Le plaidoyer de Djibouti pour une Afrique numérique inclusive, connectée et sécurisée a trouvé une voix forte et lucide en la personne de S.E. l’honorable Safia Elmi Djibril, Première vice -Présidente de l’Assemblée Nationale . Devant le Parlement panafricain, la députée djiboutienne a mis en garde contre une course précipitée à l’intelligence artificielle (IA), sans préalablement garantir les infrastructures de base, l’accès équitable à Internet et la protection des données.

Intervenant au nom de la délégation djiboutienne, Safia Elmi Djibril a dressé un tableau nuancé des avancées de notre  pays tout en appelant l’ensemble du continent à une réflexion critique sur ses priorités numériques. Si elle a salué les efforts en cours pour digitaliser les sociétés africaines, elle a aussi pointé les risques réels d’une fracture numérique aggravée si les investissements dans l’IA ne sont pas accompagnés de mesures solides pour l’inclusion, la sécurité et la souveraineté.

L’honorable Safia Elmi a d’abord rappelé les engagements concrets pris par Djibouti dans le domaine de la transformation numérique. Elle a mis en avant la création, dès 2021, d’un ministère dédié aux Affaires numériques. Ce portefeuille stratégique est notamment chargé de superviser les questions liées à l’intelligence artificielle, à la cybersécurité et à la régulation de l’écosystème numérique. La parlementaire a aussi souligné un jalon législatif majeur : l’adoption en 2025 d’un Code numérique par le Parlement djiboutien.

Ce texte fondateur, fruit de longues négociations internes, témoigne d’une forte volonté politique de la part des autorités djiboutiennes, en dépit d’une certaine réticence institutionnelle à embrasser la révolution numérique. Cette dynamique, selon elle, démontre que des choix politiques courageux sont possibles en Afrique, même face aux pesanteurs bureaucratiques.

Dans le secteur de l’éducation, elle  a salué l’initiative des « classes intelligentes » lancée par le Ministère de l’Éducation nationale. En dotant les élèves en ordinateurs et en initiant les enseignants aux outils numériques, cette politique vise à renforcer l’alphabétisation numérique dès le plus jeune âge, et à préparer les futurs citoyens à interagir de manière éclairée avec les technologies d’intelligence artificielle.

Une mise en garde contre les illusions technologiques

Mais au-delà de ces progrès, la députée djiboutienne a exprimé une préoccupation profonde : celle d’une Afrique qui pourrait avancer trop vite, sans consolider ses bases. « Ne faisons pas avancer l’IA quand nos gens n’ont toujours pas accès à Internet », a-t-elle lancé, rappelant que dans de nombreux pays africains, à peine 30 % de la population est connectée.

Selon elle, il est dangereux de « mettre la charrue avant les bœufs » en investissant massivement dans l’intelligence artificielle alors que des millions d’Africains ne disposent même pas d’une connexion stable. « À quoi bon développer des algorithmes puissants si la majorité des citoyens ne peuvent y accéder, et encore moins les comprendre ? », a-t-elle interrogé.

Elle a également soulevé une inquiétude majeure quant à l’inégalité des bénéfices issus de ces investissements. En l’absence d’un maillage numérique national équitable, ce sont souvent les zones urbaines déjà bien desservies qui en profitent, au détriment des populations rurales. Ce déséquilibre risque, selon elle, de creuser davantage les écarts sociaux, éducatifs et économiques entre les régions.

Cybersécurité : urgence d’une souveraineté numérique africaine

Plus alarmant encore, la Première vice -Présidente de l’Assemblée Nationale  a insisté sur l’impératif de sécuriser l’environnement numérique africain avant d’accélérer le déploiement de l’intelligence artificielle. Face à la montée des menaces cybernétiques, elle a lancé un appel ferme à l’ensemble des gouvernements africains : protéger d’abord les infrastructures numériques, les données et les identités des citoyens.

Elle a dressé une liste préoccupante des dangers qui guettent le continent : piratage de données personnelles et gouvernementales, pannes massives causées par des cyberattaques, manipulations algorithmiques, et émergence de deepfakes qui menacent la crédibilité des institutions et des élections. L’IA, a-t-elle averti, peut aussi être détournée à des fins d’usurpation d’identité ou de diffusion de désinformation.

Pour éviter de tomber dans les pièges de la dépendance technologique et de la vulnérabilité digitale, elle a appelé à une souveraineté numérique africaine, ancrée dans des normes de cybersécurité robustes, des infrastructures résilientes et un encadrement juridique clair. Elle a plaidé pour un plan continental ambitieux qui priorise la cybersécurité et l’accès équitable avant toute expansion massive de l’IA.

L’intervention de Mme  Safia Elmi Djibril au Parlement panafricain s’est voulue à la fois lucide, engagée et ancrée dans les réalités du continent. À l’heure où de nombreuses voix s’enthousiasment pour les promesses de l’IA, elle a rappelé avec force que l’intelligence ne peut être artificielle que si elle repose sur des fondations bien réelles : connectivité, inclusion et sécurité.