
«Je suis le candidat pour porter les ambitions de l’Afrique à partir de 2025 » déclare Mahmoud Ali Youssouf
De passage au Maroc la semaine dernière, le ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale, candidat à la présidence de la commission de l’Union Africaine, M. Mahmoud Ali Youssouf était, à l’issue d’une rencontre avec son homologue Nasser Bourita, ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des marocains résidents à l’étranger, l’invité de la chaîne ‘‘MEDI 1’’, le mardi 3 décembre dernier, pour un entretien exclusif, au cours duquel, il a mis en avant son expérience de plus de trois décennies dans la diplomatie multilatérale et notamment dans les arcanes de l’UA. Son vaste réseau de relations, sa maîtrise des trois langues les plus parlées en Afrique (l’arabe, l’anglais et le français), sa connaissance mieux que quiconque des rouages de l’UA, ainsi que son rôle toujours actif dans la diplomatie et notamment dans la résolution des problèmes du continent, constituent ses avantages par rapport aux deux autres candidats en lice à ce poste à savoir le Kenyan Raila Odinga et le Malgache Richard Randriamandrato. Convaincu de sa capacité à incarner les aspirations africaines, cet entretien a été l’occasion, pour le chef de la diplomatie de notre pays, de déclarer haut et fort qu’il est le candidat favori qui va succéder Moussa Faki Mahamat, au poste de Président de la commission de l’UA, en 2025. Très sûr de lui, Mahmoud Ali Youssouf a déclaré : « Je crois que c’est le moment de dire sans avoir honte, que : ‘‘je suis le candidat pour porter les ambitions de l’Afrique à partir de 2025’’ : » Mahmoud Ali Youssouf.

La Nation vous a préparé et transcrit dans son intégralité, cet entretien qui nous donne également des éclaircis sur le poids des liens fraternels, entre la République de Djibouti et le Royaume Chérifien du Maroc – Pays du Grand Maghreb et du monde arabe situé au Nord-Ouest de l’Afrique – …
MEDI 1 TV : Excellence, Monsieur le Ministre Mahmoud Ali Youssouf, merci de répondre à nos questions. Vous êtes donc le premier à avoir déclaré votre candidature à la présidence de la commission de l’U.A. Pour le diplomate chevronné que vous êtes, et je vous cite, ‘‘il est temps que la génération que vous représentez porte le flambeau à l’U.A’’. Pourriez-vous étayer votre propos ?
MAY : L’Afrique traverse aujourd’hui des temps difficiles, les défis sont nombreux et les peuples africains attendent beaucoup de cette organisation et de cette commission.
Nous avons, grâce à des réformes qui ont été actées il y a quelques années, mis un petit peu les choses sur les rails. Je crois que l’agenda 2063 est une feuille de route extrêmement explicite et elle est divisée et s’appuie sur cinq plans décennaux. Le premier a déjà été épuisé avec des résultats mitigés et le deuxième a commencé en 2024 et aura cours jusqu’à 2033.
Il est très important de travailler sur ce qui existe comme base légale, juridique, pour qu’on puisse aller de l’avant dans l’exécution des décisions qui sont prises et surtout faire en sorte que les programmes qui sont établis puissent être mis en œuvre pour le bienfait et les intérêts des peuples africains. Le défi principal qui aujourd’hui se pose à l’Union africaine, c’est la performance et la capacité à délivrer sur les promesses, sur les décisions qui ont été prises et surtout faire en sorte que l’Union africaine puisse vraiment être à la hauteur des attentes des peuples africains.

Comment ?
Je crois qu’il y a des pistes de réflexion. Je crois que personne n’a, je dirais, la science infuse. Il ne faut pas prétendre non plus être prophète chez soi. On est en Afrique, on connaît les problèmes et leurs complexités et on essaye de corriger les choses qui n’ont pas marché et il y a, je dirais, des solutions.
Exemple, lorsqu’on parle du financement de l’organisation. Il y a une formule qui a été mise en place qui est de 0,2% des importations éligibles des États membres. Seuls 17 seulement se conforment à cette mesure pour pouvoir apporter leurs contributions statutaires.
