L’association Solidarité Féminine (SF) s’est créée en 1995 pour venir en aide aux femmes en situation difficile y compris les femmes infectées et/ou affectées par le VIH et à leurs familles. Depuis sa création, l’association procure une aide de proximité à ces femmes et à leurs enfants.
En janvier 2020, dans le cadre du projet intitulé « Soutien multidisciplinaire des groupes sociaux affectés par le SIDA et à leurs familles à Djibouti » financé par l’Union Européenne, beaucoup de femmes infectées dont de nombreuses jeunes mères, sont prises en charge sur le plan médical par des consultations de médecine générale au siège de l’association. Sur le plan nutritionnel, les mères reçoivent des vivres sèches mensuellement et au niveau psychologique, les accompagnateurs psychosociaux de l’association, les APS, les écoutent et conseillent sur une meilleure alimentation par des démonstrations culinaires. De même, leurs enfants reçoivent des soins gratuits ainsi qu’un soutien psychologique.
Par ailleurs les groupes de paroles pour les parents infectés aident à discuter de la maladie et des problèmes qui en découlent tels que la discrimination, la peur d’être reconnue comme personne infectée, l’isolement…
Une question revient quand on parle de l’infection au féminin : comment une mère séropositive arrive à appréhender sa maternité et les problèmes liés à sa pathologie ? Pour y répondre, nous sommes allées à la rencontre de ces mamans ainsi que de ceux qui les aident.
L’entrevue s’est déroulée avec l’APS qui participe à la prise en charge des enfants et adolescents infectés ou affectés par le virus. Il raconte que les mères et leurs enfants viennent régulièrement se faire soigner.
« Au début, les mères ne connaissent pas l’endroit, elles m’appellent avant de venir. Une fois qu’elles me voient, elles me font un petit signe et s’installent dans la salle d’attente comme les autres mères. Avec le temps, elles sont rassurées, elles ne m’appellent plus et viennent directement »
Il explique que la consultation les rassure, surtout la discrétion du personnel et la confidentialité.
Une dame sort de la consultation. L’APS va à sa rencontre et lui explique notre démarche. Elle accepte de discuter. Elle est jeune et porte sa petite fille sur la hanche. Lorsqu’elle s’assoit, nous remarquons qu’elle est enceinte. Nous la félicitons, elle sourit.
Elle ne se sent pas différente des autres mères. La maladie se rappelle à elle lorsqu’elle va chercher au centre de santé les antirétroviraux (les ARV). Ce sont ces médicaments qui permettent d’inactiver le virus VIH même si celui-ci reste présent dans l’organisme.
La nutrition artificielle qu’elle pratique est difficile pour ses maigres moyens financiers. La distribution mensuelle de vivres par l’association SF l’aide beaucoup.
« Sans cela, je n’allais pas m’en sortir » dit-elle.
De plus, les séances de sensibilisation nutritionnelle l’aide à avoir une alimentation équilibrée, indispensable pour une bonne observance.
Lorsque nous lui demandons comment elle a su qu’elle était infectée, elle devient grave. Elle raconte alors le choc de l’annonce de sa sérologie lors de sa première grossesse. Sidérée, elle ne pensait pas vivre longtemps.
Elle garde le silence pendant que sa petite fille joue à ses côtés, tout sourire. Le contraste est saisissant. Nous demandons :
– Et maintenant ?
– Maintenant, je n’ai plus peur… »
L’après-midi avance doucement au siège de SF. Sous le hangar, une distribution de lait maternisé est organisée par deux bénévoles. Une femme attend tranquillement son tour. Le visage voilé, elle trompe l’impatience de son bébé en le faisant sautiller sur ses genoux.
Elle ne vit pas à Djibouti-ville. Elle est un peu pressée : elle est SDF et doit partir avant la nuit.
« Mon mari est décédé du SIDA. Pour subvenir à mes besoins, je lave les linges dans les maisons »
Elle explique qu’elle n’a que son frère et ses deux enfants. La belle-famille ne veut plus entendre parler d’elle depuis que sa séropositivité est connue. Elle est devenue une femme de mauvaise vie.
« Je vis pour mes enfants… je travaille pour eux »
Selon, la responsable de la distribution de lait maternisé, la majorité des mères séropositives vit dans une situation difficile et précaire. L’appui de SF pour les vivres et le lait maternisé est vital.
Grâce aux groupes de paroles, les adhérentes peuvent verbaliser leur mal-être.
« Mettre les mots sur les maux est la mission essentielle des groupes de paroles. Le projet Union Européenne a permis cette réalisation au sein de SF. » explique la responsable psychosociale.
Ces rencontres permettent de sortir de l’isolement et de nouer des relations avec des personnes qui ont le même vécu.
« Je me suis fait des copines. Et finalement, j’ai une deuxième famille… je ne suis plus seule », chuchote une jeune femme.
La discrimination et le rejet de ces mamans sont toujours très présents malgré les avancées scientifiques sur le VIH/Sida. Le soutien de l’association est une bouffée d’oxygène pour ces femmes à bout de souffle.
Dr Malika Moussa