Comme nous l’avions évoqué au début de l’article précédent, le pays de Pount occupe une assez spéciale dans le domaine de l’égyptologie, car ce territoire et ses habitants entretenaient un lien fraternel avec la civilisation de Kamit. Nous avons également évoqué, dans les articles précédents, l’expédition vers Pount envoyée par la reine-dirigeante Hatshepsout (Xataashapsit selon la prononciation réelle kamito-somali) vers l’an 1470 avant notre ère. Il s’agit de l’expédition la mieux documentée parmi la demi-douzaine enregistrée. Réciproquement, les « puntiyo » (« habitants de Pount » en kamitien) emptruntaient le chemin inverse pour rendre visite à leurs cousins « kamamiyo » (« habitants de Kamit » dans leur langue).

En effet, environ cinquante années après l’expédition d’Hatshepsout, une délégation venue de Pount sera accueillie par le vizir Rekhmire, dont la prononciation exacte de son nom est Rakhmiraac (alphabet kamito-somali). Petit-fils de Amtou (« Camdhu » en kamito-somali), lui-même vizir de la reine Hatshepsout à l’époque de la fameuse expédition vers Pount, on constate que cette période de la 18e dynastie constituait un point culminant dans les relations entre le royaume de Kamit et le pays de Pount.

La découverte de la chapelle mortuaire du vizir Rakhmiraac va permettre aux égyptologues d’engranger de précieux renseignements concernant sa vie quotidienne et la fonction de vizir au sein des institutions du royaume.

En observant les textes et les peintures murales, on peut le voir à côté de son épouse Marit dont le nom découle de la même racine linguistique que le prénom somali Marwo, ainsi que les prénoms Mariam, Marie ou Maria. On peut également observer les impressionnantes scènes du défilé annuel d’hommages et de dons des peuples étrangers, cérémonie au cours de laquelle les contributions des nations étrangères sont présentées au roi Thoutmosis III (Jaxuuti-Miis en kamito-somali) en présence de son vizir Rakhmiraac, chargé de les enregistrer et de les stocker. Le roi Jaxuuti-Miis était le beau-fils de Xataashapsit et son successeur à la tête du royaume.

Contrairement aux autres délégations étrangères présentes, venues de l’ancien Soudan, du Moyen-Orient ou des îles méditerranéennes, la délégation de Pount ne se présentait pas en tant que vassal du royaume de Kamit. N’ayant jamais été considérée comme telle, la délégation de Pount était venue apporter des cadeaux et des objets commerciaux à leurs cousins couchitiques. Sur les scènes où l’on voit le défilé des délégations étrangères, il apparaît que les « kamamiyo » et les « puntiyo » ont la même apparence physique et le même style vestimentaire. Le pagne blanc qu’ils portent se disait « duu » en kamitien et se dit « dhuu » en somali. La similitude observée entre l’ancienne langue de Kamit et la langue somali moderne indique que les deux peuples se comprenaient très bien. Prenons donc pour exemple le texte d’accompagnement écrit à côté de la délégation de Pount: « Yita im xatap in uro nu Punt im kuuso » Traduction : « Arrivée en paix des chefs de Pount rendant hommage » « Yita » (arrivée) est connecté au somali avec « Yimid » (venu), « Uro» (chefs) est connecté au somali avec « urur » (rassemblement), tandis que «kuuso » (rendre hommage) est relié au somali avec « kuus » (rouler en boule) avec lequel on peut comprendre l’action de s’incliner pour rendre hommage.

Les cadeaux et objets commerciaux rapportés de Pount sont constitués en grande partie de résines odorantes, essentiellement de la myrrhe et de l’oliban. Des cônes en morceaux et des paniers sont empilés devant les scribes comptables.

En outre, il y avait aussi de l’or, des défenses d’éléphant, de l’ébène, des œufs et des plumes d’autruche, des colliers, des guépards, des singes, des babouins hamadryas, des bouquetins, des peaux de léopard et des queues de girafe. Le manque d’informations complémentaires nous empêche de savoir cette délégation est arrivée à Kamit avec leurs propres bateaux ou s’ils ont emprunté la voie terrestre. Au vu de tous les produits de Pount qui faisaient partie du voyage, il serait judicieux de préconiser l’hypothèse de la voie maritime.

Abi-Paul Laclé