Il faut que ça change. Pourquoi le financement ? Parce que l’argent, c’est le nerf de la guerre. Il faut que pour les programmes de développement de l’Union africaine qui sont financés à près de 70% par les partenaires. Il faut que ça change !
L’autre élément important aujourd’hui, nous voulons que les Nations-Unies puissent prendre en charge le financement des missions de paix africaines à hauteur de 75%. Il faudra trouver les 25% qui restent. L’Union africaine a mis en place un fonds de la paix, pour pouvoir financer ces opérations.
Il y a à peu près 400 millions de dollars dans ce fonds des contributions volontaires des États. Mais il faut que ces fonds puissent servir à financer les opérations de paix. L’argent ne peut pas rester comme ça dans un compte. Et puis, on demande les soutiens des partenaires.
Il y a un certain nombre de pistes et de travail sur lesquels, je crois, on doit mettre l’accent. Il y a un élément également qui me semble très important, c’est la transparence de la gestion des finances de l’organisation.
Si les États membres n’ont pas confiance dans la façon dont les ressources de l’organisation sont gérées, ils ne vont pas contribuer à la hauteur de ce qu’attend, l’organisation.
Le personnel : je crois qu’il est très important aussi d’avoir des personnels qualifiés, compétents, qui puissent porter les responsabilités qu’on leur confie. Aujourd’hui, il y a un sérieux problème de réforme au sein, n’est-ce pas, du staff de la Commission.
Et il est très important de se concentrer sur ces éléments pour avancer sur des solutions qui existent. Et on s’attaque aux problèmes les plus difficiles au fur et à mesure.
Quelles sont, selon vous, les chances pour que cette voie de l’Afrique puisse être entendue ? Je m’explique : La course à la succession du tchadien Moussa Faki Mahamat est désormais disputée à trois candidats de poids. Votre candidature, notamment après le retrait aujourd’hui même du candidat de l’île Maurice. Il y a également à vos côtés le Kenyan Raila Odinga et le Malgache Richard Randriamandrato. Que révèlent trois candidatures simultanées des capitales de l’Afrique de l’Est ? Et quel impact sur cette voie de l’Afrique, dont je vous parlais au début de cette question, sur l’influence collective de cette région ?
L’important, c’est que les chefs d’État africains choisissent la personne la mieux indiquée et la mieux étudiée pour pouvoir mener la commission et répondre aux défis qui se présentent au continent. S’il y a une multitude de candidatures, je pense personnellement que c’est une bonne chose. Il y aura donc plus de choix. Les chefs d’État pourront comparer les compétences, les profils, les expériences et pourront choisir la personnalité qui, à leurs yeux, conviendrait à cette étape dans laquelle se trouve l’Union. Ça, c’est un premier élément.
L’autre point important, c’est le tour de l’Afrique de l’Est. Suite au principe de rotation qui a été intégré dans les réformes récentes de 2017, c’est l’Afrique de l’Est qui doit présenter un candidat. C’est pour ça qu’il n’y a que des candidats de l’Afrique de l’Est. Je pense que trois candidats est un nombre raisonnable.
Il ne faut pas qu’on ait également des candidatures uniques où les chefs d’État n’auraient pas d’autre choix que de choisir, une seule personne. Je crois que c’est une très bonne chose et qu’il y ait une diversité de candidatures.
Parlez-nous à présent des soutiens de votre candidature, M. le ministre Mahmoud Ali Youssouf ?
Je suis quelqu’un qui a travaillé plus de trois décennies dans la diplomatie multilatérale. Ça fait 20 ans que je suis ministre des Affaires étrangères. Je connais beaucoup de gens.
J’ai un networking, un réseau très important et les gens me connaissent. C’est le plus important. Les gens, les peuples, les dirigeants en Afrique me connaissent.
Ça fait 20 ans, 25 ans que je fréquente les arcanes de l’organisation. Je connais l’organisation mieux que quiconque. Ça, c’est un premier avantage comparatif dont je peux être fier.
Deuxième élément important, je me considère comme un pont, un pont culturel entre les régions du continent. Je suis arabophone, anglophone, francophone. Je viens d’un pays carrefour entre l’Afrique, l’Asie.
