
Après plusieurs semaines de chaleur accablante et de pénurie d’eau, Djibouti a reçu ses premières précipitations significatives. Des averses ont touché tour à tour la capitale et l’ensemble des régions de l’intérieur, offrant un répit bienvenu aux populations et aux écosystèmes durement éprouvés par une sécheresse prolongée. Si cette pluie est accueillie avec soulagement et joie, les autorités rappellent toutefois que les défis structurels liés à la gestion de l’eau demeurent.

Depuis plus d’un mois, Djibouti et ses pays voisins de la Corne de l’Afrique faisaient face à une sécheresse d’une intensité rare. Les températures dépassaient régulièrement les 40 °C, aggravant une crise hydrique qui frappait aussi bien les villes que les zones rurales.
Dans les régions de l’intérieur, le constat était particulièrement alarmant. Les éleveurs nomades, déjà fragilisés par des saisons de pluies capricieuses, ont vu leurs troupeaux décimés. Les puits s’étaient asséchés, les pâturages jaunissaient, et l’exode vers les points d’eau encore accessibles devenait une nécessité vitale.
Face à cette crise, les autorités djiboutiennes avaient multiplié les initiatives. Pas moins de dix réunions de coordination nationale furent organisées pour établir une riposte rapide. Distribution d’eau par camions-citernes, mobilisation des forages encore fonctionnels, assistance humanitaire dans les zones rurales : autant de mesures mises en place pour contenir les effets de cette sécheresse exceptionnelle.
C’est dans ce contexte critique que la pluie a fait son grand retour, offrant au pays un répit inespéré.
Les premières gouttes sur la capitale
Dans la nuit de lundi à mardi, peu après minuit, Djibouti-ville a accueilli ses premières précipitations significatives. Les gouttes, d’abord timides, se sont transformées en une pluie régulière qui a duré plusieurs heures.
Il était un peu plus d’une heure du matin quand les premières gouttes ont commencé à tomber sur Djibouti-ville mardi dernier. Une pluie fine d’abord, puis plus soutenue, presque orageuse. Le ciel, zébré d’éclairs, grondait par moments, avant de céder la place à un tambourinement régulier sur les toits de tôle. Une pluie rare, presque inespérée en cette saison.
Dans une ville où l’été rime avec chaleur accablante et nuits suffocantes, ces précipitations ont apporté un réel soulagement. Ce brin de fraîcheur tant attendu a été accueilli avec un mélange de surprise et de soulagement par les habitants.
Les pluies d’avant hier soir n’ont pas seulement rafraîchi l’atmosphère. Elles ont aussi brièvement transformé le visage de la capitale : rues humides, odeur de terre mouillée, et une certaine légèreté dans l’air au réveil.
Mais tout n’a pas été idyllique. Dans plusieurs quartiers populaires, la pluie a laissé place à une boue épaisse et collante.
Au petit matin, l’averse avait laissé place à un ciel couvert et à une atmosphère rafraîchie. Dans plusieurs communes de la capitale – Ras Dika, Balbala, Boulas – des flaques d’eau occupaient les artères principales et secondaires. Les enfants s’y amusaient, tandis que les adultes y voyaient le signe d’un retour à un cycle pluviométrique longtemps attendu.
L’Agence nationale de la météorologie a confirmé que ces pluies s’inscrivaient dans la saison dite karma/karan, traditionnellement marquée par des averses plus régulières. Cette année, les cumuls enregistrés dépassent la moyenne des années précédentes, redonnant espoir pour les semaines à venir.
Obock et Tadjourah : le nord arrosé
Dans les régions septentrionales, les précipitations se sont révélées encore plus généreuses. À Obock, la pluie a débuté vers une heure du matin pour ne s’interrompre qu’aux environs de huit heures. Une pluie soutenue qui a arrosé la ville et sa zone côtière, de Dallay jusqu’à Khor Angar. Le cumul pluviométrique atteint 40 mm dans certains secteurs, un chiffre rare pour cette localité régulièrement frappée par l’aridité.
À Tadjourah, les averses n’ont pas été en reste. La ville elle-même a enregistré près de 30 mm, tandis que les sous-préfectures de Randa, Dorra et Adaylou ont reçu des pluies particulièrement abondantes. Ces apports tombent à point nommé, surtout pour les zones rurales où les éleveurs et agriculteurs enregistraient d’importantes pertes depuis le début de la saison sèche.
Si aucun dégât matériel ni humain n’a été signalé, les autorités locales maintiennent une surveillance discrète, conscientes que des sols desséchés peuvent parfois favoriser des ruissellements rapides et des crues soudaines. Pour l’heure, la vie quotidienne a repris son cours normal après ces épisodes pluvieux.
Ali-Sabieh : une bénédiction nocturne
Au sud, la ville d’Ali-Sabieh s’est réveillée sous une pluie persistante tombée toute la nuit. L’averse, régulière et continue, a imbibé les sols desséchés, redonnant des couleurs aux champs et aux rares espaces verts de la région.
Pour les agriculteurs et éleveurs, cette pluie est perçue comme une bénédiction. Elle ouvre la perspective d’une reprise des pâturages et d’une meilleure saison agricole. Après des semaines de désespoir, le sourire est revenu sur les visages.
« Nous pensions avoir perdu tout espoir. Mais avec cette pluie, nos troupeaux pourront se nourrir et nos terres revivre », confie Mohamed, un éleveur rencontré à la sortie de la ville.
Dikhil : entre soulagement et vigilance
La région de Dikhil, particulièrement touchée par la sécheresse, a également reçu des précipitations notables. La ville chef-lieu a enregistré 9 mm, Yoboki 19 mm, tandis qu’As Eyla et Mouloud ont respectivement relevé 11 mm et 14 mm. Dans le secteur de Gorabous et plusieurs localités comme Galamo, Loutabouya et Dakka, les pluies se sont intensifiées, accompagnées d’un phénomène plus marquant : la crue de l’oued de Gobaad.
Ce cours d’eau saisonnier, asséché depuis des mois, a retrouvé son lit, offrant un spectacle rare et bienvenu. Les populations riveraines, surprises, ont observé avec émerveillement l’eau ruisseler à flot.
Les autorités locales, toutefois, restent vigilantes face au risque de débordements. Même si aucune inondation majeure n’a été signalée, la prudence demeure de mise.
Arta et Damerjog : la côte centrale servie par les nuages
La région d’Arta a elle aussi bénéficié de précipitations appréciables. Le chef-lieu a reçu 10 mm, tandis que le secteur du PK 23 enregistrait 18 mm. Le pic fut atteint à Loyada, avec 30 mm, un chiffre particulièrement encourageant. À Damerjog, près de 10 mm ont été relevés, tandis que Douda a reçu 20 mm.
L’Office National de l’Eau et de l’Assainissement de Djibouti (ONEAD), de son côté, insiste sur l’importance du civisme. Les ouvrages d’évacuation des eaux pluviales ne doivent pas être obstrués par des déchets solides. Préserver ces infrastructures est essentiel pour éviter que les pluies salvatrices ne se transforment en inondations destructrices.
Il est à noter que pour les populations, surtout rurales, la pluie symbolise la survie, la continuité des traditions pastorales et agricoles, et l’espoir d’un avenir meilleur malgré les épreuves climatiques.
Les prévisions météorologiques annoncent la possibilité d’autres averses dans les jours à venir.
À l’heure où le changement climatique exacerbe les contrastes, la réponse se situe sans doute dans une combinaison d’investissements en infrastructures, de politiques de gestion durable, et d’une sensibilisation accrue des populations.
Mohamed Chakib