
Dans une interview exclusive accordée au Journal de 20h de la chaîne sénégalaise RTS, le 30 janvier dernier, Mahmoud Ali Youssouf, ministre des Affaires étrangères de Djibouti et candidat à la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA), a exposé sa vision pour le continent. Plaçant la paix et la sécurité au cœur de son programme, il a longuement détaillé les défis à relever et les actions à entreprendre pour stabiliser l’Afrique et lui garantir un avenir prospère.
Dès le début de l’interview, le ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale, candidat à la présidence de la commission de l’union africaine, Mahmoud Ali Youssouf a insisté sur l’urgence d’agir face aux crises sécuritaires qui fragilisent le continent. De l’Est de la RDC au Sahel, en passant par la Libye, le Soudan et la Somalie, plusieurs régions africaines sont en proie à des conflits prolongés, des insurrections armées et des instabilités politiques profondes. Pour lui, la paix et la stabilité constituent des conditions essentielles au développement économique et à l’intégration régionale. « Sans paix, sans stabilité, il est très difficile d’engager des programmes de développement, de promouvoir le commerce intra-africain et de renforcer l’intégration continentale » a souligné Mahmoud Ali Youssouf avant d’affirmer que si l’Afrique veut se positionner comme un acteur mondial fort et indépendant, elle doit d’abord garantir sa propre sécurité.

Une réforme de l’UA pour une meilleure efficacité
Mahmoud Ali Youssouf a plaidé pour une refonte des méthodes de travail de l’Union africaine, mettant en avant plusieurs axes d’amélioration dont notamment au niveau des décisions prises par l’organisation où le candidat djiboutien a soulevé l’inapplication de nombreuses résolutions prises par le Conseil de Paix et de sécurité de l’UA. Pour remédier à cette problématique, le diplomate Mahmoud Ali Youssouf propose donc une meilleure mise en œuvre des décisions, en instaurant des mécanismes de suivi et d’évaluation rigoureux. « L’UA ne doit plus être une organisation qui se limite à adopter des résolutions sans les mettre en application. Nous devons agir et être plus efficaces sur le terrain » a-t-il clairement justifié.
En ce qui concerne la coopération avec les organisations régionales, ils doivent être, selon le ministre djiboutien, candidat à la présidence de la commission de l’UA, M. Mahmoud Ali Youssouf, « les communautés économiques régionales (CER) doivent être les premiers acteurs de la gestion des crises dans leurs zones respectives ». Il regrette notamment la décision du Mali, du Burkina Faso et du Niger de quitter la CEDEAO, ce qui, selon lui, affaiblit considérablement les capacités de réponse de l’organisation. « Il faut établir une meilleure synergie entre la Commission de l’UA, le Conseil de paix et de sécurité et les organisations régionales. Ce sont elles qui doivent être en première ligne dans la gestion des conflits » a-t-il indiqué. Quant aux ressources du Fonds pour la Paix, Mahmoud Ali Youssouf regrette qu’ils ne soient toujours pas utilisés de manière efficace et propose donc une réforme des procédures financières pour permettre un déblocage rapide des fonds en cas de crise.
« L’Afrique ne manque pas d’argent pour financer sa sécurité. Ce qui manque, c’est une gestion efficace et transparente de ces ressources » a-t-il précisé.
Vers une souveraineté sécuritaire africaine
Un des points majeurs abordés au cours de cette interview par Mahmoud Ali Youssouf est la nécessité pour l’Afrique de gérer elle-même sa propre sécurité, sans dépendre des puissances étrangères.
Il dénonce notamment les ingérences extérieures et la présence de sociétés de sécurité privées étrangères sur le continent, affirmant qu’elles aggravent les conflits au lieu de les résoudre. « Les Africains doivent prendre en main leur propre sécurité, comme le font les Européens avec l’OTAN. Nous devons réfléchir à une organisation de défense continentale qui garantisse notre souveraineté
» a-t-il plaidé. Il souligne également que l’UA fonctionne actuellement avec 60 % de financements étrangers, ce qui nuit à son indépendance. « Comment parler de souveraineté alors que la majorité du budget de l’UA est financée par des partenaires extérieurs ? Nous devons mobiliser nos propres ressources pour garantir notre indépendance » a-t-il répondu.
Interrogé sur la crise à l’Est de la République démocratique du Congo, où les rebelles du M23 menacent Goma, Mahmoud Ali Youssouf a dénoncé une situation qui perdure depuis plus de 30 ans sans solution durable. Dans ce domaine, il appelle à un dialogue inclusif entre les acteurs impliqués, et à une médiation renforcée par l’UA. Il soutient les efforts du président angolais João Lourenço, mais estime que l’organisation panafricaine doit jouer un rôle plus actif dans la résolution du conflit. « Si l’UA ne s’implique pas davantage, elle laissera la place à d’autres acteurs qui n’ont pas nécessairement les intérêts de l’Afrique à cœur » a-t-il mit en garde contre une détérioration plus large de la stabilité continentale si ce type de conflit continue à être mal géré et instrumentalisé par des forces extérieures.
Un appel à l’unité et à l’engagement des dirigeants africains
En conclusion, Mahmoud Ali Youssouf a exhorté les dirigeants africains à faire preuve de plus de volonté politique et d’engagement réel envers les objectifs de l’Union africaine. Il insiste sur le fait que l’Afrique dispose des ressources et des capacités nécessaires pour garantir sa stabilité, à condition de surmonter les divisions et de mettre en œuvre des réformes structurelles profondes.
« Ce n’est pas l’argent qui manque en Afrique, c’est la volonté politique. Si nous voulons une UA forte et efficace, nous devons combler ces déficits de gouvernance et d’engagement » a-t-il déclaré. Avec sa vision claire et ambitieuse, Mahmoud Ali Youssouf se positionne ainsi comme le candidat idéal à la présidence de la Commission de l’UA. Son programme, centré sur la stabilité, la souveraineté et l’efficacité institutionnelle, pourrait bien séduire les États membres désireux de voir une Union africaine plus forte, plus indépendante et plus proactive dans la gestion des défis du continent. L’élection du 15 février prochain sera donc un tournant décisif pour l’avenir de l’UA et de l’Afrique toute entière.
RACHID BAYLEH