Il y a des guerres qui captivent les caméras et agitent les chancelleries. Des guerres qui saturent nos écrans de chiffres, d’images et d’indignations. Et puis, il y a celles qui s’enfoncent dans le silence, englouties par l’indifférence du monde. Le Soudan, aujourd’hui, en est l’illustration la plus tragique.
Depuis plus d’un an, une guerre civile féroce oppose deux camps qui se disputent le pouvoir au prix du sang des innocents. Khartoum, jadis une capitale vibrante, est devenue un champ de ruines. Des centaines de milliers de vies sont brisées, des millions de personnes arrachées à leurs foyers, errant dans les camps de fortune ou franchissant les frontières dans l’espoir fragile de trouver un refuge. Les hôpitaux sont débordés ou détruits, les enfants meurent de faim et de maladies évitables, tandis que les convois humanitaires, quand ils existent, sont pris en otage.
Pourtant, l’opinion internationale détourne le regard. Les dirigeants du monde mesurent leurs mots et les médias dits mainstream ne relaient cette tragédie qu’à la marge, privilégiant à la une d’autres priorités jugées plus « stratégiques ». Ainsi, le Soudan, se meurt à bas bruit.
Ce silence est une complicité. Le monde ne peut pas se permettre d’abandonner un pays de quarante-cinq millions d’âmes au chaos et à l’oubli. Car la déflagration soudanaise dépasse ses frontières et menace toute la région, de la Corne de l’Afrique au Sahel, où les fragilités s’accumulent déjà comme des poudrières.
Et pourtant, au milieu de ce désintérêt global, des voix se sont levées dans la région pour tenter d’éteindre l’incendie. Sous la présidence en exercice de l’IGAD, le chef de l’État djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, a multiplié les initiatives diplomatiques pour arracher le Soudan au gouffre. Il a accueilli des rencontres de médiation ici-même, proposé des passerelles de dialogue et rappelé sans relâche que la paix au Soudan conditionne la stabilité de toute la Corne de l’Afrique. Ces efforts, bien que confrontés à la dure réalité d’un conflit complexe, ont montré qu’au moins une partie du continent refusait la résignation.
La République de Djibouti, fidèle à sa vocation de promoteur de paix, ne peut rester muet face à ce désastre occulté. Le Soudan n’a pas besoin de lamentations tardives ni de promesses creuses. Ce dont il a besoin, c’est une mobilisation ferme et une solidarité concrète. Chaque jour de silence est un jour volé à la paix, un jour de plus où des vies basculent dans l’irréversible.
Oui, il est urgent que la communauté dite internationale sorte de son cynisme sélectif. Il est urgent que l’ONU, l’Union africaine et les grandes puissances assument leur responsabilité et brisent le cercle de l’oubli. Car le Soudan saigne et on ferme les yeux. Cette lâcheté collective restera comme une tache indélébile sur notre conscience universelle.
Le monde a choisi d’oublier le Soudan. Mais le sang qui y coule, lui, nous interpelle encore tous.