
Entrepreneure, formatrice en développement personnel et maman de deux enfants, Nasteho Ahmed Samireh fait partie de cette génération de femmes africaines qui allient expertise, engagement social et bienveillance. Formée au Canada, elle s’est donné pour mission d’accompagner la jeunesse dans son épanouissement personnel et professionnel, à travers des ateliers, des formations et un travail de proximité. Dans cet entretien, elle revient sur son parcours, ses convictions, les défis qu’elle rencontre, et les espoirs qu’elle porte pour la jeunesse djiboutienne.

La Nation : Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours dans le domaine de la formation et du développement personnel ?
Nasteho Ahmed Samireh : Je m’appelle Nasteho Ahmed Samireh, je suis entrepreneure, formatrice et maman de deux enfants. Je suis diplômée d’un Master 2 en développement international de l’Université d’Ottawa, au Canada, et j’ai aussi une certification en nutrition.
Mon parcours dans le développement personnel a commencé de façon très spontanée. J’ai lancé une chaîne YouTube sur laquelle je partageais des messages de motivation, de confiance en soi et de résilience. À ma grande surprise, ces vidéos ont trouvé un écho fort auprès de nombreux jeunes. Chaque jour, je recevais des messages de personnes me disant que mes mots les aidaient à traverser des périodes difficiles.
C’est ce lien direct, cette connexion sincère avec les jeunes, qui m’a poussée à structurer davantage mon travail. J’ai commencé à animer des formations, des ateliers, des conférences, et je me suis consacrée pleinement à cette mission : aider les jeunes à mieux se connaître, à s’affirmer et à construire un avenir qui leur ressemble.
Qu’est-ce qui vous a motivée à former les jeunes en particulier?
Je crois profondément au potentiel énorme de la jeunesse, mais je sais aussi à quel point ce potentiel peut rester inexploité sans les bons outils ni un encadrement adapté.
Ayant moi-même grandi entre plusieurs cultures, j’ai souvent ressenti ce manque de repères, d’écoute, et de modèles inspirants. J’ai compris très tôt que le développement personnel pouvait être une clé pour sortir de cette confusion identitaire, pour apprendre à s’aimer, à se respecter, à se fixer des objectifs.
Former les jeunes, pour moi, c’est semer des graines. C’est investir dans l’avenir collectif. Chaque jeune que l’on aide à se relever, à croire en lui, c’est une victoire pour la société entière.
Avez-vous commencé ce travail à Djibouti ou au Canada ?
J’ai débuté ce travail au Canada, où je vivais à l’époque. J’y animais des ateliers communautaires, participais à des conférences, et je faisais du mentorat pour de jeunes entrepreneures.
Mais c’est en revenant à Djibouti que j’ai pu donner une nouvelle ampleur à mon engagement. En collaboration avec le Ministère de la Jeunesse et de la Culture, nous avons lancé une tournée nationale dans 12 Centres de Développement Communautaire (CDC). Nous avons rencontré plus de 800 jeunes, dans la capitale mais aussi dans les régions comme Ali-Sabieh et Tadjourah. C’était une expérience humaine très forte, pleine d’émotions et de partage. Cette tournée m’a confortée dans l’idée que le besoin est réel, et l’impact possible.
Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées à vos débuts ?
Comme dans tout parcours engagé, les débuts ne sont jamais simples. Il y a les imprévus, les contraintes logistiques, les doutes, mais aussi parfois des résistances culturelles ou institutionnelles.
Il faut beaucoup de résilience et de clarté sur sa mission pour ne pas se laisser décourager. Mais je considère chaque difficulté comme une source d’apprentissage. Ces expériences m’ont permis d’améliorer mes contenus, d’adapter mes formats, d’écouter encore mieux les besoins des jeunes.
Au final, ces obstacles m’ont rendue plus forte, plus patiente, et surtout plus à l’écoute.
Comment définiriez-vous le développement personnel, et pourquoi est-il essentiel pour les jeunes aujourd’hui ?
Le développement personnel, c’est un voyage intérieur. C’est le processus qui permet de se connaître en profondeur, de comprendre ses émotions, ses mécanismes, ses limites, mais aussi ses forces et ses valeurs.
Aujourd’hui, les jeunes sont exposés à énormément de pressions : les réseaux sociaux, les attentes familiales, l’instabilité économique, le chômage… Dans ce contexte, sans outils pour se comprendre et se recentrer, il est facile de perdre confiance ou de se sentir inutile.
Le développement personnel leur offre une boussole intérieure. Il leur apprend à faire le tri, à se fixer des objectifs qui ont du sens, à s’auto-motiver, et à construire une vie alignée avec leurs aspirations profondes. C’est une base essentielle, non seulement pour réussir dans la vie professionnelle, mais aussi pour s’épanouir en tant qu’être humain.
Quels sont les défis spécifiques que rencontrent les jeunes Djiboutiens dans leur cheminement personnel ?
Il y a plusieurs obstacles récurrents. D’abord, le manque de modèles positifs dans l’environnement immédiat. Ensuite, la pression sociale, parfois très forte, notamment autour des choix de vie ou de carrière. Beaucoup de jeunes n’ont pas d’espace pour s’exprimer librement, ni de ressources pour parler de leurs émotions ou de leurs difficultés. Il y a aussi une stigmatisation autour du fait de “travailler sur soi”, comme si c’était réservé aux riches ou aux Occidentaux. Or, le développement personnel est un droit pour tous. C’est pourquoi je m’efforce de démocratiser l’accès à ces outils : en proposant des ateliers gratuits, en allant dans les quartiers, et en sensibilisant les institutions à l’importance de l’accompagnement émotionnel des jeunes.
Quels sont vos projets en cours ou à venir ?
Je compte poursuivre dans cette dynamique. La demande est là, l’énergie aussi. Je travaille actuellement sur plusieurs projets de formations hybrides (présentiel et en ligne), afin de toucher encore plus de jeunes, même ceux qui vivent dans des zones éloignées.
Je souhaite aussi renforcer les partenariats avec des institutions éducatives, développer du contenu en langue locale, et créer une communauté d’entraide entre les jeunes eux-mêmes.
Mon objectif reste inchangé : être au service des jeunes, les écouter, les accompagner, et leur donner les moyens de se réaliser pleinement.
Un dernier mot pour les jeunes qui hésitent à se lancer dans un travail sur eux-mêmes ?
Je leur dirais simplement : croyez en vous. Même si personne autour de vous ne le fait, vous avez de la valeur. Chaque petit pas que vous faites dans la bonne direction compte, même si cela semble invisible au début. Entourez-vous de personnes bienveillantes, osez demander de l’aide, et surtout, ne vous comparez pas aux autres. Chacun a son propre rythme, son propre chemin. Le développement personnel, ce n’est pas devenir parfait, c’est oser évoluer, oser apprendre, oser rêver. Vous avez en vous tout ce qu’il faut pour créer une vie belle, riche de sens, et pleine d’impacts.
Propos recueillis par Asma Ahmed