« Djibouti-espace de réflexion et d’échange » ou « DERE » a organisé samedi dernier au palais du peuple une conférence-débat animée par deux éminentes personnalités de la culture djiboutienne, en l’occurrence Mme Aicha Mohamed Robleh et Dr. Ali Moussa Iyeh, devant un public très nombreux issu de divers horizons, parmi lesquels des étudiants et des professeurs de l’université de Djibouti. Aicha Mohamed Robleh, ancienne parlementaire et ministre, à la fois dramaturge et réalisatrice de films, actuellement conseillère du ministre de la communication, a présenté un exposé sur « la place de la culture dans la société ». Quant à Ali Moussa Iyeh, docteur en sciences politiques, ancien chercheur à l’ISERT, ex-journaliste de « La Nation » puis directeur de la presse audiovisuelle de Djibouti, actuellement chef de la section histoire et mémoire pour le dialogue à l’UNESCO a abordé le thème portant sur les « savoirs endogènes et modernité africaine ».

Intervenant en premier, Aicha Mohamed Robleh a tout d’abord présenté les différentes connotations du terme « culture » avant de rappeler les fonctions que celle-ci assume au sein d’une société, en soulignant notamment que la culture représente avant tout l’identité d’un peuple et qu’elle sert entre autres à divertir, à éduquer, à instruire, à rappeler le passé mais aussi à faire évoluer une société vers le progrès. Elle a par ailleurs précisé que « la culture d’un peuple n’est pas quelque chose de figé mais qu’elle évolue et doit nécessairement évoluer grâce aux contacts avec d’autres peuples ».

Répondant ensuite avec beaucoup de perspicacité aux questions des participants qui ont suivi son exposé, l’érudit de la culture djiboutienne n’a pas manqué d’exalter le public par son talent de narratrice et surtout son sens humoristique avec des récits et des anecdotes illustrant la vie quotidienne des Djiboutiens. De son côté, Ali Moussa Iyeh, qui a défini les « savoirs endogènes » comme étant des savoirs et des connaissances issus des traditions ancestrales, citant comme exemples « XEER ISSA » chez les Issas, « QAADA » chez les afars et « GADA » chez les Oromos, a souligné que ces patrimoines culturels qui régissaient le mode de vie de ces peuples présentent des valeurs incontestables et méritent par conséquent d’être valorisés. Dr Ali Moussa a ensuite démontré combien l’Afrique, qui regorge d’une culture riche et variée, serait gagnante en exploitant dans beaucoup de domaines ces savoirs endogènes dont l’utilité est avérée, au lieu de se cantonner dans des pratiques héritées de la colonisation. Dans la perspective de procéder à cet exercice qu’il appelle « décolonisation culturelle », celui-ci a préconisé de passer par quatre phases, qui sont la phase de la collecte des données, celle de leur sélection en fonction de leurs utilités, celle d’opérationnalisation et enfin celle d’institutionnalisation qui consiste à exploiter ces savoirs dans les domaines divers tels que l’éducation, la médecine, l’agriculture, etc. Comme pour Aicha Robleh, l’exposé du Dr Ali Moussa a débouché sur un large débat très enrichissant qui a permis de conscientiser le public sur le fait que la culture endogène constitue un socle sur lequel se construit la modernité.

Bref, comme chacun s’y attendait, cette conférence-débat s’est avérée très instructive. Bien entendu, le mérite revient à DERE qui, espérons-le, saura perpétuer des événements culturels de ce genre afin de favoriser l’enrichissement culturel de nos compatriotes.

HA