Dans l’interview qui suit, l’Inspecteur Général du Travail et des Lois Sociales M.Abdi Farah nous éclaire sur les textes juridiques relatifs  à l’aménagement des conditions de travail notamment les heures supplémentaires, récupération des heures de travail ainsi que le travail des jeunes… « Le but fondamental de ces reformes visait à adopter et harmoniser la pratique de la législation nationale par rapport aux normes internationales du Travail. » La nouveauté phare concerne la déclaration annuelle de la situation de la main d’œuvre (DASMO) qui vient renforcer la régulation du marché du travail.  Interview.

Monsieur l’Inspecteur Général, présentez nous les missions de l’Inspection Générale du Travail et des Lois Sociales (IGTLS) ?

L’IGTLS se situe au cœur des dispositions juridico-institutionnels national visant à assurer une meilleure réglementation du droit du travail. Ses missions et prérogatives sont énoncées dans la Loi 

N° 25/AN/18/8ème L portantes réorganisations du Ministère du Travail, chargé de la Réforme de l’Administration et en conformité des dispositions de la convention N°81 sur l’inspection du travail.

A ce titre, L’inspection générale du Travail et des Lois sociales est chargée de concevoir et de mettre en œuvre les mesures et les moyens nécessaires à la réalisation des missions qui lui sont dévolues et ce conformément à la législation et la réglementation en vigueur.

A cet effet, elle est chargée  entre autres à :

– D’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et de veiller à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession;

– De fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les meilleurs moyens d’observer les dispositions légales ou les accords collectifs;

– De contribuer à la prévention des conflits du travail;

– D’étudier et de vérifier la conformité à la législation et à la réglementation du travail en vigueur des conventions collectives du travail ou des accords collectifs et d’entreprendre toute action en vue de leurs adaptations ;

– D’assister les travailleurs et les employeurs dans l’élaboration des conventions collectives du travail ou des accords collectifs;

– De veiller au respect de la réglementation concernant les règles d’hygiène et de sécurité du travail;

– De procéder à l’évaluation de l’état d’application de la législation et de la réglementation du travail et de proposer toutes mesures visant à en assurer l’adaptation;

– D’entreprendre toutes études sur les relations du travail, ainsi que sur les questions en rapport avec les missions et les activités des services des inspecteurs de travail;

– D’élaborer des rapports périodiques sur l’application de la législation et le climat social ;

Comment votre institution a affronté la période COVID 19?

Je voudrais souligner de prime abord, que l’IGTLS agissant en conformité des mesures présidentielles édictées dans les deux décrets de 2020 relatif au confinement généralisée, a effectué des missions de contrôle au niveau des entreprises publiques et privées pour s’enquérir le respect des gestes barrières et des mesures imposées / gestes barrières etc… de manière à protéger les travailleurs.

Cette crise du COVID 19, exceptionnelle par sa nature et par son ampleur, a suscité au niveau du Ministère du Travail une mobilisation exceptionnelle couplée à un déploiement de  moyens exceptionnels pour minimiser l’impact de la pandémie sur le tissu socio-productif national.

Ainsi, sur directive de son Excellence M. le Président de la République et sous la houlette de son Excellence M. le Ministre nous avons  engagé une série d’actions novatrices destinées à assurer la survie de notre tissu social, culturel, industriel, commercial? Le plan stratégique d’intervention piloté par l’IGTLS visait à diminuer la prévalence d’un état d’urgence économique et sociale.

Ces mesures temporaires avaient pour seul et unique objectif de permettre la poursuite du travail et d’endiguer les licenciements massifs et les faillites qui ruineraient des  centaines d’entreprises et des milliers de Djiboutiens. L’IGTLS en sa qualité de garante de la législation du travail a assuré avec vigueur le contrôle et l’application stricte de ces mesures exceptionnelles de façon à éviter tout abus.

Les efforts engagés par le Gouvernement nous ont permis de faire face à l’ampleur de la situation et grâce au durcissement de la réglementation du travail, nous sommes parvenus à éviter des mesures de compression d’effectifs pour motif économique ce qui a abouti finalement à ce que cette pandémie n’affecte grandement le monde du travail Djiboutien.

La mise en place d’un paquet d’allocations sous forme de fond de trésorerie aux entreprises durement affectés par les mesures de confinement et l’allègement de certaines dispositions fiscales ont permis inévitablement d’endiguer les effets négatifs de la crise sanitaire du COVID 19.

L’IGTLS a été au cœur de ce dispositif d’assistance nationale au profit des entreprises durement touchés par le confinement car elle était chargée de la collecte de données sectorielles et la compilation de statistiques pour assurer un suivi régulier de l’évolution de la situation socio-économique.

Comment voyez-vous l’évolution du marché du travail de notre pays ? le nombre des entreprises ne cessent de s’accroitre ? est-ce que l’arsenal juridique suit cette évolution ? 

Malgré la pandémie du COVID 19, l’évolution du marché du travail connait actuellement une certaine performance qui s’inscrit dans l’ambition réformatrice du Gouvernement de renforcer le tissu socio productif national pour créer le maximum d’emplois durables et décents dans une perspective d’inverser la tendance du chômage et de construire en mieux.

