La page de l’ATMIS (Mission de Transition de l’Union africaine en Somalie, en français) se tourne, laissant place à l’AUSSOM (Mission de Soutien et de Stabilisation de l’Union Africaine en Somalie, en français). Un changement de nom, certes, mais surtout une transition lourde d’enjeux stratégiques pour une nation somalienne en quête de stabilité après plus de trois décennies de chaos.

Ne doutons pas : l’ATMIS avait réussi, non sans heurts, à repousser la menace d’Al-Shabaab dans plusieurs régions. Toutefois, elle trouvait ses limites dans la fragmentation des opérations et les évidentes disparités d’engagements entre les contingents des pays concernés. Surtout, la Mission commençait à s’essouffler politiquement.

La création d’AUSSOM s’inscrit dans une dynamique différente. Il ne s’agit plus simplement de contenir, mais de consolider. La Somalie n’attend plus une assistance militaire temporaire. Elle réclame aujourdhui un véritable partenariat pour asseoir son autorité, reconstruire son État et panser les plaies d’un tissu social déchiré.

Cette transition révèle aussi les calculs nationaux des puissances africaines impliquées. Bien sûr, il faut rendre hommage aux sacrifices des principaux pays contributeurs, tels que Ouganda, le Kenya, le Burundi ou l’Éthiopie. Mais ne nous voilons pas la face : l’AUSSOM, pour certains, constitue un levier pour affermir quelques intérêts particuliers. Et Djibouti ? Il serait injuste d’oublier que Djibouti a fait preuve d’un engagement constant depuis les premiers jours de la crise somalienne. Constant et désintéressé.

Pour Djibouti, la stabilité de la Somalie n’est pas une question de choix. C’est une nécessité vitale. Notre pays partage avec ce pays non seulement une frontière, mais aussi des liens historiques, culturels et humains indissociables. Notre participation à AUSSOM s’inscrit dans une logique de solidarité certes, mais aussi de clairvoyance : un voisin somalien affaibli serait un risque pour toute la Corne de l’Afrique. Djibouti, fidèle à sa doctrine de neutralité active, poursuivra donc son action de toujours. Laquelle consiste à accompagner sans s’imposer, à soutenir sans interférer, à encourager le dialogue national sans chercher à l’instrumentaliser.

L’Union africaine est l’autre grand acteur dans ce dossier. Souvent critiquée – à tort ? – pour ses lenteurs face aux crises africaines, l’organisation continentale mise sur cette nouvelle mission pour démontrer sa capacité à conduire des opérations de stabilisation crédibles. Mais pour que cette ambition ne reste pas lettre morte, il faudra plus que des changements de sigle. Il faudra une volonté politique sans faille et une coordination efficace entre contingents. Il faudra surtout une articulation intelligente avec les efforts de réconciliation nationale somaliens.

Enfin, la Somalie, de son côté, doit saisir cette opportunité pour assumer pleinement sa souveraineté.

L’AUSSOM ne saurait être là éternellement. Mogadiscio devra parier sur une montée en puissance rapide de ses propres forces de sécurité, tout en poursuivant les difficiles négociations politiques avec ses États fédérés. Sans quoi la stabilisation restera un mirage.

En vérité, ce qui se joue aujourdhui dépasse largement les frontières somaliennes. C’est une certaine idée de la capacité africaine à prendre en main son propre destin qui est en test. Djibouti, pour sa part, est prête à assumer cette responsabilité historique.