Ali Farah Sougueh, actuellement enseignant-chercheur à l’université où il dispense des cours de physique appliquée au sein de l’Institut Universitaire de Technologies Industrielles (IUTI), a effectué à Djibouti sa scolarité jusqu’au baccalauréat avant de poursuivre en France un cursus universitaire dans le domaine des sciences et techniques qui le conduira aux universités de Clermont-Ferrand, Bordeaux, et Orléans où il conclut son parcours universitaire par l’obtention en 2015 d’un doctorat en physique de plasma. Il se consacre aussi à l’écriture. La marche vers l’honneur publié aux Editions Francolin est son premier roman.

Vers le milieu des années soixante, la CFS (Côte Française des Somalis) qui deviendra par la suite TFAI (Territoire Français des Afars et des Issas) est en proie à d’importants bouleversements sociaux-politiques. Encouragée par la récente accession à l’indépendance de bon nombre des pays africains, la population aspirant à une véritable émancipation s’organise et procède à des nombreux soulèvements. Ces manifestations sont brutalement réprimées par l’administration coloniale. Le climat politique devient alors explosif. C’est dans ce contexte de tension et de révolte permanente que débarque le Général de Gaulle le 25 Août 1966 dans le petit territoire.

Cet évènement constitue l’élément déclencheur dans le récit de M. Ali Farah Sougueh. En effet, lors d’une grande manifestation pacifique organisée devant l’aéroport de Djibouti-ville contre l’arrivée du General, l’armée française tire dans la foule.  C’est l’hécatombe ! Cet acte marque un tournant décisif dans le parcours du caporal-chef Obsieh, un soldat djiboutien engagé dans les rangs français. Témoin de cette terrible injustice, il décide de tourner le dos à l’armée coloniale et de mettre son savoir-faire militaire au service de la libération de son peuple.

Secondé par ses camarades, Abdi et Egueh, il organise de façon spectaculaire l’évasion de prisonniers politiques longtemps détenus dans la caserne de Dikhil. Ce coup d’éclat mené avec audace et détermination, l’amène à rejoindre les rangs du FLCS (Front pour la Libération de la Côte Somalie), qui lutte depuis la Somalie contre l’emprise française.

Dans une narration fluide et documentée, Ali Farah Sougueh reconstitue avec force les enjeux politiques, les tensions sociales et les choix personnels de ceux qui, souvent au prix de leur vie, ont refusé la servitude coloniale. A travers le personnage d’Obsieh, c’est toute une génération de résistants oubliés que l’auteur remet au centre du récit national. Par ailleurs, le roman ne se contente pas de dénoncer la colonisation ; il explore également la complexité des engagements, les dilemmes moraux et les espoirs d’un peuple en quête de souveraineté. En mêlant archives, mémoire collective et imagination romanesque, l’auteur plonge le lecteur dans une époque charnière de l’histoire de Djibouti.

Enseignant-chercheur à l’université de Djibouti, Ali Farah Sougueh fait une entrée remarquée avec ce premier roman. Ce récit à la fois poignant, émouvant et profondément humain, s’inscrit dans une volonté de transmission. Il s’adresse aux jeunes générations d’africains, à qui l’auteur souhaite rappeler que l’indépendance fut conquise au prix du courage, du sacrifice et de l’honneur.

Le personnage principal : Obsieh

Obsieh est né et a grandi dans l’arrière-pays du village de Goubetto  dans la région du Biniin. C’est donc un biniijoog. Jusqu’à sa majorité, lui et sa famille se déplacent à l’intérieur de ce vaste territoire à la recherche d’eau et de pâturage pour leur cheptel. Il part ensuite pour Djibouti-ville, qui en ce temps était sous la colonisation française, pour y tenter sa chance. Assez rapidement il intègre le GNA (Groupement Nomade Autonome), un groupement militaire composé d’autochtones supplétifs de l’armée française. Plusieurs années durant, il sert l’administration coloniale. Il finit par se révolter contre cette dernière le jour où, en sa présence, l’armée française tire sur une foule de manifestants pacifiques lors de l’arrivée du General de Gaule dans le pays. Le livre relate l’épopée héroïque de ce personnage hors du commun. Ainsi Obsieh est un garçon courageux, intrépide, un valeureux guerrier dans la plus vielle tradition du nomade somali. Il met l’honneur au-dessus de tout. Pour lui, le déshonneur est pire que la mort. Il est aussi honnête, digne, loyal, et exige le même comportement de la part de ses relations. Son humour grinçant et taquin fait souvent mouche, et lui attire la sympathie des autres.

Les thématiques abordées

L’un des principaux thèmes abordés dans le livre est celui de la colonisation. L’auteur y expose toute son horreur. Il raconte comment le colon a dépossédé les habitants de ce pays de leur terre, de leur dignité, et même de leur humanité. L’image de pauvres innocents éventrés étalés sur les grillages entourant la ville dans le but de terroriser les autres, témoigne de toute l’ignominie d’un tel système.

L’autre thème majeur du roman est celui de la lutte. C’est un concept omniprésent dans le récit. Une lutte dans toutes les formes possibles. Lutte contre le colon et ses affiliés locaux, mais aussi une lutte contre ses propres turpitudes et démons. Finalement ce sont également des concepts plus communs tels que les notions de confiance, de loyauté, et de sentiments amoureux qui sont évoqués en filigrane dans le livre.  

Ce roman constitue une sorte d’ode à l’élévation et au dépassement de soi tout en restant accessible et profondément humain.

Un livre à lire, relire, et à faire lire…

MS