Cette évolution nécessite de faire de l’IGTLS une institution sociale clef en phase avec le processus de développement pluridimensionnel national marquée par la création d’une panoplie de projets porteurs dans des secteurs hautement stratégiques.

Ces projets de par leur valeur ajoutée dans le tissu socio-économique national sont de nature à créer des milliers d’emplois diversifiés en conformité de la nomenclature des emplois et le répertoire de métiers.

Tout ce processus complexe, nécessite un contrôle réglementaire à la fois efficace et rigoureux. Compte tenu de la masse des travailleurs, il faudra s’adapter à cette évolution pour que toutes les conditions essentielles soient réunies en vue de gérer les conflits collectifs et individuels découlant des relations professionnels mais de favoriser cette politique de l’emploi ambitieuse qui promeut le travail décent.

C’est dans cette vision des choses, que l’IGTLS se transforme et  a entrepris une réforme profonde visant à renforcer ses capacités institutionnelles en procédant d’abord à la formation de ses agents et à la réorganisation de ses services.

Le marché du travail de notre pays ne cesse de s’accroitre, il y a de plus en plus de sociétés, notamment des établissements de nationalités étrangères avec des travailleurs étrangers, débarquant avec leurs spécificités organisationnelles. De plus en plus de sociétés sous-déclarent leurs personnels.

Quelles sont les nouveautés en matière de dispositions textuelles relatives à la  relation du travail ?

En effet, dans le courant de l’année 2019-2020 le Ministre du Travail a initié un ensemble de textes juridiques relatifs  à l’aménagement des conditions de travail notamment les heures supplémentaires, récupération des heures de travail ainsi que le travail des jeunes…

Le but fondamental de ces reformes visait à adopter et harmoniser la pratique de la législation nationale par rapport aux normes internationales du Travail.

Cependant, la nouveauté phare concerne la déclaration annuelle de la situation de la main d’œuvre(DASMO) qui vient renforcer la régulation du marché du travail.

La déclaration annuelle de la situation de la main d’œuvre(DASMO), qui sera sous forme d’un formulaire que les employeurs doivent dûment remplir  et transmettre à  l’Inspection Générale du Travail et des Lois Sociales et ce avant le 31 mars de chaque année et ce conformément à l’article 205 bis de la loi n°98/AN/20/8ème L modifiant et complétant la loi n°133/AN/05/5ème L du 28 janvier 2006 portant Code du Travail stipulant que : « Les entreprises et établissements, employant un effectif égal ou supérieur à onze (11) travailleurs, établissent et transmettent à l’Inspection Générale du Travail et des Lois Sociales et ce avant le 31 mars de chaque année, une déclaration annuelle de la situation de la main d’œuvre (DASMO) de l’année précédente».

Quelle est l’utilité de la mise en place de cet outil ?

Il s’agit en effet, à travers la revitalisation de ce procédé de suivi de l’évolution du marché du travail de mettre en place une base de données fiables permettant d’établir un tableau de bord faisant ressortir le niveau de respect des dispositions réglementaires en vigueur.

Ce procédé nous permettra également d’évaluer facilement l’évolution du marché du travail et d’établir régulièrement le nombre du chômage à travers une base de données réels du terrain.

A cet égard, la DASMO contribue à faciliter la prise de décision notamment dans le domaine du dialogue social, de la négociation collective et donne pertinemment une image sincère et fidèle de l’entreprise.

En outre, cet instrument nous permettra à planifier et de concevoir une politique nationale de l’emploi promouvant le plein emploi productif.

Cette loi prévoit-elle des sanctions contre les éventuels contrevenants ?

Bien avant les mesures contraignantes, nous misons sur la pédagogie, la sensibilisation, l’orientation et l’accompagnement de nos partenaires (entreprises de la place) sur les raisons d’être de cet outil et le bien fondé de notre action.

Toutefois, il y’a lieu de signaler qu’une amende est prévue pour les contrevenants à cette loi conformément à l’article 289 du code du travail.

Extrait :

L’article 289 du code du travail un alinéa qui prévoit une amende de 500 000 fd et en cas de récidive 1 000 000 fd et 15 jours d’emprisonnement.

Comme cette loi a été votée l’année dernière, pourquoi votre institution n’a pas rendu effectif ses pénalités ou bien toutes les entreprises ont respecté à la lettre cette disposition?

En réalité, les pénalités sont notre ultime recours pour faire respecter les lois en vigueurs dans notre république.

Comme l’année 2020 était une année de covid, nous avions intentionnellement privilégié la sensibilisation pour donner du temps à la vulgarisation de cette nouvelle disposition textuelle.

D’ailleurs et en profitant  de cette occasion, j’appelle tous les opérateurs  économiques, sans exception, à prendre connaissance de la loi  relative à la déclaration de la situation de la main d’œuvre afin de mieux collaborer avec l’inspection du travail.La tolérance du ministère du travail a des limites parfois insurmontables.