
Dans notre société très patriarcale, de plus en plus de mères décident d’élever seules leurs enfants. Souvent tabou, ce problème qui, malheureusement, touche de plus en plus de femmes, a le mérite de soulever la réflexion, et la question est : a-t-on réellement besoin d’un homme pour élever ses enfants ?

Le divorce à Djibouti est une réalité, de plus en plus de couples ne passent pas le cap fatidique des deux ans de mariage. Pourtant, ce n’est pas la demande qui manque. Tous veulent se marier, sans penser au mariage et à tous les compromis qui vont avec. À la moindre dispute, au moindre haussement de ton, on entend déjà le mot divorce. Alors avantage ou inconvénient, et les enfants dans tout ça ? Bien souvent, en cas de conflit, les mères ne cèdent pas facilement leurs enfants, et décident contre vents et marées de les garder. Pour certaines, malgré leurs faibles revenus, l’idée d’élever leurs progénitures seules ne leur fait pas peur. Un vieux adage somali, disait par ailleurs, « silic ku’nool, sodon gursataa dhaanta » qui voudrait dire, vaut mieux se marier 30 fois au lieu de vivre dans la souffrance. Alors pourquoi courir un mari, qui ne serait qu’un boulet quand on peut s’offrir le luxe d’être heureuse seule ?

Les mères célibataires de plus en plus répandues dans notre pays
Pénurie d’hommes ? Au que non, mais des hommes incapables de subvenir aux besoins de leurs familles, oui. De plus en plus d’hommes désertent leur rôle de père au profit du khat et d’autres addictions. D’où la recrudescence des conflits familiaux et le taux de divorce élevé. Souvent confrontées à d’interminables conflits, certaines femmes choisissent de rester seules avec leurs enfants. Avec le peu de pension, elles ont le mérite de vouloir garder leur dignité, au lieu de vivre dans la peur et l’angoisse d’un « faux mari ». Car oui, l’on peut parler de faux mari, ce genre d’hommes qui passent leur temps à ‘‘khatter’’ ailleurs, qui ne voient pratiquement jamais leurs enfants, bref, des maris aux abonnés absents. Pourtant les femmes djiboutiennes ont toutes une chose en commun : un sens aigu de la fierté.
Pour rien au monde, elles n’acceptent de voir leurs droits bafoués, surtout quand il s’agit des hommes. Jeunes ou vieilles, pauvres ou riches, elles ne se laissent pas faire facilement. Comme des guerrières, elles se battent pour réclamer leurs droits, elles sont même prêtes à se mettre toute leur famille sur le dos, pour obtenir un peu de liberté, de justice, vis-à-vis d’un mari incapable de les aider dans le foyer. Cette recrudescence des mères célibataires n’est aucunement une tare de la société, mais bien le reflet des femmes djiboutiennes, qui n’acceptent plus de vivre dans la douleur. Si, pendant des années, nos mères nous ont appris à tout supporter pour le bien-être des foyers et surtout des enfants, désormais, la donne a bien changé. Elles osent dorénavant réclamer d’elles-mêmes le divorce, quitte à tout perdre. Mais en réalité, c’est plus un bien pour un mal. En s’affichant comme mères célibataires, elles font face à une société qui regarde de haut les femmes seules. Pourtant, tous les avantages sont là. Elles ont désormais le sourire aux lèvres, elles ne pleurent plus le soir et ne se réveillent plus le visage bouffi. Elles assument leur rôle de mère et de père et certaines sont même plus heureuses de se retrouver seules.

Famille monoparentale, qu’en pense la société djiboutienne ?
Comme partout dans le monde, il existe beaucoup de familles monoparentales à Djibouti. Et c’est surtout les femmes qui ont la garde exclusive des enfants. Autrefois, les femmes avec des enfants étaient vite cataloguées, encore une qui n’a pas su garder son foyer. Ces clichés vieillots n’ont plus leur place de nos jours. La femme djiboutienne travaille et est capable de subvenir aux besoins de ses enfants. Ces mères courage n’ont plus peur d’oser braver les regards des hommes. Et, fortes de leurs premières expériences, elles assument la volonté de vouloir se remarier, si le prince charmant ne se transforme pas très vite en crapaud. Oui, la justice divine existe ! Elles ressortent grandies de leurs erreurs du passé. Elles font fi des commérages et acceptent de se remarier, avec conditions à l’appui. Ne surtout pas retomber amoureuse du même homme ! Ou elles s’insèrent dans un cycle de violences mentales perpétuelles. Pour cela, certaines préfèrent rester seules et garder leurs enfants sous leurs ailes. Elles ont ainsi plus de temps pour leurs progénitures et pour elles. Bien plus qu’une simple réalité, les mères courage djiboutiennes sont à célébrer, à honorer, à applaudir. Certaines vendent des beignets pour pouvoir offrir une éducation décente à leurs gosses, d’autres deviennent des femmes de ménage après leurs divorces. Car il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que des sots gens. Elles sont là avec toute la fierté du monde lors des cérémonies de remise de diplômes, une larme à l’œil, car elles voient que leurs efforts ont abouti à quelque chose.
En décidant de se relever et de se remonter les manches après un divorce douloureux, les mères djiboutiennes comprennent très vite que le monde autour d’elles ne leur fera pas de cadeaux. Personne ne viendra nourrir leurs enfants à leurs places, et surtout pas les pseudo-pères qui n’ont que le nom apposé sur les actes de naissance. Elles n’attendent rien en retour et misent toute leur énergie sur leurs enfants. Et elles réussissent très souvent ! Combien de cadres hauts placés, de personnalités connues ont été élevées par des mères seules, qui n’ont à aucun moment flanché ! Elles surmontent le divorce et mettent le très peu d’énergie qui leur reste dans leurs enfants. Elles élèvent seules l’avenir d’un pays, car beaucoup d’entre elles ont bataillé pour en avoir la garde exclusive. Beaucoup de jeunes femmes modernes choisissent de rester seules pour leurs enfants. Il s’agit en réalité de la seule bataille qui mérite d’être menée dans son monde, car elles ne veulent plus rien attendre en retour des hommes. Souvent déçues et trompées, elles ont compris que la vie ne se résumait pas à dépendre d’un homme, mais plutôt à rendre ses enfants heureux ! Et quoi de plus beau, que de recevoir à la fin, un « maman je t’aime » ou un « merci maman » dit avec les yeux innocents d’un enfant ! Rien de plus beau que de voir son enfant réussir, là où tout le monde le pensait perdant. Comme quoi, les hommes sont là, certes, mais parfois, il vaut mieux être seule que mal accompagnée !
N. Kadassiya