Djibouti pleure l’un de ses plus grands artistes. Le dramaturge, comédien et parolier Hamadou Dabaleh Mohamed est décédé avant-hier soir, laissant derrière lui un héritage immense qui traverse les générations. Doyen de la culture et monument du théâtre national, il a consacré plus de cinq décennies de sa vie à nourrir la scène djiboutienne, à faire vibrer les spectateurs et à défendre la culture locale avec passion.                  

Né en 1948 dans les massifs du mont Goda, à Weah, dans le district de Tadjourah, Hamadou Dabaleh grandit dans un environnement marqué par les traditions afar. Très jeune, il rejoint Djibouti-ville, où il poursuit une scolarité modeste à l’école du Quartier 5. Mais déjà, le jeune garçon rêve d’autres horizons. Plus attiré par les salles obscures que par les cahiers d’écolier, il abandonne tôt l’école pour plonger dans l’univers fascinant des films indiens qui enflammaient l’imaginaire de sa génération.

Cet éveil cinématographique, presque instinctif, marquera le point de départ d’une vie vouée à l’art.

À 16 ans, il monte pour la première fois sur scène aux côtés de Laqdé et Talha. C’est le début d’une carrière fulgurante. Très vite, il devient un visage incontournable du théâtre djiboutien. Ses premiers sketches rencontrent un succès populaire et ouvrent la voie à un répertoire foisonnant : pièces de théâtre, saynètes, téléfilms, scénarios, tous empreints d’un réalisme social qui touche le cœur des spectateurs.

Son engagement artistique le pousse aussi vers la musique. Durant son apprentissage, il interprète des œuvres de son maître Talha et compose lui-même une vingtaine de chansons, reprises par de grands interprètes de la chanson djiboutienne. Mais en 1978, il délaisse la composition musicale pour se consacrer entièrement au théâtre et aux téléfilms.

Avec près de 975 épisodes réalisés, il détient le record national de production télévisuelle, marquant durablement l’histoire de la fiction djiboutienne. Ses créations, diffusées notamment pendant le Ramadan, ont façonné la mémoire collective du pays.

L’homme d’engagement et de culture

Hamadou Dabaleh était aussi un militant et un témoin de son temps. Grand indépendantiste, il participe en 1976 à une délégation de la LPAI, conduite par Ismaïl Omar Guelleh, à Mogadiscio. Là, il joue dans la tragédie musicale Geedigii Koowaad d’Ibrahim Gadhlé, devant les figures historiques Siad Barré, Hassan Gouled et Ahmed Dini. Sa carrière le conduit ensuite dans plusieurs festivals et tournées internationales : Éthiopie, Algérie, Qatar… Partout, il porte haut les couleurs de Djibouti et de la culture afar.

Homme de culture, le pays n’a pas manqué d’honorer son immense contribution. En 2006, il est fait Officier de l’Ordre du 27 Juin, puis reçoit la Palme de la Culture en 2007. Jusqu’à ses derniers jours, il restait une figure centrale de la scène, entouré de jeunes artistes auxquels il servait de mentor. Vice-président et doyen des artistes djiboutiens, il exerçait également comme conseiller artistique auprès du Bureau du droit d’auteur du ministère de la Culture.

Sur la scène, Hamadou Dabaleh a côtoyé tous les grands artistes nationaux de toutes les générations et de toutes les langues nationales confondues, à savoir : Ibrahim Gadhlé, Abdo Gofane, Salem Zed alias Hanjo Bouf, Abdoulaziz, Hassan Elmi, Abdi-Nour Allaleh, Fatouma Ahmed, Abdalla Lee, etc.

Toujours actif malgré l’âge, il rêvait encore de se produire en Europe, au Canada ou dans les pays scandinaves. Le destin en a décidé autrement, mais son œuvre, elle, demeure intemporelle.

Avec sa disparition, Djibouti perd l’un de ses plus grands créateurs, mais son héritage, lui, continuera d’inspirer. Ses pièces, ses téléfilms, ses chansons et surtout sa passion pour la scène resteront une boussole pour les jeunes générations. « C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris le décès de Hamadou Dabaleh, l’un des plus grands comédiens de notre pays. Par son talent unique, il a su faire rire, émouvoir et rassembler des générations entières. Mais au-delà de l’artiste, c’est l’homme, généreux et solidaire, que nous pleurons aujourd’hui », a déclaré le ministre de la Communication chargé des Postes et des Télécommunications, Son Excellence M. Radwan Abdillahi Bahdon, dès l’annonce de cette terrible nouvelle.

Bouleversé par cette perte douloureuse, le ministre Radwan Abdillahi Bahdon a aussitôt présenté ses condoléances les plus attristées à la famille, aux proches, aux compagnons de scène et à l’ensemble des artistes djiboutiens. « Djibouti perd un de ses plus grands artistes : Hamadou Dabaleh. Comédien de talent, scénariste, il incarnait la joie et la solidarité. Sa mémoire restera vivante dans nos cœurs. Qu’Allah lui réserve une place parmi les vertueux. Inna Lillahi Wa Inna Ilayhi Rajioun », a écrit le ministre Radwan Abdillahi Bahdon sur sa page Twitter.

Puisse ALLAH, LE TOUT PUISSANT l’accueillir dans JANNATUL FARDAWS auprès du Prophète Muhammad (PBSL). Nous prions ALLAH, de lui accorder sa Miséricorde et donner force et patience à sa famille pour surmonter cette épreuve.

INNAA LILLAAH WA’INNAA ILAYHI RAAJICUUN !

RACHID BAYLEH