Peu avant l’indépendance nationale, le 30 avril 1977, l’organisation non gouvernementale, l’Union nationale des femmes djiboutiennes (UNFD) est créée dans le but d’unir les différents mouvements et de permettre la participation des femmes à la construction du pays.

Le flambeau était porté par feu Aicha Bogoreh Darar, épouse du premier Président de la République de Djibouti Hassan Gouled Aptidon. Alors que la priorité nationale est avant tout la construction du jeune Etat, l’UNFD, toute nouvelle ONG au moyen limité va s’efforcer de porter la voix des femmes dans l’espace public.

Après l’indépendance, l’UNFD, en collaboration avec des partenaires gouvernementaux ou non gouvernementaux, a développé considérablement ses activités et ses domaines d’intervention. En plus d’importantes activités caritatives, l’ONG met en œuvre des programmes d’alphabétisation des femmes et de formation professionnelle.

En 1978, le centre Aïcha Bogoreh est créé. Il accueille en priorité les filles abandonnées à la naissance et les jeunes filles issues de familles pauvres, mais aussi des garçons.

La mise en place de ses premières institutions montre l’intérêt porté très tôt aux questions relatives aux droits des femmes.

Sur le plan juridique, les dispositions du premier texte concernant la loi portant code de la nationalité n° 200 du 24 octobre 1981 dans son article 8 ne font aucune distinction entre les hommes et les femmes : « Est djiboutien, l’enfant légitime ou naturel dont le père et la mère sont djiboutiens. »

Selon ce même code de la nationalité, la mère transmet la nationalité djiboutienne comme le prévoit l’article 9 :

« Est djiboutien, l’enfant né en République de Djibouti de parents inconnus. Est également djiboutien, l’enfant né en République de Djibouti de mère djiboutienne, mais dont le père est inconnu. »

Dans le même sens du respect des droits fondamentaux des femmes, la loi organique de décembre 1981 relative aux élections des députés dans son article 9 stipule que : « Sont éligibles les citoyens de la République des deux sexes, âgés de plus de vingt-trois ans et pourvus d’un casier judiciaire vierge, inscrits sur une liste électorale ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits avant le jour de l’élection, domiciliés depuis plus de cinq ans (5 ans) en République de Djibouti, sachant lire, écrire et parler couramment le français ou l’arabe. »

Les femmes sont donc électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes.

Il faut rappeler que l’exercice du droit de vote est assuré aux femmes djiboutiennes depuis la période coloniale.

Donc, du côté de l’exécutif et du législateur djiboutien, il n’est observé aucune entrave particulière à la mise en place d’un cadre institutionnel et juridique permettant d’atteindre l’objectif de l’égalité entre les deux sexes. Cependant,  les attitudes et les pratiques fortement discriminatoires à l’égard des femmes vont persister dans la société.

Pour y remédier, l’accent est mis sur la sensibilisation et l’information.

Dans les années 80, en partenariat avec le gouvernement et plusieurs organisations internationales, l’UNFD va lancer une vaste campagne de lutte contre les mutilations génitales féminines. C’est le début d’une longue et difficile lutte contre ces pratiques très néfastes pour la santé, mais systématiquement opérées sur les jeunes filles.

En 1984, l’UNFD organise une conférence sur le thème de « la circoncision féminine n’est pas un acte religieux ». Cet évènement a pu faire évoluer les mentalités dans la mesure où les participants notamment les représentants de la prestigieuse université Al Azhar ont dénoncé  les MGF et réaffirmer qu’elles n’ont aucun fondement religieux. L’intervention de cette haute autorité religieuse respectée confirmant le non-fondement religieux de cette pratique et l’intense campagne de sensibilisation ont probablement permis à la lutte contre les MGF de franchir un cap.

Le résultat le plus immédiat a été que, traditionnellement réservé aux femmes, le sujet très tabou des MGF a pu être abordé et débattu librement dans l’espace public en associant volontairement les hommes.

À la suite de cette conférence, il est observé que la pratique des formes les plus dures des excisions va être peu à peu limitée au profit de la forme dite sunna plus légère.

Enfin, la tolérance de la médicalisation des MGF va apparaître comme un compromis, bien que surprenant, destiné à sortir la pratique de la clandestinité.

Abdallah Hersi