Nasser Mohamed Ousbo est diplomate et ambassadeur résident de Djibouti à Cuba et couvrant neuf pays de l’Amérique du sud, du centre et des Caraïbes. Nous l’avons rencontré en marge du 3èmeForum sur l’éducation équilibrée et inclusive qui s’est tenu à Djibouti du 27 au 29 janvier 2020. Entretien…

La Nation : Quelles impressions avez-vous gardé des travaux du 3ème sommet mondial sur l’éducation équilibrée et inclusive ?

Nasser Mohamed Ousbo : J’ai participé au troisième forum BIE 2030, suite à l’invitation de la fondation ERF et du MENFOP. Ces derniers mois, j’ai été impliqué dans les préparatifs du Forum en ce qui concerne l’invitation des pays d’Amérique latine; centrale et des Caraïbes. Par ailleurs, Cheikh Mansour ben Mussallam et moi avons fait connaissance à la Havane il y a quelques années. Depuis, nous avons tissé une relation d’amitié sincère et fraternelle. Nous nous consultons régulièrement, et nous avons eu des échanges importants autour du 3eme forum BIE 2030 et ses implications a court et moyen terme. J’aimerais rendre hommage à mon ami Cheikh Mansour Bin Mussalam pour son talent indéniable et le fait qu’il ait dédié ses moyens et son temps à un idéal supérieur, à savoir l’éducation qui est le moyen le plus puissant pour changer le monde vers un mieux escompté par tous. C’est un choix de vie honorable d’autant puisque sa mission consiste à mobiliser et accompagner les gouvernements pour adopter une approche systémique de l’éducation équilibrée et inclusive. Certains trouvent que c’est un vaste programme et un pari pour le moins difficile. Mais la déclaration de Djibouti sur l’éducation équilibrée et inclusive ainsi que la mise sur pied d’une organisation pour la coopération sur l’éducation qui vient d’être paraphée par une quarantaine d’Etats ont tendance à prouver le contraire et surtout l’absolue nécessité et la faisabilité d’actions communes et concertées sur les différents leviers au service de l’éducation universelle.

Au vu de l’organisation exemplaire, j’aimerais décerner le palme d’or au ministre de l’éducation nationale, Moustapha Mohamed Mahmoud et ses collaborateurs qui ont relevé haut la main leur défi. Car, le succès d’un tel événement n’était pas gagné d’avance à cause notamment du peu d’infrastructures d’accueil pour tenir un tel sommet mondial.

Quels sont les retombées pour notre pays d’un tel sommet ?

Les bénéfices immédiats pour notre pays est la présence de 170 délégations des cinq continents, ayant répondu à l’appel du président de la République, Ismail Omar Guelleh, dont toute une politique est basée sur le dialogue et le Co-développement au service de la paix et de la prospérité. L’image de marque et le rayonnement de notre pays à  l’étranger et la respectabilité de nos institutions y gagnent énormément. Pour la première fois, les pays de l’Amérique et des Caraïbes sont venus en nombre, bravant la distance imposée par l’atlantique. C’est une première que je souhaite voir se réitérer dans le futur.

Parlez nous de votre mission de diplomate chargé de travailler aux intérêts de Djibouti en Amérique latine…

Notre coopération avec Cuba est au beau fixe et depuis deux décennies aucun nuage n’est venu assombrir cette belle relation d’amitié et de coopération multisectorielle dont l’impact sur nos populations est réel dans les domaines sociaux comme la santé, les sports et l’agro-pastoralisme. Comme vous le savez, les universités cubaines ont formé gratuitement plus d’une centaine de cadres djiboutiens, aujourd’hui hui en activité pour le plus grand  bonheur des usagers des services publics. Actuellement, avec les différents ministères et leurs vis à vis cubains, nous réfléchissons aux voies et moyens d’élargir et renforcer cette collaboration active. Ambassadeur résident a la havane, ma mission couvre, un certain nombre des pays de la région, dont notamment des poids lourds comme le Mexique, l’Argentine et le Brésil. Sur la base de ma mission, l’essentiel de mon temps est consacré à nouer le dialogue et inciter la coopération bilatérale. Malheureusement, en dehors de Cuba, très peu des pays ont franchi le pas. Si la volonté de coopération est palpable un peu partout, il faut incriminer trois obstacles majeurs : l’instabilité politique et sociale que traversent la majorité de ces pays, l’éloignement géographique et la zone de confort qu’offrait le libre échange avec le géant économique nord américain. Ce dernier aspect est cependant l’objet de tumultes qui font que plusieurs gouvernements sud-américains se tournent maintenant vers les pays d’Afrique où les perspectives de coopération sont plus reluisantes.

Dans cette phase de prospection, l’Afrique de l’Est reste la destination de prédilection avec sa démographie et ses indices de croissances soutenues. Djibouti constitue une porte d’entrée privilégiée, grâce à ses infrastructures tri modales et son potentiel de connectivité par les fibres optiques, auxquels il faut ajouter la stabilité monétaire propre à notre pays. Selon mes estimations, cette année 2020, sera celle des consultations optimales et des échanges des délégations politiques et techniques. Pour cause, ces deux dernières années, j’ai reçu les doléances de plusieurs homologues de ces pays qui m’ont fait part de la volonté de leurs gouvernements d’activer leur diplomatie en Afrique, et de multiplier des visites de haut niveau, notamment à Djibouti. Car on ne peut parler des échanges avec l’Afrique, sans reconnaître la position géostratégique et la stabilité politique de notre pays sur l’une routes maritimes les plus fréquentées.

Cependant, de notre part une bonne communication, à l’aide des supports d’information en espagnol (deuxième langue après l’anglais) pourrait être un bon catalyseur, pour accélérer le processus de rapprochement et d’interdépendance des intérêts réciproques. Une condition sine quo none pour bâtir d’excellents rapports diplomatiques, culturels et commerciaux que nous devons avoir avec tous les pays. Djibouti y est engagé et tout à fait prêt.

La campagne de notre pays pour un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies bat son plein et vous y participez activement…

 Absolument. La République de Djibouti est candidate au  poste de membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2021-22. Le Kenya est également candidat pour ce même siège, suite à la fameuse élection du conseil permanent de l’union africaine. Si Djibouti maintient sa candidature, c’est qu’il y a plusieurs failles dans la procédure de désignation. Premièrement, l’élection n’est pas du ressort de l’instance des représentants permanents mais du conseil exécutif. Deuxièmement,  le principe de rotation respecté pour les quatre autres groupes ne l’a pas été pour nous. En effet, le Kenya a déjà occupé le siège par 2fois entre 1973-74; et 1997-98; alors que Djibouti n’a siégé qu’une seule fois entre 1993-94. D’où la légitimité de la candidature de Djibouti par rapport à son rival kényan. Par ailleurs, notre campagne s’appuie sur le fait que la décision de l’UA ne s’impose pas aux Etats individuellement et que Djibouti peut compter sur de nombreux amis à travers le monde pour appuyer sa candidature. Tout le monde connaît l’engagement et le rôle primordial de notre pays dans les efforts pour sauvegarder la sécurité et la paix globale. Cela nous donne la motivation de traduire en votes favorables le 20 juin prochain la position et les engagements au sein de la communauté internationale.

Propos recueillis par MAS