
Un atelier de formation de quatre jours s’est clôturé jeudi dernier au Sheraton Hôtel. Organisé par le ministère de l’environnement et du développement durable l’événement ouvre la voie à une gestion durable des terres et une résilience climatique accrue

A l’issue de quatre jours d’échanges, de formations et de réflexion, le ministère de l’Environnement et du Développement durable, en collaboration avec le Centre de recherche forestière international (CIFOR) et le Centre international de recherche en agroforesterie (ICRAF), a clos jeudi dernier un atelier national visant à renforcer les connaissances et la collaboration autour de la restauration des terres et de la résilience climatique.

L’événement, organisé avec le soutien financier de l’Union européenne et la participation active de la FAO, s’inscrit dans le cadre de l’initiative continentale de la Grande Muraille Verte (GMV), lancée par l’Union africaine en 2007. Ce projet d’envergure vise à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, en créant un corridor de verdure de 8 000 kilomètres de long à travers le Sahel, du Sénégal jusqu’à Djibouti.
Le choix de Djibouti comme point d’ancrage oriental de ce projet n’est pas anodin. Situé à la croisée des plaques africaines et arabiques, le pays est l’un des plus arides du monde. Ici, la pluviométrie annuelle dépasse rarement les 150 millimètres, et les épisodes de sécheresse se multiplient sous l’effet du changement climatique. La désertification avance inexorablement, entraînant avec elle son cortège de conséquences: insécurité alimentaire, exode rural, perte de biodiversité et pressions accrues sur les ressources en eau.
Le pays se trouve en première ligne face aux impacts du réchauffement climatique. « La dégradation des terres n’est pas seulement un problème écologique, c’est un problème de survie pour les communautés rurales qui vivent de l’élevage, de l’agriculture et de la pêche côtière » a souligné l’expert CIFOR
C’est précisément à ces enjeux que répond la Grande Muraille Verte. Plus qu’une simple barrière végétale, elle est pensée comme un projet de développement intégré, associant reboisement, agroforesterie, gestion durable des sols et des eaux, création de filières agricoles et pastorales, et implication des communautés locales.
Quatre jours chargés d’échanges enrichissants
Durant cet atelier national, les participants – experts, responsables institutionnels, membres d’ONG, chercheurs et acteurs de terrain – ont planché sur les moyens concrets de traduire les ambitions continentales de la GMV dans le contexte particulier de Djibouti. Les débats ont porté sur plusieurs approches scientifiques éprouvées et adaptées aux conditions locales. L’agroforesterie, par exemple, permet d’associer arbres et cultures afin d’améliorer durablement la fertilité des sols. La régénération naturelle assistée a également été mise en avant, puisqu’elle favorise la protection et l’accompagnement de la repousse des végétaux indigènes. Les participants ont en outre insisté sur l’importance d’une gestion intégrée de l’eau, passant par la collecte des pluies, l’irrigation raisonnée et la restauration des nappes phréatiques.
Enfin, l’introduction d’espèces résistantes à la sécheresse a été considérée comme une solution efficace pour fixer les sols tout en fournissant à la fois de la nourriture pour les populations et du fourrage pour le bétail. « On a réellement eu des échanges enrichissants avec les participants », confie un participant. La FAO, partenaire technique du projet, a joué un rôle central dans l’animation des débats. Son représentant à Djibouti, Kwami Dzifanu Nyarko-Badohu, a insisté sur l’importance d’approches intégrées et pragmatiques. « Nous avons montré, dans plusieurs pays sahéliens, que des pratiques comme la régénération naturelle assistée, la gestion durable des sols et l’introduction d’espèces adaptées permettent non seulement de reverdir les terres, mais aussi de créer des revenus et d’améliorer les conditions de vie. À Djibouti, le cactus offre un potentiel extraordinaire : il fixe les sols, nourrit le bétail, produit des fruits transformables en confitures. Il ne faut pas le négliger » a indiqué M. Nyarko-Badohu représentant du FAO à Djibouti qui a aussi évoqué la perte de biodiversité et la nécessité de restaurer certaines espèces en voie de disparition. Selon lui, « la GMV est une opportunité unique pour relancer des écosystèmes fragiles, redonner vie à des espèces menacées et renforcer les communautés rurales face aux crises ».
Le directeur de l’Environnement et secrétaire général par intérim du ministère, Idriss Ismail Nour, a clôturé l’atelier en réaffirmant l’engagement du gouvernement : « Au cours de ces quatre jours, nous avons franchi des étapes importantes. Nous avons échangé sur des pratiques adaptées à notre contexte national et élaboré un plan de travail concerté en parfaite adéquation avec nos priorités. Les approches fondées sur la nature – comme l’agroforesterie ou la gestion intégrée de l’eau – sont des leviers essentiels pour restaurer les terres, améliorer la productivité et renforcer la résilience de nos communautés. »
Il a rappelé que l’accès à l’eau constituait la condition sine qua non de tout développement. « Tant qu’on a de l’eau, on aura du développement », a-t-il martelé, soulignant l’importance de capter chaque goutte de pluie dans un pays où la rareté hydrique est un défi quotidien.
La Grande Muraille Verte n’est pas une abstraction pour Djibouti. Le pays occupe une place symbolique et stratégique : il en constitue l’extrémité orientale, là où la Corne de l’Afrique rejoint la mer Rouge. Si les images de plaines désertiques dominent l’imaginaire collectif, Djibouti abrite pourtant une biodiversité précieuse : mangroves de Godoria à Obock, forêts du Day, autant d’écosystèmes menacés par la sécheresse et la pression humaine.
En s’inscrivant activement dans la GMV, le pays entend préserver ces écosystèmes tout en développant des opportunités économiques durables.
À l’échelle régionale, la GMV répond à des défis colossaux. Selon la FAO, 65 % des terres arables en Afrique sont dégradées, et la désertification menace directement les moyens de subsistance de près de 250 millions de personnes. Dans le Sahel et la Corne de l’Afrique, ces pressions environnementales s’ajoutent à l’instabilité politique, aux conflits liés aux ressources et aux migrations forcées.
Djibouti, par sa position géostratégique au carrefour des routes maritimes mondiales, a une carte à jouer. En se posant en modèle de restauration et de résilience, le pays peut non seulement protéger ses propres ressources, mais aussi contribuer à la stabilité régionale et à la lutte contre l’exode climatique.
La clôture de cet atelier ne marque pas une fin, mais un début. Un début de collaboration renforcée entre Djibouti et ses partenaires, un début de mise en œuvre concrète de la Grande Muraille Verte sur le terrain, un début d’espérance pour les communautés rurales confrontées à la sécheresse et à la pauvreté.
Comme l’a résumé le représentant de la FAO : « Nous sommes très heureux de ce que nous avons eu comme échanges avec les participants. Et nous espérons que ceci n’est qu’un premier pas. »