Et donc, j’estime que je réponds un petit peu aux ambitions et aux attentes de différentes régions de notre continent. Et enfin, ce qui est encore plus important que tout le reste, c’est que je suis actif dans le monde multilatéral et dans la diplomatie. Et je n’ai pas arrêté de travailler.
Donc, je suis toujours dans la dynamique, n’est-ce pas, de résolution des problèmes. Je suis dans la dynamique de ma disponibilité pour le continent. Et en cela, je crois, les autres candidats ne peuvent pas dire la même chose.
C’est pour ça que je me considère, et je crois que c’est le moment de le dire sans avoir honte, et que je suis le candidat pour porter les ambitions de l’Afrique à partir de 2025.
Le Maroc s’est toujours tenu aux côtés de la République de Djibouti et se tient aujourd’hui aux côtés de votre candidature, monsieur le ministre ?
Absolument, le Maroc se tient aux côtés de la compétence et de la raison. Et je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de chefs d’État africains pensent que la candidature de Mahmoud Ali Youssouf est une candidature naturelle pour le poste.
Et surtout, dans cette période critique pour le continent, l’Afrique a besoin de quelqu’un qui a l’expérience nécessaire pour le travail qu’on attend de lui.
On attend la paix. Vous avez justement travaillé sur la gestion et la résolution de conflits. Quelle est aujourd’hui votre priorité dans ce sens, monsieur le ministre Ali Youssouf ?
Il y a ce qu’on appelle l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine. Tout le monde la connaît, c’est l’APSA. C’est une stratégie qui a été mise en place par les chefs d’État africains pour pouvoir instaurer la paix, prévenir et résoudre les conflits. Ensuite, pour pouvoir mettre en place cette stratégie, les chefs d’État africains, à travers la charte constitutive de l’Union africaine, ont créé des mécanismes. Mécanismes genre le ‘‘Conseil de paix et de sécurité’’, le ‘‘Fonds de la paix’’, le ‘‘Comité des sages’’.
Le Conseil de paix et de sécurité qui est présidé d’ailleurs pour le mois de décembre par Djibouti ?
Par Djibouti, absolument ! Et donc, il y a des mécanismes pour pouvoir mettre en œuvre cette stratégie pour la paix. Et nous avons des objectifs bien précis pour pouvoir faire taire les armes.
C’est le programme qu’on appelle « Faire taire les armes 2030 ». Et donc, il est très important de pouvoir corriger certains dysfonctionnements dans certaines structures qui nous permettront d’être beaucoup plus efficaces.
Exemple : la prévention et l’alerte rapide est un service qui n’est pas très fonctionnel parce qu’il ne faut toujours prévenir que guérir. Et donc, le travail premier et en amont et dans une sorte d’intensité quotidienne doit se faire au niveau de la prévention et de l’alerte rapide des crises qui surviennent en Afrique.
Ça, c’est un premier élément. L’autre axe de réflexion et de travail qui va constituer l’une de mes priorités dans la mise en œuvre de cette architecture de paix et de sécurité, c’est de faire en sorte que les forces en attente qui sont un petit peu, prêtes et qui ont été, je dirais, sur le papier, n’est-ce pas, décidées pour toutes les régions, il faut les rendre opérationnelles. Quand il y a une crise dans un pays, on ne peut pas regarder les gens mourir, à l’exemple du Soudan, par milliers, par millions.
Il faut qu’il y ait ce droit d’ingérence humanitaire qui s’appuie. Et c’est d’abord aux Africains de pouvoir le faire. Il faut que ces forces en attente puissent être rendues opérationnelles. Et pour ça, il faut les financements. Évidemment, l’argent est toujours, n’est-ce pas, au centre de nos préoccupations. Il y a le fonds de la paix.
Il y a aussi les contributions statutaires, les 0,2%. Il faut qu’on travaille sur ces éléments. Pour la paix, moi, je vois ces deux structures extrêmement importantes qui doivent être rendues opérationnelles le plus rapidement possible.
