Ah le Khat ! Cette fameuse plante dont sont friands les hommes djiboutiens. Elle est omniprésente, mariages, enterrements, tout se joue autour d’elles. Les grandes étapes de tous les djiboutiens sont toujours accompagnées de bottes de khat, et à l’intérieur des ménages, ça donne quoi ? La vie de couple tourne-t-elle  également autour du khat ?

Un mari khatter, le cauchemar de beaucoup de femmes. Mais pourquoi certaines femmes n’aiment pas le khat, alors que d’autres se posent tranquillement aux côtés de leurs conjoints pendant ces heures de « khatting ».

Pour certaines, les heures passées à mâchouiller cette plante verte sont du temps perdu. Elles auraient aimé sortir se balader, manger des restaurants, bref passer plus de temps avec leurs maris. Sans oublier que le khat est un véritable gouffre financier. Le khat va forcément avec des paquets de cigarettes, des bouteilles de coca-cola, bref, il ne vient jamais seul. Plus que les heures perdues, c’est plus le côté financier qui les répugne. Elles auraient aimé voir leurs époux dépenser l’argent autrement, avec les enfants, avec des voyages, des cadeaux… bref, tout mais sans le khat.

Pour les autres, et certainement, les plus intelligentes, elles privilégient ces séances de khat pour « déposer » toutes les doléances. Car, quand ces messieurs atteignent le « nirvana » en khattant, le mot non n’existe plus dans leurs vocabulaires. « Chéri, j’ai besoin de 10000 pour m’acheter des chaussures » « Ma mère a besoin d’argent pour aller à l’hôpital », « mon père a besoin d’essence pour sa voiture »…. Pas de négation ! Et elles attendent tranquillement ce moment en s’asseyant doucement aux côtés de leurs maris. Et une fois l’argent dans la poche, elles sortent, prétextant mille excuses pour aller chicher tranquillement chez la voisine du coin. Que de malices !Les hommes djiboutiens, aiment cette plante plus que tout et s’il y a quelque chose dont ils ont horreur, c’est qu’on dérange leur mirkan !

Hassan 41 ans,

J’ai mon rituel, avant chaque séance de khat. A midi, pour le repas, je dois impérativement prendre un bol de « Faaxfaax », cette soupe m’aide pour mon transit intestinal. Ensuite je mets un joli fouta, que ma femme repasse au préalable, assorti de son t-shirt et je n’oublie jamais de mettre beaucoup de parfum pour parer les odeurs de cigarettes. Ma séance de khat s’annonce déjà très bonne quand mon rituel est fini. Ensuite commence pour moi, une longue soirée, où je ne fais qu’un avec mes branches et mon ordinateur. Je regarde des séries que je télécharge avec de rentrer du bureau. Et je m’installe tranquillement. Ma femme quant à elle, fait tout pour ne pas me déranger. Je lui donne des sous et elle emmène les enfants soit chez sa famille, soit au restaurant. Et ceci fait un sacré budget, mais c’est le prix à payer pour qu’on ne dérange pas mon mirkan. Ces instants de solitude sont précieux pour moi et pour rien, je ne les céderai. Et ma femme le sait très bien. Pour rien au monde, je ne me lève de mon tapis. Même quand les enfants sont malades, je lui donne des sous et la voiture pour les emmener à l’hôpital. Mon mirkan est précieux et dans la mesure où elle sait que je suis à la maison, elle est bien contente et tout le monde y trouve son compte!

Rachid, 39 ans

Quand je me suis marié, j’ai discuté avec ma femme en lui faisant bien comprendre que le khat faisait partie de ma vie. Au départ, elle était réticente et avait du mal à accepter ceci, mais j’ai tenu ferme et avec le temps, elle a cédé. Je sors tous les après-midi et je me rends dans les mabrazes avec mes amis d’enfance. Nous restons ensemble jusqu’à très tard  dans la nuit, au détriment de nos foyers, certes, mais nous ne faisons que khatter, rien d’autre. Nos épouses ont parfois beaucoup de mal à comprendre ça. Et une chose est sûre, nous n’allons pas arrêter de khatter pour elles. Le khat fait partie de nos existences depuis plus de 20 ans, et ce n’est pas demain que je m’en priverais. Aucune femme n’accepte que son mari soit absent durant de longues heures, mais tout est une question de compromis. Pendant mon absence, elle fait ce qu’elle veut, elle a toute la liberté d’aller et venir où elle le désire. Très peu d’hommes acceptent que leurs femmes sortent autant, moi et mes amis on a compris que pour avoir un « mirkan » tranquille, nous devions donner à nos épouses, une certaine liberté.

Said, 27 ans

J’aime khatter, que l’on se le dise. Et aucune femme ne me fera changer d’avis, du moins jusqu’à maintenant. Je suis encore jeune et pas marié, je passe donc le plus clair de mon temps à khatter avec mes potes. Les femmes, c’est juste des problèmes en plus. Ne rentres pas tard, ne viens pas avec tes amis à la maison, je ne veux pas d’un khatteur, autant de chichis, que je ne suis pas prêt à encaisser. Pour l’instant, je suis libre de mes mouvements. A part ce que je donne à ma famille, tout mon salaire y passe. Ma mère me demande souvent de mettre de l’argent de côté, mais je n’y arrive pas. Mon premier amour reste le khat et le mirkan. Ma vie tourne autour de mes séances avec mes amis. Toujours la même routine et je ne me vois pas arrêter de sitôt. La vie est courte et je veux en profiter, pourquoi m’enticher d’une femme qui me ferait des reproches à longueur de journées. Ou bien, il y a une alternative, j’épouse une femme que le khat ne dérangerait pas. Ce serait génial, le paradis ! Je recherche donc une femme qui serait d’accord d’épouser un khatteur invétéré. Et puis comme je suis toujours mirkan, je suis docile, je ne lui ferais aucun mal, car je n’ai plus la force de polémiquer. Je pars du principe que les hommes comme moi sont rares, on les appelle les « Bila Problèmes » comprenez les sans problèmes, le matin, ils sont tellement fatigués qu’ils ne placent pas deux mots l’un après l’autre et le soir, ils sont dopés au khat. Alors vive le mirkan et les sans problèmes…

N. Kadassiya