Il n’y avait pas de place vide hier matin dans la grande salle du Kempinski Palace. Ministres, élus, partenaires internationaux, figures de la société civile, et hauts cadres de l’administration s’étaient donné rendez-vous pour un moment rare: celui où une nation se regarde dans le miroir de son propre destin.  

Le lancement du 3e Plan National de Développement (PND 2025-2030) n’était pas un rendez-vous technocratique parmi d’autres. Il avait des airs de moment fondateur. Car tout le monde y était: le gouvernement au grand complet, les élus, les collectivités, les partenaires au développement, les représentants du secteur privé, de la société civile, et même les diplomates. Une salle comble, et un seul mot d’ordre : conjuguer nos efforts, accorder nos violons.

Depuis 2015, la république de Djibouti avance à pas comptés mais fermes dans sa quête de transformation. Deux plans successifs, SCAPE puis Djibouti ICI, ont structuré cette marche.

Mais chacun a laissé derrière lui des leçons. Des projets lancés, d’autres inachevés. Des ambitions affichées, parfois freinées par des lenteurs d’exécution, des contraintes budgétaires ou un manque de coordination. D’où l’urgence d’un nouveau départ, d’un souffle commun.

Le PND 2025-2030, tel qu’annoncé hier matin, se veut plus qu’un document de planification : c’est une boussole nationale. Il porte en lui une volonté nette de sortir du déséquilibre – celui entre régions et capitale, entre croissance et inclusion, entre ambitions et moyens.

Il entend bâtir sur les acquis, mais aussi corriger les angles morts. Oui, la croissance économique est là 5 % en moyenne, mais à quoi sert-elle si elle n’irrigue pas les régions, si elle ne crée pas d’emplois durables, si elle laisse sur le bas-côté une jeunesse pleine de rêves ?

L’élaboration de ce troisième PND s’appuie sur une approche participative inédite: groupes thématiques, consultations régionales, concertations avec le secteur privé et la société civile.

On ne parle plus de développement comme d’une affaire d’État seulement, mais comme d’un chantier collectif. Comme d’un accord de musique où chaque instrument compte.

Le cœur du défi est clair: il faut rompre avec la planification en silo. Il faut harmoniser, prioriser, simplifier. Pour cela, une grammaire commune doit être inventée, celle d’un État stratège et efficace, d’une administration redevable, d’un secteur privé pleinement acteur, d’une société civile écoutée, d’un citoyen enfin au centre.

L’un des grands enjeux sera celui du financement. Djibouti mise sur un partenariat renouvelé avec ses bailleurs, mais aussi sur la mobilisation du secteur privé à travers des projets bancables, transparents, matures.

La diversification économique ne se fera pas sans énergie accessible, sans connectivité intérieure, sans réforme de fond de l’administration.

Mais surtout, au-delà des chiffres et des cadres logiques, hier, quelque chose de rare s’est exprimé: un sentiment de responsabilité partagée. Le discours du Premier ministre avait une sonorité sans détour : « Ce plan est l’affaire de tous. » Il faudra, en effet, que chacun s’y reconnaisse, que chaque région y trouve son compte, que chaque jeune y voie une promesse tenue.

Aujourd’hui plus que jamais, la république de Djibouti n’est pas un pays figé dans ses fragilités. Il est en mouvement, souvent silencieux mais tenace. Hier, notre pays a fait le choix de l’espérance active. Il sait que l’avenir ne s’improvise pas. Il se construit, à plusieurs mains, avec rigueur et confiance.

Ce troisième Plan National de Développement est lancé. Il faudra plus que des réunions et des documents pour lui donner corps. Il faudra de l’unisson, du courage, et cette foi tranquille qui transforme les projets en progrès.

Said Mohamed Halato