La salle des spectacles de l’Institut français de Djibouti accueillait le comédien et auteur congolais, David-Minor Ilunga, mardi soir. L’humoriste y a joué « délestages », un spectacle dans lequel il s’est longuement moqué des réalités sociétales kinoises.

Au lendemain des attentats en Europe, un congolais est arrêté en situation irrégulière à Bruxelles lors d’un contrôle policier, suspecté d’être un terroriste potentiel. Il est interrogé par des policiers avec lesquels il partage une même passion pour l’Euro de foot et l’équipe nationale Belge. Entre supporters, il se croit naïvement tiré d’affaire, mais ce soir-là les Diables Rouges perdent le match contre le Pays de Galles et il est transféré en centre fermé…

Là, face à une avocate commise d’office et peu motivée, il parle de son pays… Avec en vrac : Papa Wemba, la Cour pénale de La Haye, les migrants, les toilettes sans porte dans la cour commune  et les chiottes collectives, les délestages en tous genres, (les suppressions… momentanées !) de l’eau, de l’électricité, des salaires, des soins ; les taxis où l’on « se sardine » pour entrer,  le terrorisme, les casques bleus, le Dieu Coltan, la rumba des kalachs, le ndombolo-couper-décaler des élections libres et, bien sûr, l’article 15 de la constitution populaire : «débrouillez-vous »…

Autant de tranches de survie livrées dans la gouaille des mots et des langues de la rue, autant de vérités sous la farce, mais aussi autant d’amertumes bien trempées…Seul en scène, David-Minor Ilunga est ce jeune homme qui se souvient et raconte sa vie à Kinshasa. « Oui, m’dame, à Kinshasa, la mort est un état civil qui nous colle à la peau et on s’en moque. Comme ces gamins qui jouent au football avec elle dans le quartier, pieds nus, en chevauchant des câbles électriques dénudés et béants au sol et on s’en moque ». Ici, c’est froid et difficile. Là-bas, « au pays, la mort est un état civil qui nous colle à la peau et on s’en moque ». Là-bas, il y a le fleuve, le « pondu frais », le poisson braisé et le souvenir de Nadège…

La création de Délestage s’inscrit bien dans le développement d’une coopération artistique entre des acteurs majeurs de Belgique et du Congo, dont le Théâtre de Poche est l’initiateur et le réceptacle depuis vingt ans. Délestage est une « kinoiserie » drôle, émouvante, interpellante, d’une sincérité troublante. « Il y a quelque chose d’inquiétant dans l’humour de ce jeune auteur congolais, un peu comme le rire d’une hyène qui va passer à table » décrit Roland Mahauden. 

 David-Minor Illunga a la « kinoiserie » facile, il joue, plaisante, se moque de son état et préfère le rire aux larmes, le rire aux armes. Et, il raconte des histoires dont il préfère sourire et faire rire. Même si, même si…

Auteur et comédien né à Kinshasa (RDC), le théâtre lui tombe dessus alors qu’il est encore adolescent. Depuis, il navigue entre les planches et la plume. Il a joué dans plusieurs pièces, entre autres Amours Bunkers dont il est l’auteur dans une mise en scène de Noël Kitenge avec Roland Mahauden pour directeur d’acteur, Musika d’Aristide Tarnagda et Gentil petit chien de Hakim Bah mises en scène d’Aristide Tarnagda, Cyrano de Kinshasa (d’après Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand), adaptation et mise en scène d’Israël Tshipamba.

MAS