Dans un monde marqué par l’instabilité géopolitique et les crises humanitaires récurrentes, certains pays, par leur position et leur rôle, dépassent largement le cadre de leurs frontières. Notre pays  en est l’illustration parfaite. Situé au carrefour de l’Afrique, du monde arabe et de l’océan Indien, Djibouti  s’est imposé, au fil de son histoire, comme un acteur indispensable à la sécurité, à la solidarité et au développement régional. Dans cette tribune, le ministre de l’Économie et des Finances, M. Ilyas Moussa Dawaleh, revient sur cette vocation singulière de Djibouti : celle d’un « bien public global », dont la contribution dépasse les statistiques pour toucher à l’essentiel,  la stabilité régionale et la paix mondiale.

« En économie, un bien public se définit par sa capacité à bénéficier à tous, sans exclusion ni rivalité. En diplomatie, certains pays, par leur géographie, leur histoire et leur posture, en viennent à incarner cette fonction bien au-delà de leur taille ou de leurs statistiques démographiques. Djibouti en fait partie.

Notre pays n’est pas seulement un État souverain au service de ses citoyens. Aussi et Depuis son indépendance, Djibouti est devenu un bien public régional : un point d’ancrage pour la sécurité, la solidarité et le développement dans l’une des régions les plus turbulentes du monde.

Dès les premiers jours de son indépendance, Djibouti s’est trouvé en première ligne de la solidarité régionale. Nous avons accueilli à deux reprises des réfugiés éthiopiens, des réfugiés somaliens fuyant la guerre civile, des réfugiés yéménites à deux reprises, ainsi que des familles érythréennes déracinées par les conflits.

Nous continuons à accueillir les réfugiés ou migrants climatiques de toute la région, jusqu’à des proportions susceptibles de compromettre notre propre sécurité nationale.

À chaque fois, Djibouti a assumé ce devoir, au prix de lourdes charges humaines et financières, non comme une option mais comme une responsabilité. Cette tradition perdure.

Le plus récent exemple est l’évacuation humanitaire après la crise au Soudan en 2023–2024, lorsque Djibouti est devenu le hub central pour accueillir, protéger et relocaliser des milliers de civils, diplomates et travailleurs humanitaires de toutes les nationalités du monde.

Oui Djibouti et son gouvernement étaient remerciés et félicités comme d’habitude. Et la suite… pour nous laisser à prendre en charge, ces milliers réfugiés ou migrants abandonnés à cause de la révision de l’aide internationale et de l’aide humanitaire coupée des institutions onusiennes en charge de ces questions.

« Le principal hub humanitaire de la côte Est africaine »

Djibouti n’est pas seulement une plateforme de transit commercial, il est aussi le hub logistique humanitaire principal de toute la côte Est africaine.

Si le peuple du Yémen, plongé dans une situation de vulnérabilité extrême, bénéficie encore aujourd’hui d’une ligne d’approvisionnement pour nourrir sa population, c’est grâce à Djibouti.

Nos ports servent de plateforme d’inspection et de distribution du système des Nations unies, permettant aux cargaisons commerciaux et humanitaires de franchir la mer Rouge et d’atteindre les populations dans le besoin.

Cette fonction, discrète mais vitale, illustre encore une fois que Djibouti est bien plus qu’un petit État, il est un maillon essentiel dans la chaîne humanitaire mondiale.

« Djibouti est d’abord, Un investisseur régional et non pas un simple petit bénéficiaire de l’aide au développement »

Contrairement aux perceptions, Djibouti n’a jamais été un simple récipiendaire d’aide. Il a été, au contraire, un investisseur actif dans le développement régional.

Au cours des deux dernières décennies, Djibouti a investi ou co-investi près de 10 milliards de dollars dans les infrastructures et la connectivité régionale.

Depuis la fin des années 1990, Djibouti a multiplié par quatorze sa capacité portuaire.

Sans ces investissements, l’Éthiopie n’aurait jamais connu la transformation économique qu’elle vit aujourd’hui. Les 100 millions d’Éthiopiens dépendent directement des ports de Djibouti pour leur alimentation, leur énergie et l’accès de leurs exportations aux marchés mondiaux.

Contrairement aux estimations fantaisistes de certains, le flux financier direct généré par les ports de Djibouti n’ont jamais dépassé les 500 millions de dollars par an – bien loin des 2 milliards de dollars souvent avancés par des amateurs.

Mais là n’est pas l’essentiel : ce qui compte, c’est l’effet multiplicateur de ces infrastructures sur la stabilité et la prospérité régionales.

« Pourquoi écrire cette tribune ? »

La réponse tient à deux raisons.

D’abord, aux leçons que j’ai tirées de quinze années d’expérience dans le domaine du développement, en observant ce que Djibouti a donné et continue de donner à sa région et au monde.

Ensuite, à mon agacement face aux formules arithmétiques et aux modélisations en silos utilisées par certains sinon par tous les partenaires bilatéraux ou multilatéraux ( IDA, FAD, BID etc. ) pour évaluer et déterminer les « allocations pays »destinées aux pays comme Djibouti.

Réduire Djibouti à une population d’un million d’habitants ou à un PIB modeste, c’est ignorer sa fonction réelle, celle d’un bien public global dont la stabilité, les infrastructures et la solidarité profitent à des centaines de millions de personnes et à l’économie mondiale dans son ensemble.

C’est pourquoi, Il est temps de changer de paradigme. Soutenir Djibouti n’est pas un geste de charité : c’est un investissement collectif dans la stabilité mondiale.

Investir dans nos infrastructures, c’est sécuriser la fluidité du commerce maritime international.

C’est Renforcer notre résilience sociale, C’est contenir les effets déstabilisateurs d’une région fragile,

C’est Appuyer notre rôle diplomatique et humanitaire,C’est offrir à la Corne de l’Afrique une plateforme crédible de médiation et de secours.Cela suppose des allocations adaptées et un partenariat plus juste.

Oui, Djibouti est petit par la taille, Mais immense par sa fonction de Carrefour stratégique, refuge humanitaire, ancre sécuritaire et diplomatique et un nœud vital du commerce mondial.

Djibouti est un bien public global.

Il est temps que cette réalité soit pleinement reconnue, et que nos partenaires ajustent leur approche. Car investir dans Djibouti, ce n’est pas investir dans un petit pays. C’est investir dans la stabilité de la Corne de l’Afrique, dans la fluidité du commerce mondial et, ultimement, dans la paix du monde.

Par Ilyas Moussa Dawaleh