup plus virulente et contagieuse.

A Djibouti, le premier cas, qui est en réalité un cas importé par un ressortissant espagnol, a été dépisté le 18 mars 2020. Mais, en réalité avant même l’arrivée de ce virus sur le territoire Djiboutien, le Gouvernement avec à sa tête le Chef de l’Etat en personne, avait déjà pris des initiatives et des mesures exceptionnelles que je ne saurai résumer ici. En somme, tout le monde, du Chef de l’Etat au citoyen lambda, s’est mobilisé pour faire face, avec nos moyens, à cette pandémie. Nous y sommes arrivés puisque l’épidémie a été rapidement circonscrite et Djibouti a été érigé en model de dépistage, de traitement et de suivi des cas par les Systèmes des Nations Unis. Le bilan est donc globalement très positif.

Quels sont les différents vaccins connus à ce jour, leurs coûts et le pourcentage de leurs efficacités ?                                                                                                                                             

A la date du 15/01/2021 (dernière actualisation de la liste de l’OMS sur les essais cliniques en cours pour des vaccins anti-SARS-CoV2), 173 candidats vaccins sont en phase préclinique et 64 candidats vaccins sont en cours de développement clinique parmi lesquels 22 font l’objet d’essais de phase 3 et/ou phase 2 /3. Ces 22 candidats vaccins anti-Covid19 en essai clinique de phase 3 et 2/3 sont répertoriés en 6 types de vaccins : Vaccin à base d’un virus inactivé, vaccin à base d’un vecteur viral non répliqué, vaccin à base d’une protéine, vaccin à ARN, vaccin à ADN et enfin vaccin à base d’une particule qui ressemble au virus (vaccin VLP). A l’heure actuelle, le vaccin de Pfizer/BioNTech (vaccin à ARN inerte) est pré-qualifié. Trois autres vaccins sont en cours de pré-qualification. Il s’agit du Sinovac (virus atténué), du Moderna (ARN inerte) et d’Astra-Zeneca/Oxford (vecteur viral).

La plupart de ces vaccins seront administrés en deux doses séparées de quatre semaines. L’efficacité de ces vaccins est bonne. Leurs coûts varient actuellement entre 7 à 15 dollars US la dose. Mais, Djibouti a d’ores et déjà souscrit à l’initiative GAVI qui aide les pays en voie de développement à supporter la charge financière de cette vaccination.

Et qu’est-ce que le GAVI ?                                                                                                                                                  

Le GAVI est une alliance créée en 2000 pour assurer un solide partenariat entre secteurs publics et privés et dont l’objectif est de faciliter l’accès des pays pauvres à la vaccination.

De quelle manière ?                                                                                                                     

En tissant des alliances. Pour la pandémie objet de cet entretien, le Gavi s’allie avec l’OMS, l’Unicef et le G20 et forment ce puissant « quattro » qui a mis en place l’Initiative COVAX AMC afin de promouvoir un accès équitable et rapide à des vaccins anti-COVID-19 sûrs et efficaces. L’objectif de l’initiative étant de veiller à ce que les 190 pays participants puissent commencer à accéder aux doses du vaccin au cours du premier semestre de 2021. Cette alliance s’est engagée à fournir trois milliards de doses aux participants de l’AMC en 2021.

Est-ce que certains types de vaccin sont imposés aux pays pauvres ?                                      

Pas du tout ! Chaque pays est souverain dans le choix du vaccin et du calendrier vaccinal. Pour ce qui nous concerne, nous allons choisir le meilleur vaccin vis-à-vis de la tolérance, de l’innocuité et de l’efficacité. Mais, avant l’arrivée des vaccins, notre pays doit se préparer à les recevoir car, ce sont des vaccins très particuliers. C’est pourquoi, le Président de la République a initié une Commission chargée de l’introduction et du déploiement des vaccins anti-Covid 19. Je suis à la tête de cette Commission et je remercie particulièrement le Chef de l’Etat de m’avoir accordé une telle confiance. Nous travaillons activement dans les secteurs de la chaine du froid, du stockage et du déploiement du vaccin. Sans oublier la formation du personnel, les normes réglementaires, l’éthique, la communication etc… Toute cette stratégie permettra de mieux préparer le pays à recevoir le vaccin.

