
Pluies diluviennes, bétail décimé, familles sans abri : le Grand Weïma vit l’une des pires catastrophes naturelles de son histoire récente. Entre détresse et espoir, les habitants lancent un appel pressant à la solidarité nationale.

La nuit du 14 août 2025 restera gravée dans la mémoire collective des habitants du Grand Weïma, au nord de la région de Tadjourah. Le secteur a été frappé par des pluies d’une intensité exceptionnelle. En effet, durant la nuit du 14 au 15 août dernier, entre 18h30 et 20h30, le ciel s’est ouvert comme jamais auparavant, libérant un déluge torrentiel mêlé de grêles et de vents violents qui ont ravagé en quelques heures ce territoire déjà fragilisé par une sécheresse prolongée. Si aucune perte humaine n’est à déplorer, les dégâts matériels sont considérables : bétail décimé, toukoules effondrés, jardins potagers noyés.
« En soixante-dix ans de vie, je n’ai jamais vu cela », confie, la voix tremblante, Kamil Moukoula chef de village à Adailou. « La pluie tombait avec une telle force que nous pensions que les montagnes allaient s’effondrer. Tout a été emporté : nos toukouls, nos bêtes, nos champs » ajoute le vieux.

Les anciens, mémoire vivante des cycles climatiques, sont unanimes : jamais une telle intensité de précipitations n’avait été observée depuis plus d’un siècle. Le phénomène, soudain et imprévisible, a transformé les oueds en torrents furieux, emportant tout sur leur passage. En quelques heures, le quotidien des habitants a basculé.
À Himbisso, les bergers n’ont pu que regarder impuissants leurs troupeaux disparaître dans les flots. Chaque bête représentait bien plus qu’un simple animal : c’était un capital familial, une sécurité alimentaire, une part de dignité et de survie. À Dafeynaytou, ce sont les jardins potagers, entretenus à la sueur du front, qui se sont retrouvés noyés, effaçant en une nuit des semaines de patience et d’espoir. Plus loin, des toukoules se sont affaissés, des familles entières se retrouvent à la belle étoile, exposées à la fraîcheur nocturne qui commence déjà à s’installer sur les hauteurs du mont Goda.

Les premières évaluations dressent un bilan dramatique. Plus de 200 têtes de bétail — chèvres, brebis, vaches et même des dromadaires — ont été décimées par les crues. Pour des familles rurales dont la richesse se mesure au nombre d’animaux, c’est une tragédie économique.
L’agriculture, déjà mise à rude épreuve par la sécheresse, a elle aussi été frappée de plein fouet. Une cinquantaine de périmètres agricoles ont été détruits, leurs sols lessivés et rendus stériles. Les potagers familiaux, qui assuraient l’autosuffisance alimentaire, ont disparu sous les eaux boueuses.
Le chef du village, Kamil Moukoula, a salué le courage de sa communauté tout en lançant un appel à l’aide. « Les habitants ont montré un courage admirable. Mais les pertes sont considérables, surtout à Himbisso où le bétail a été décimé, et à Dafeynaytou où les jardins sont détruits. Nous espérons que les autorités et les bonnes volontés viendront constater et nous accompagner »

Une double peine pour des communautés déjà fragiles
Le drame de Weïma est d’autant plus cruel qu’il survient après une longue période de sécheresse. Durant des mois, les habitants avaient vu leurs pâturages se dessécher, leur bétail s’affaiblir, et leurs récoltes s’amoindrir. Beaucoup survivaient grâce à des solidarités locales et à de maigres économies.
« C’est une double peine », nous fait remarquer le chef de village. « La sécheresse avait déjà vidé nos réserves et affaibli nos familles. Et voilà que la pluie, que nous attendions comme une bénédiction, est venue sous la forme d’un désastre » souligne M. Moukoula.
Ce paradoxe climatique — sécheresse persistante suivie de pluies diluviennes — est caractéristique des dérèglements climatiques qui frappent de plus en plus durement la Corne de l’Afrique.
Dès le lendemain, les habitants du Grand Weïma ont commencé à relayer leur détresse. Des vidéos et témoignages circulent désormais sur les réseaux sociaux, montrant des familles sinistrées appelant à l’aide.
Les besoins sont immédiats et vitaux : vivres, abris, couvertures, soins médicaux, semences pour relancer l’agriculture et notamment l’appui d’un vétérinaire pour sauver le peu de cheptel qui leur reste.