« Je compte faire de notre banque un leader de la finance islamique  à Djibouti »

Depuis le début de ce mois de juillet East Africa Bank  a un nouveau directeur général  en la personne de M. Mohamed Kamil Mohamed, un jeune djiboutien qui a fait ses preuves dans le domaine bancaire. Il entend  développer cette institution et la mener comme leader de ce secteur en pleine mutation. Après Mohamed Aden de la BCIMR dans   les  années 90, il est le deuxième djiboutien  à occuper un tel poste au sein d’une banque à Djibouti.

Lorsque nous avons rencontré  Mohamed Kamil  dans son bureau la semaine dernière, il était en pleine conversation au téléphone  avec des partenaires qui se trouvaient à l’autre bout du monde. Une chose nous a d’emblée  frappé : sa maitrise parfaite de la langue de Shakespeare  et son aisance à communiquer avec cette dernière qui s’avère nécessaire quand on travaille surtout dans le milieu bancaire. En répondant à notre curiosité,  il nous a confié qu’il l’a apprise et développé ici à Djibouti et non ailleurs,  au sein de la banque Dahabshil qui en a fait sa  langue de travail. D’ailleurs ça ne sera pas la seule surprise. Sa maitrise des questions relatives au milieu bancaire à Djibouti mais aussi des grands enjeux de ce domaine nous a permis d’en savoir plus sur ce secteur appelé à se moderniser.  Pour en arriver là où il est aujourd’hui,  il a fait bien sûr un long chemin.

Tout d’abord les études. Après un bac  de comptabilité  de gestion obtenu à Djibouti, il a étudié  au Maroc  et décroché une licence en  audite et contrôle  interne, puis un master en ingénierie financière. Il a également suivi  en France un programme sur la  finance islamique à l’université de Strasbourg. Élève studieux et travailleur, il a la tête d’un premier de la classe  Un peu réservé mais toujours accueillant et de bonne humeur, très pieux , Mohamed Kamil est l’exemple même de la réussite de cette jeune génération qui veut prendre la relève de ses  ainés  Après avoir bouclé ses études il regagne le pays en 2011  et c’est à la Banque Centrale de Djibouti qu’il  a été recruté en tant que cadre supérieur dans le département de  supervision bancaire   Il avait en charge les banques islamiques en nombre de quatre à  cette période-là : Salam Bank, Saba Bank, Dahashil et Shoura Bank. Son job consistait à les superviser et surveiller leur santé financière en termes de règlementations présentielles, mais aussi d’un point de vue de gouvernance. « Je travaillais  avec  M. Malick Garad, chef de service de la supervision bancaire   qui m’a  accompagné dans mes débuts et j’ai pu développer durant trois ans beaucoup de connaissances en termes de règlementations financières et de gestion de risque, c’est-à-dire la lutte contre le blanchissement et le terrorisme. », nous a t-il confié.

En juin 2014, il rejoint la Banque Dahabshil qui deviendra plus tard East Africa Bank, cette fois ci il avait en charge de la conformité et de la surveillance des opérations liées au blanchiment et au financement du terrorisme. Il se rappelle  de ses débuts au sein de cette institution : « C’était  une banque assez jeune qui avait fait ses débuts en 2010. Elle recrutait des gens compétents pour pouvoir prendre ses marques dans ce secteur et son objectif était de se spécialiser dans la finance islamique pour développer des procédures relatives à ces produits. Raison pou laquelle elle a  recruté des experts dans ce domaine.»

Quelques années plus tard, il  est nommé directeur des risques tout en ayant aussi beaucoup d’autres  responsabilité  Il y a un an,  il est promu  Directeur Général Adjoint.  Il se retrouve numéro deux  de la banque, après avoir  eu l’agrément de la banque centrale qui doit approuver  la nomination des deux plus hauts responsables de toute banque de la place.

Début mai de cette année, c’est le départ du DG de East Africa Bank, un ressortissant Kenyan pour des raisons personnelles et c’est tout naturellement que la direction de la banque lui est confiée. Il a bien endossé déjà le costume et nourrit beaucoup de projets pour développer East Africa Bank.

Comment voit-il la place bancaire à Djibouti ?  « Avec 13 banques conventionnelles et islamiques dont trois  sont spécialisées  à la finance islamique à savoir Salam Bank, Saba Bank et East Africa Bank  qui prennent une part de marché avoisinant les 30% , la réforme du secteur bancaire initiée en 2011 par la banque centrale de Djibouti a permis de développer ce secteur. Avec des ratios de solvabilité assez solide, nous n’avons jamais vu des banques qui ferment à Djibouti », reconnait-il.

