À Djibouti, le sport a radicalement changé de statut. D’activité marginale, il s’est mué, sous l’impulsion visionnaire du président Ismaïl Omar Guelleh, en véritable pilier du développement national. L’Agence Nationale pour la Promotion du Sport (ANPS), créée en 2023, incarne cette transformation profonde, menant une double révolution institutionnelle et infrastructurelle qui redéfinit entièrement le paysage sportif du pays.

Cette agence ambitieuse ne se contente pas de moderniser des équipements vétustes : elle construit un nouveau modèle où le sport devient simultanément un levier d’inclusion sociale, un outil de soft power et un moteur économique. Le Stade Al-Hadj Hassan Gouled Aptidon, rénové aux standards internationaux, en est le symbole le plus visible. Mais la véritable révolution se joue sur l’ensemble du territoire, d’Ali-Sabieh à Balbala, de Gabode à Tadjourah, où se déploie un réseau d’infrastructures de pointe accessible à tous. Derrière ces réalisations concrètes, l’ANPS met en œuvre une stratégie globale : détection des talents, promotion du sport féminin, création d’emplois, et surtout, offre d’un avenir à la jeunesse djiboutienne. Ce décryptage révèle comment cette politique sportive ambitieuse, en concrétisant la vision présidentielle, positionne Djibouti sur l’échiquier sportif africain tout en répondant aux défis sociaux du pays.

Entre modernisation des infrastructures, enjeux de gouvernance et impacts sociétaux, chaque réalisation ( qu’il s’agisse d’un terrain synthétique ou d’une piscine olympique ) raconte la même ambition : faire du sport un héritage durable et un accélérateur de développement pour toute la nation.

Genèse de l’ANPS et rôle catalyseur des infrastructures

La création de l’ANPS, en juillet 2023, s’inscrit dans la volonté présidentielle de donner au sport une structure institutionnelle cohérente. Jusque-là, les équipements et les initiatives étaient dispersés entre le mythique ( mais vieillissant ) Stade Gouled et l’Institut National de Formation Sportive. Le décret présidentiel scelle leur fusion dans une entité unique, dotée d’une autonomie administrative et financière, pour « organiser le sport comme une politique publique à part entière ».  Le projet ne se limite pas à une simple réorganisation : il s’agit d’un véritable redéploiement territorial. Chaque région doit désormais disposer d’un centre adapté, avec un double objectif : pratiquer et performer. De la pelouse du stade national aux pistes d’Ali-Sabieh, c’est une logique de maillage équitable qui se met en place.  

L’homologation du Stade Al-Hadj Hassan Gouled Aptidon est vite devenue l’étendard de cette stratégie. Depuis plusieurs années, les équipes nationales étaient contraintes d’évoluer hors du territoire, faute d’installations répondant aux normes de la FIFA et de la CAF. Au-delà du symbole, il s’agissait d’un manque à gagner stratégique ; en visibilité, en ferveur populaire, en retombées économiques.  

Le Stade Al-Hadj Hassan Gouled Aptidon : du vétuste à l’homologable

Les travaux menés par l’ANPS à partir d’octobre 2024 ont visé une rénovation totale : projecteurs LED, pelouse hybride, gradins numérotés, drainage, vestiaires médicalisés, espace presse… Tout a été pensé pour atteindre les standards exigés par les compétitions internationales.  

Le geste fort : les nouvelles chaises de gradins, financées sur don présidentiel, donnent au stade un visage rénové mais aussi un récit de proximité.   Au-delà du terrain, les répercussions sont notables : une main-d’œuvre mobilisée , et une attente fébrile des commerçants de la zone, qui espèrent les jours de match comme des coups d’accélérateur.  

En outre, l’ANPS gère d’autres centres de la capitale et des régions.  Depuis quelques temps, le site d’Ali-Sabieh devient un incubateur d’athlètes. Grâce à des infrastructures neuves ( piste en tartan, salles de musculation, internat rénové ) le centre attire les jeunes talents du pays.  

Un éducateur témoigne : « Avant, on entraînait des athlètes motivés mais sans moyens. Aujourd’hui, on forme des champions potentiels dans des conditions dignes. »

Dans la région de Tadjourah , le Centre du Day offre désormais un terrain synthétique, une piste d’athlétisme, et des installations éclairées. Pour de nombreux clubs ou fédérations , il devient une base de repli et de formation, désengorgeant le Stade Gouled.  

 Dans la commune de Balbala, le complexe rénové incarne une nouvelle approche : le sport comme vecteur de lien social. Gymnase, piscine, terrains extérieurs, gradins et espace détente composent un ensemble intégré. L’objectif est double : détecter des talents et prévenir la délinquance.  

Pour ce qui est du tennis, le centre de Gabode est devenu une pépinière ce dernier temps . Cette nouvelle dynamique a permis aux jeunes joueurs de participer à des tournois régionaux. Dans la perspective du développement du tennis , un nouveau court est construit, un éclairage LED installé, et un programme de formation pour entraîneurs lancé en partenariat avec l’ITF. Le site espère accueillir bientôt des tournois sous-régionaux.   Quant à la piscine   nationale , vitrine technologique et sportive . Elle possède un équipement de pointe, la piscine nationale devient le centre névralgique des sports nautiques. Elle accueille compétitions, formations et programmes d’initiation dans un cadre digne des standards internationaux.  

Enjeux et défis au-delà des chantiers

L’ANPS est dirigée par un conseil pluridisciplinaire où se croisent techniciens, fédérations, représentants de l’État et société civile. Ce modèle garantit la représentativité mais implique parfois une lourdeur administrative. Le DG Mohamed Omar Ali cherche à équilibrer centralisation stratégique et autonomie opérationnelle.  La montée en compétence du personnel reste un axe fort. Formations continues, échanges avec les fédérations, partenariats internationaux : tout est mis en œuvre pour créer une filière professionnelle sportive solide.   

Pour atteindre les 35 % de participation féminine d’ici 2027, et la vulgarisation de la pratique des sports des personnes à besoins spéciaux, l’ANPS multiplie les actions : équipements adaptés, sensibilisation des coachs, horaires réservés aux femmes, infrastructures adaptées aux personnes à besoins spéciaux et partenariat avec l’ANPH. L’enjeu est autant culturel que logistique. Chaque chantier est un moteur d’emplois directs et indirects. De la fourniture de matériaux à la gestion des centres, des jeunes sont formés, employés, responsabilisés. Le sport devient aussi un secteur d’activité.  

En outre, l’homologation du Stade Gouled positionne Djibouti sur la carte des compétitions régionales. À moyen terme, la visibilité internationale du pays s’enrichit d’un nouveau pilier : la diplomatie sportive.  Enfin,  bâtir un héritage sportif pour la jeunesse en lui permettant de bénéficier d’infrastructures de qualité internationale est une priorité pour l’ANPS .

Le projet porté par l’ANPS n’est pas seulement une affaire de stades ou de pelouses. Il s’agit d’une vision ; celle d’un président qui croit que chaque enfant, qu’il vive à Balbala, au Day ou à Ali-Sabieh, mérite un espace pour grandir, rêver et concourir. À l’horizon 2027, ce réseau d’infrastructures pourrait constituer l’un des legs les plus tangibles de la décennie : un maillage sportif, une promesse nationale, un levier d’émancipation.  

Quand le ballon roulera sur la pelouse du Gouled pour les éliminatoires de la CAN, ce ne sera pas qu’un match. Ce sera la confirmation qu’à Djibouti, le sport n’est plus un détour. Il est devenu une direction.

Moustapha Djama