On reconnaissait la femme djiboutienne par son magnifique teint noir, original et aujourd’hui elles ont tendance à être inhabituelles et irreconnaissables  à tel point qu’on les cherche à la loupe, se cachant derrière un masque de produits cosmétiques, et pourtant selon cette dermatologue, spécialiste de la peau, les femmes noires vieillissent moins vite, et sont plus déterminées et plus entreprenantes.

C’est une activité humaine qui vienne des fonds des âges puisque toutes les civilisations ont utilisé des bijoux, des peintures, des tatouages et d’autres formes de distinction, et aujourd’hui le mot d’ordre semble être le métissage, ni blanc ni noir, au mépris du risque de choper le cancer pour être plus clair. Toutefois, une étude effectuée dans le domaine révèle que plus de 80% de djiboutiennes sont convaincues qu’une femme au teint clair est plus attirante et plus belle, et pense que la mise en évidence de cette beauté artificielle est synonyme de beauté, de séduction, pour elle une peau blanche est certes associée à la réussite et richesse.

Au souk des magasins de produits de beauté, du matin au soir ; les clientes se bousculent dans les bazars de cosmétiques, toutes sont à la recherche d’un même idéal de beauté, obtenir une peau toujours plus blanche et pour cela nos jeunes et femmes sont prêtes à dépenser beaucoup d’argent. Dans le magasin, cette femme d’une trentaine d’années nous répond : « Moi, je viens acheter des crèmes éclaircissantes, c’est la mentalité de toutes les femmes, elles pensent que plus elles sont blanches et plus elles sont belles », et une autre femme près de nous ajoute : « C’est à cause des hommes si nous voulons toutes nous blanchir car ils n’aiment pas les femmes sombres ou marrons, c’est pas important pour nous qu’il y’ait un produit dangereux dans la crème, l’essentiel c’est d’arriver au résultat final ».

Or, les meilleures ventes du magasin sont les crèmes blanchissantes, les produits capillaires et de soins pour la peau, maquillage, etc. C’est un marché qui dépasse les 5 millions de francs par an et toutes les grandes marques de produits américaines et françaises y sont.

D’après Abdi, le gérant du lieu : « Il y’a 20 ans, la plupart de ces crèmes n’existaient pas et maintenant ça représente la plus grosse part de nos ventes car personne ne veut devenir noire ».

On appelle cela le syndrome de Blanche-neige et cette obsession de la blancheur pousse certaines jeunes  filles à aller beaucoup plus loin en se rendant chez des dermatologues pour se faire injecter des produits de blanchissement poussif tels que le dermocorticoïde et l’hydroquinone.

Mlle Amina qui fait tout pour arrêter ces produits nous déclare : « Moi, je suis actuellement en formation dans le domaine de la santé pour être infirmière, et suis pleinement informée des risques que peut m’apporter la crème blanchissante, comme la suture de la peau en cas de lésion, le diabète, de larges vergetures inesthétiques, de l’hypertension artérielle, des complications neurologiques et le cancer de la peau. J’essaie aujourd’hui d’arrêter progressivement d’utiliser ces produits avec les encouragements de ma mère pieuse. Aussi, je conseillerais aux autres de garder leur teint naturel car nous sommes des Africains. On devrait être fiers de notre peau noire au lieu de chercher à imiter les Européens qui ont la peau blanche ».

Les femmes enceintes qui consomment ces poisons transfèrent du mercure à leur enfant, ce qui peut se traduire par l’apparition de retard de croissance ou de malformation chez les nourrissons, selon l’OMS.

Depuis 2015, l’importation et la publicité des produits éclaircissants est interdite à Djibouti mais pas leur utilisation. Et même qu’en 2019, une opération de répression a été entreprise contre les produits éclaircissants, si bien que les policiers ont retiré des magasins des crèmes et autres savons, dans plusieurs parties du pays. Pourtant, les vendeurs et les consommatrices accros se tournent souvent vers la contrebande pour s’approvisionner.

Saleh Ibrahim Rayaleh