Dans la série d’articles sur les villes mythiques de la corne d’Afrique, essayons aujourd’hui de relater brièvement l’histoire millénaire de la ville somalienne de Berbera.

Située dans le golfe d’Aden et au nord-est de la somalie la ville de Berbera aujourd’hui principal port du Somaliland est à classer parmi les plus vielles citées de la Corne. Située dans un endroit stratégique de première importance, la ville aurait été dès le 1ersiècle avant JC l’un de ces ports de la façade de l’océan indien. Elle est décrite comme Zeila dans « le périple de la mer Erythrée » manuscrit d’un voyageur grec inconnu. Elle est désignée à cette époque par l’auteur comme « la ville de Malao située à 800 stades d’Avalites (Zeila) » et elle commerce avec les égyptiens, les perses et l’empire romain.  Pour corroborer ces affirmations, des fouilles archéologiques ont permis la mise à jour de ruines antiques à Berbera. Durant le moyen âge, la ville conserve sa position de ville commerçante. Elle fait le lien entre les hauts plateaux abyssins, les régions intérieurs des régions somalies et les ports de la péninsule arabique.

En 863, Chengshi, un lettré chinois de la dynastie Tang décrit la ville de Bobali qu’on identifie à Berbera comme un ville commerçante qui fait commerce de peau, d’ivoire, d’ambre sans oublier la traite des esclaves.Intégrée dans le sultanat d’Ifat (1285 – 1415) puis dans le sultanat d’Adal, la ville est décrite aussi en 1516 par le voyageur etécrivain portugais Duarte Barbosa. Voici un extrait de la description de Berbera de son livre «une description des côtes de l’Afrique de l’est et de Malabar » :  «Plus loin, sur la même côte, se trouve une ville des Maures appelée Barbara ; elle a un port, où de nombreux navires d’Aden et de Cambay touchent leurs marchandises, et de là ceux de Cambay emportent beaucoup d’or, d’ivoire et d’autres les choses, et celles d’Aden prennent beaucoup de provisions, viande, miel et cire, parce que, comme on dit, c’est un pays très abondant. »

La ville est bombardée en 1518 par des navires portugais venus au secours de l’Abyssinie en guerre contre les musulmans de la corne.Berbera est occupée par les chérifs de Moka au 17ème siècle. Tout au long du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, Berbera tient une foire annuelle et constitue un centre commercial important vers la route des Indes. Et  constitue un maillon majeur de la Route des Indes. Elle a des liens commerciaux avec l’Egypte, l’Arabie et l’Inde et constitue un débouché pour l’arrière-pays Ethiopien et les régions somalis.

Elle exporte comme Zeila de la myrrhe, de l’encens, de l’ivoire, des plumes d’Autruche, du miel ainsi que plusieurs milliers d’esclaves capturés en Ethiopie, chaque année. Au début du 19èmesiècle une solide communauté marchande composé de Banians hindous contrôle une grande partie des activités commerciales de la ville.Héritiers des possessions ottomans de l’Afrique de l’est, les égyptiens occupent la ville en 1871.

Cette occupation égyptienne sera brève car ils sont supplantés par les Anglais qui prennent le contrôle de la ville en 1884. C’est le début de la colonisation britannique du Somaliland qui a un statut de protectorat.  En 1901 un projet de chemin de fer reliant Harar à Barbara est évoqué mais ce projet va avorter et sera supplanté par la construction du chemin de fer franco Ethiopien reliant Djibouti à Addis Abeba. Capitale du Somaliland britannique jusqu’en 1941, Berbera sera remplacée par Hargeisa jusqu’en 1960, année d’indépendance du Somaliland qui va s’associer à la Somalie du sud pour constituer la république démocratique de Somalie. Signalons au passage aussi que Berbera est la ville qui a vu naitre l’amour tragique et malheureux du Poète Elmi Bodhari pour Hodan. Ne désigne-t-on pas ce poète comme le roi de l’amour (Boqorkii Jacaylka) dans la littérature moderne somali. Ignoré de Hodan, Ilmi Bodhari âgé de 32 ans meurt en 1940 et est enterré à Batalalé, un quartier de Berbera à proximité de la mer. Pour que la ville de Berbera et Ilmi Bodhari reste encore un moment dans votre esprit, je vous laisse avec cet extrait d’un poème de Ilmi Bodhari :                                                     

Tombe de Ilmi Bodhari.

« Caashaqa haween waa horuu

Caaddil soo rogaye

 Sayidkii Carshiga fuulay iyo

Caliba soo gaadhye

Carruurtay sideen meesha iyo

Ciise Nebigiiye

Cidla ‘lagamabeermeendadkoocuudi

waaxidahe

Waxaaqaarbacaynloogadhigayhays

cajebiyeene

Somalia caado xumee iguma caydeene

Oo ima canaanteen sidaan

Cuudurka iibsadaye

Kuwii ii calaacalayey baan

camal tusalayne. »

La traduction de ces vers en français : «l’amour que nous portons pour les femmes c’est un don divin/le prophète(ssl) et Ali(le 4ème calife) l’ont éprouvé eux aussi/sans amour point de progénitures/S’Ilya une telle diversité chez les humains c’est pour susciter la flamme de l’amour/si les somalis n’avaient pas de mauvais us ils ne m’auraient pas insulté/ni blâmé croyant que j’avais acheté le mal qui me ronge.

MOHAMED ADEN