Le Royaume du Maroc et la République de Djibouti, bien que situés dans des régions géographiques différentes, ont beaucoup de points en commun, dont cette diplomatie de la sagesse. Que pouvez-vous nous dire, justement, sur la coordination des efforts entre les deux pays dans la diplomatie, dans la résolution des conflits, mais aussi pour répondre aux enjeux critiques compte tenu de ces deux carrefours, n’est-ce pas, Djibouti et le Maroc ?
Le Royaume du Maroc est un pays influent sur le continent. C’est un pays qui a toujours eu une politique sage et une politique de raison.
L’Union africaine compte beaucoup sur le Royaume du Maroc pour faire avancer un certain nombre de dossiers qui sont dans l’agenda de l’Union africaine. Ce sur quoi je peux beaucoup insister, c’est que Djibouti et le Maroc ont toujours eu, n’est-ce pas, d’excellentes relations. Depuis la période d’ALLAH YARHAMU, le roi Hassan II et le président Gouled, ces relations étaient extrêmement cordiales, extrêmement fraternelles se sont poursuivies.
Du seul fait qu’il y a toujours eu une convergence de vues sur les grands dossiers du continent. Aujourd’hui, je crois que si le Maroc est l’un des principaux contributeurs, n’est-ce pas, au programme et au financement de l’Union africaine, cela illustre, je dirais, l’attention et surtout l’importance et la priorité que le Royaume du Maroc accorde à l’Union africaine. Imaginez-vous que le Maroc fait partie des cinq pays qui payent, n’est-ce pas, 7,2% de contributions statutaires, c’est-à-dire à peu près 35 millions de dollars par an, en plus des contributions volontaires pour le fonds de la paix, etc.
Donc vous imaginez que le Royaume du Maroc a vraiment une politique extrêmement ciblée et extrêmement présente sur le continent et beaucoup de pays comptent sur cette sagesse et cette implication du Maroc dans les dossiers africains. Je crois que les relations fraternelles qui existent entre Djibouti et le Royaume du Maroc ne peuvent qu’être utiles, n’est-ce pas, dans le cadre de l’avancée de nos dossiers sur le continent.
Dernier point sur justement les aspects de cette coopération et encore une fois ce sont des enjeux communs entre le Royaume du Maroc et Djibouti.
On parle de l’économie bleue, on parle de la sécurité maritime, on parle aussi de la sécurité alimentaire mais aussi de la formation des jeunes ?
Nous avons tout ça avec le Royaume du Maroc, fort heureusement. Les portes des universités marocaines sont ouvertes aux étudiants djiboutiens et il y en a des milliers qui étudient ici.
Nous sommes dans un partenariat entre avec, n’est-ce pas, dans le domaine de la logistique et du service. Tanger-Med est le premier, n’est-ce pas, port en Méditerranée. On ne peut qu’apprendre du Maroc. Djibouti également a, des infrastructures portuaires qui sont de classe mondiale.
Je crois qu’il y a une coopération qui est en train de se faire. Mais il n’y a pas que ça. Nous travaillons dans le domaine de la coopération militaire, nous avons des experts, nous travaillons dans le domaine du tourisme et de l’industrie hôtelière.
Je crois qu’on peut apprendre beaucoup de choses du Maroc et grâce à la politique de sagesse de Sa Majesté le Roi, le Maroc a fait des beaux progrès, des développements extraordinaires. Moi je suis venu en vacances en 2000 ici ! Les infrastructures routières et autoroutières étaient déjà très performantes. 25 ans plus tard, on ne peut qu’admirer tout le chemin qui a été parcouru.
Donc surtout le point de vue, je crois qu’on peut apprendre les uns des autres, mais je crois que le Maroc reste un exemple dans ce domaine-là.
Un autre point partagé entre le Royaume du Maroc et la République de Djibouti, c’est justement le développement économique axé sur les infrastructures où Djibouti a également enregistré un bond considérable, la stabilité et la sécurité qui sont la base de tout développement. Et c’est là encore un point en commun, sans parler des points en commun culturels et cultuels. Merci beaucoup encore une fois, Monsieur le ministre. Tout le courage pour vous, pour cette mission. INCHA’ALLAH.
Préparé par RACHID BAYLEH