Selon lui, les banques islamiques ont de l’avenir à Djibouti, mais elles manquent de coordination et d’unité. Si elles travaillaient ensemble, elles auraient pu atteindre un chiffre beaucoup plus important.  Il faut rappeler que ces banques ont été créés dans des situations économiques très difficiles  comme la crise des supprimes,  ce qui avait renforcé les exigences prudentielles du régulateur.

Le nouveau DG de EastAfrica Bank veut lancer une association qui regroupera ces banques islamiques  pour répondre aux problèmes particuliers que rencontrent ces banques islamiques. Avec en ligne de mire une possibilité de les connecter dans le futur. Cela permettrait aux clients de ces banques de faire leurs retraits dans n’importe qu’elle distributeur de ces banques islamiques.

Aussi, les banques locales souffrent d’une non représentativité au niveau international, ce qui limite la qualité de leur service concernant  les transferts. La pandémie de la covid 19 a touché aussi de plein fouet ce secteur car la production industrielleavait cessé,  il n’y avait pas d’importation  et l’activité économique ne tournait plus. Mais elles ont  su survivre et aujourd’hui, elles sont solides et présentes sur le marché tout en ayant une vocation régionale. Treize banques pour une population d’à peine un million de personnes, le marché local est très réduit, ce qui fait que ces banques visent la région pour étendre leurs services. La position géographique de notre pays leur permet de dominer la région. Elles peuvent intervenir en tant que intermédiaire dans les opérations financières d’autant plus qu’il existe des pays comme l’Ethiopie avec une population de 115 millions  qui constitue avec la Somalie un grand marché.

Et la banque East Africa  dans tout ça ? Son nouveau Directeur Général déclare : « Elle se positionnerait en leader dans ce secteur avec une variété de produits islamiques innovants et  charia compatibles car elle propose des solutions conformes à la charia dans toutes ses offres. Aussi elle a participé fortement à l’inclusion financière en permettant à la population exclue du marché financier,  en l’acceptant d’abord , et en incitant les autres banques de lui emboiter le pas .  Par ailleurs, la banque a permis à  de nombreux djiboutiens d’avoir accès au crédit. Les  particuliers représentent 80% de notre clientèle mais leur revenu ne représente que

20 %. Ils nous coûtent cher mais c’est notre responsabilité sociale.  Nous continuons d’accompagner cette population avec notamment  nos projets immobiliers à Nagad sur 200 hectares, où un peu plus de 1000 logements devraient être construits et qui seront mis en location-vente. Ceux qui ont le moyen pourront les acheter directement».

East Africa Bank investit beaucoup aussi dans le domaine de l’acquisition de véhicule. Cette part représente 40% des investissements aux particuliers. « Nous sommes la banque qui a crée tout cet embouteillage en ville », plaisante  M. Mohamed Kamil,  petit sourire en coin.

Avec 8 branches au total dont 2 dans les régions, East Africa s’est bien implanté dans le pays.

La digitalisation des services : un défi que compte relever le nouveau DG

A l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication et compte tenu des nouveaux défis structurels et stratégiques auxquels  .doit faire face le secteur,  les banques doivent amorcer une digitalisation de leurs services. « La digitalisation est le seul moyen de répondre aux nouveaux besoins des clients  qui veulent des services personnalisés, accessibles partout et  disponible 24/24. « Notre projet est de digitaliser toute cette clientèle. Offrir à moindre coût  et quasiment gratuit les solutions digitales à savoir les cartes bancaires qui leurs permettraient de gérer leurs liquidités très confortablement en faisant des payements partout. Mais  aussi les payements en ligne via le portefeuille électronique, sur ce domaine nous sommes en train de fournir beaucoup d’effortsNous pensons aussi à digitaliser la demande de l’accès au financement. C’est un de mes objectifs de  90 jours.et j’appelle la population à utiliser ces outils ».

L’autre stratégievise  au-delà de Djibouti. Le groupe Dahabshil, à travers  plusieurs institutions et notamment celle la plus connue « Dahabshil Money Transfert » qui est présente dans 150 pays dans le monde  veut étendre son action car ces branches de transfert monétaire servent de relais et représentent indirectement East Africa Bank qui possède aussi  un bureau de de représentation en  Ethiopie pour servir la clientèle éthiopienne et répondre à sa demande, tout enfacilitant les transports et la logistique dans ce pays. Ce qui fait au total 9 bureaux dans la région de l’Afrique de l’Est.

Enfin East Africa veut développer ses services ici à Djibouti mais aussi étendre son réseau dans la région et à l’international. Un défi que le nouveau Directeur Général compte relever avec brio. Nous lui souhaitons bon vent.

KENEDIDE IBRAHIM HOUSSEIN