
C’est en sortant d’une librairie, les bras chargés de fournitures scolaires pour ses enfants, qu’Ibrahim Said Waberi accepte de se livrer. Un geste simple, presque banal, mais qui traduit toute la détermination d’un homme à offrir à sa famille ce qu’il n’a pas eu : la possibilité d’un avenir meilleur.
Âgé et père de six enfants – trois garçons et trois filles –, Ibrahim sillonne depuis 2016 les rues de Djibouti au volant de son taxi. Mais derrière ce métier qu’il exerce depuis neuf ans, se cache bien plus qu’un simple gagne-pain : un véritable combat pour l’éducation de ses enfants et leur réussite.
Son parcours témoigne de sacrifices constants. Avant de devenir chauffeur de taxi, Ibrahim a multiplié les expériences professionnelles. Entre 1993 et 2001, il a servi dans la police. Puis, de 2001 à 2016, il a travaillé sur divers chantiers de construction. Un travail éprouvant qui, avec l’âge, lui a laissé des douleurs persistantes. Pourtant, il n’a jamais abandonné. Avec quelques économies, le soutien de son épouse et l’appui de sa famille, il a investi dans une voiture. Ce choix a marqué un tournant décisif dans sa vie.
Aujourd’hui, on le retrouve souvent du côté de Nougaprix, quartier populaire où il attend ses clients avec patience. Comme beaucoup de taximen indépendants, il connaît des journées irrégulières, parfois marquées par le manque de courses. Mais il garde confiance. « Tout ne dépend pas du gouvernement. L’effort personnel reste essentiel », confie-t-il, convaincu que le travail et la persévérance finissent toujours par payer.
Cette philosophie de vie, Ibrahim l’a transmise à ses enfants. Et les résultats sont là : son aîné poursuit ses études au Maroc, le deuxième a décroché un emploi chez Golden Africa Djibouti grâce à un concours, et le troisième étudie à l’Université de Djibouti. Quant aux trois plus jeunes, ils continuent leur scolarité avec assiduité : deux sont inscrits au lycée de Balbala, et le benjamin suit ses cours au collège de Fukuzawa. Fier de leurs progrès, Ibrahim garde l’espoir qu’ils pourront, grâce à l’éducation, construire un avenir meilleur.
Bien sûr, les difficultés existent. Les revenus d’un taxi sont incertains, et certains jours, l’inquiétude pèse lourd. Mais Ibrahim reste animé par une force intérieure : celle de l’amour paternel et de la conviction que chaque sacrifice compte. « Je me bats pour eux. Mon but, c’est qu’ils réussissent là où je n’ai pas pu », dit-il avec émotion.
À travers son histoire, Ibrahim rappelle que la réussite familiale n’est pas seulement une affaire de moyens, mais surtout de volonté, de sacrifices et de solidarité. Son quotidien incarne l’exemple de ces anonymes qui, dans l’ombre, bâtissent patiemment l’avenir de leurs enfants.
Plus qu’un chauffeur de taxi, Ibrahim Said Waberi est un père courageux, un homme de devoir qui prouve que, même dans les conditions les plus modestes, le travail acharné et l’amour d’une famille ouvrent toujours deshorizons.
Zouhour Abdillahi