Le commerce en détail des vêtements d’occasion, baptisé chez nous sous le nom de « Houdhet » est un marché qui fait vivre des dizaines de centaines de familles. A Djibouti, les fripes habillent aujourd’hui une bonne partie des djiboutien(nes) ou encore les étrangers du pays, elles font vivre une multitude de petits revendeurs locaux. On porte de la fripe dans tous les milieux sociaux, des plus démunis aux plus aisés  afin de s’habiller à bon marché et en élégance.

Le marché du Quartier1, un lieu réputé pour son ravitaillement en produits usagés, et tous les matins, c’est le même rituel, la vente à la criée de la friperie est spectaculaire, un chant rythmé, des gestes cadencés et des clients qui affluent. Dans ce tas de vêtements, Ahmed choisit un pantalon jean, il n’y’a pas de cabine d’essayage et les transactions se déroulent en pleine rue, juste un coup d’œil suffit, et c’est en rentrant à la maison qu’on se donne le luxe et le temps d’apprécier la qualité de l’article.

Marian et Oubah sont des habituées de ce lieu et y viennent régulièrement pour leur course, Mariam nous dit : « je suis venue acheter des vêtements pour ma petite sœur et ce genre d’endroit sont des coins appropriés pour nous, qui n’avons pas beaucoup de moyens pour se rendre dans les grands magasins et supermarchés. ».

Néanmoins, avant d’arriver dans les grands marchés de fripe de Djibouti, les vêtements, chaussures, sacs et autres marchandises ont parcouru un long chemin, débarqué de l’Europe, de l’Asie, du Canada et même des Etats-Unis qui reste le plus gros exportateur de vêtements de seconde main.

Cependant, tout commence par les négociations des importateurs auprès du fournisseur, puis le listing de la commande est dressé, s’ensuit le chargement du conteneur et livraison. Ainsi, le procédé se bonifie au fil du temps. Selon M. Goudi, importateur de friperie et présent dans le métier depuis plus de 20 ans : « Avant c’était un business réservé et occupé par des riches commerçants issus de la Somalie, et dès lors on trouve de plus en plus de jeunes entrepreneurs djiboutiens qui débarquent dans notre secteur, et qui sont pour la plupart des intellectuels et de diplômés ».

En ce qui concerne la fiscalité à la friperie, la TIC est au taux normal pour les vêtements et les vendeurs de produits Houdhet doivent s’acquitter au moins la patente au titre de leur fonds de commerce et pour les grossistes la patente d’importateur.  La friperie ou Houdhet est apparue à Djibouti dans les années 80, puis le secteur s’est largement développé avec l’entrée de différents agents économiques. Les articles textiles arrivent du port conditionnés sous forme de balles portant un code d’identification qui précisent le contenu du paquet, et après le décompte et la vérification de la marchandise, elle est transportée dans les entrepôts des grossistes. Un espace où se ravitaillent les semi-grossistes et les détaillants pour ensuite se tourner et vendre leur balle vers les marchés environnants.

Une économie circulaire avec des milliers d’emplois à la clé. Au Houdhet du marché Riad, nous rencontrons Kassim Boulboul spécialiste du domaine des rideaux depuis 10 ans et tous les matins il organise une vente aux enchères en fonction de la concurrence tout en veillant à son prix de revient. Autour de lui, il y’a ses usagers clientèles qui sont pour la plupart des revendeurs comme M. Guedi et Houmed qui revendent leur marchandise en parcourant les villes périphériques des districts Nord et Sud (Ali –Sabieh, Dikhil, Tadjourah…). On trouve aussi près de lui d’autres usagers telle que Mme Amina qui nous déclare :« Quand la maison est embellie avec de beaux rideaux, on est satisfait et chez Kassim les prix sont abordables ».

Sur les différents marchés de friperie de la capitale, les grossistes s’approvisionnent notamment auprès de relais. Celui-ci leur fournit quelque 500 tonnes par an de vêtements déjà triés en France. Chaque année, un Français se débarrasse en moyenne de 12 kg de vêtements. La moitié, inutilisable, est recyclée en chiffons ou incinérée. Après avoir été collectés et triés en fonction de leur qualité, les plus beaux lots sont vendus sur le marché français. Le reste se retrouve en Afrique par conteneurs entiers. Et cela échoue en majorité dans une antenne relaie d’un entrepôt qui achemine plus tard les marchandises vers des grossistes.Le grossiste de la friperie emploie plus de 30 personnes qui se chargent de trier de 200 kg à 10 tonnes d’habits mélangés. Selon Mr Bogoreh, marchand exerçant dans le commerce en gros depuis 6 ans : “Ce sont des balles de vêtements mélangés qui arrivent ici dans notre entrepôt, les pièces sont triées selon leurs catégories (robes, chemises, etc.), puis en fonction de leur qualité et de leur niveau d’usure, les bénéfices sont investis dans des projets locaux de développement et dans les salaires des employés, majoritairement des femmes”. Quant aux entrepreneurs et propriétaires de conteneurs, cela permet de payer la manutention, le tri, les frais de douane et de transport ainsi que quelques intermédiaires.

Toutefois, les produits vestimentaires de la friperie correspondent aux possibilités économiques des djiboutiens, et c’est ce que corroborent les acteurs du secteur : « si vous entrez dans un magasin de vêtement, il faudra au minimum débloquer 20 à 50.000 fd pour s’habiller et habiller la famille alors qu’ici à la friperie, vous ne dépenserez que presque la moitié pour être satisfait». Cependant, le marché de la friperie est en danger car il doit faire face à la rude concurrence des produits asiatiques (Chine, Corée,etc.). Il faut dire que les importations chinoises de textile à bas prix mettent non seulement en crise le secteur du Houdhet mais lutte aussi les velléités de construire une industrie locale de confection vestimentaire dans le pays.

Bref, le secteur de la friperie est sensible à la conjoncture économique, sa clientèle est jeune et nombreuse, il reste un marché relativement important tant que les phénomènes de mode poussent à un renouvellement des vêtements.

Certes, c’est un secteur ouvert, compartimenté, pouvant accueillir de nouveaux entrepreneurs à la seule condition d’avoir une stratégie commerciale bien adaptée au type de marchandises vendues et au type de clientèle visée.

 Saleh Ibrahim Rayaleh