Comment fonctionnent les vaccins, en général, pour renforcer la défense immunitaire du corps humain ?                                                                                                                       

Les micro-organismes (virus, bactéries, parasites, champignons…) font partie intégrante du monde vivant depuis qu’Allah l’a créé. Il existe de nombreuses interactions entre ces micro-organismes et les autres êtres vivants.

Dans la plupart des cas, ces interactions aboutissent à des maladies et à des épidémies. Ces dernières ne s’arrêtent pas aux frontières et compte tenu de l’internationalisation des échanges des biens et de la rapidité des déplacements des personnes, aucun pays ne peut être épargné. Cet épidémie de Covid 19 en est la parfaite illustration. Le recours à la vaccination figure parmi les moyens de prévention de ces maladies. Elle représente une arme préventive remarquablement efficace contre les principales maladies transmissibles. La vaccination est l’introduction artificielle dans le corps, par différentes voies (injection, absorption orale etc..), d’antigènes, sous forme d’un vaccin, en vue d’induire une réponse immunitaire.

Est-ce la vaccination est un moyen sûr pouvant aider notre corps à se défendre ou à se protéger efficacement ?                                                                                                          

La vaccination est un moyen sûr et efficace M. Mahé. Non seulement elle nous permet de prévenir les maladies mais, elle sauve des vies. Il existe aujourd’hui des vaccins permettant de se protéger contre au moins 20 maladies dont la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la tuberculose et la rougeole. Tous ces vaccins sauvent jusqu’à 3 millions de personnes chaque année dans le monde. Notre pays a fait chuter la mortalité néonatale et infanto-juvénile grâce entre autre à la vaccination. Se faire vacciner, c’est se protéger mais aussi protéger son entourage. Il est conseillé à certaines personnes, par exemple celles qui sont gravement malades, de ne pas se faire vacciner contre certaines maladies. Leur protection et la lutte contre la propagation des maladies dépendent donc du reste de la population. La technologie utilisée pour produire certains vaccins anti-Covid ressemble à celle qui est utilisé pour le vaccin contre la rougeole par exemple. J’entends ici ou là certaines voix septiques par rapport à cette vaccination. Je les comprends. Mais, la science a toujours guidé le Monde. Et, nous allons toujours choisir un ou des vaccin (s) surs et efficaces.

Une fois les doses reçues gratuitement épuisées, notre pays aura-t-il les moyens d’acheter la quantité nécessaire du vaccin choisi et aura-t-il la capacité de les stocker ?            

Notre pays aura toujours les moyens de préserver la santé de sa population. Le Chef de l’Etat en personne a pris le leadership de cette riposte face à cette pandémie mondiale avant même l’avènement du premier cas à Djibouti. La vaccination contre le Covid 19 est uniquement la deuxième phase de cette riposte. Cette Commission a été mise sur pied pour préparer à recevoir les vaccins et pour vacciner ensuite chaque Djiboutien et chaque Djiboutienne. Nous avons déjà des pré-requis et nous avons déjà des capacités de stockage, y compris pour les vaccins à -70 degrés. Nous avons aussi l’expertise et les ressources humaines pour la vaccination de masse.

Quand les doses du vaccin arriveront-elles à Djibouti. Quelle catégorie de la population sera bénéficiaire et quel est leur nombre ?                                                                           

Les premières doses de vaccin vont bientôt arriver. Nous sommes en train de finaliser les dernières démarches dans ce sens avec les laboratoires et avec nos partenaires. Il faut comprendre qu’il y a une course contre la montre pour tous les pays dans l’acquisition de ces vaccins.

L’objectif est de vacciner toute la population Djiboutienne. Mais nous avons prioriser les populations cibles en mettant en avant les personnes âgées, le corps médical, les personnes qui présentent des co-morbidité (c’est-à-dire celles qui présentent une maladie non transmissible ou une maladie chronique), les personnels enseignants qui sont en contact avec les enfants, les hommes en uniformes parce qu’ils sont en contact avec la population.

Mais, in fine toute la population, quelle soit de Djibouti-ville ou des régions, sera vaccinée. D’ailleurs, nous travaillons activement avec l’institut national des statistiques qui fait partie intégrante de cette Commission.