Alors que le monde cherche des solutions pour financer un développement plus juste et durable, la finance islamique émerge comme un modèle économique clé. Fondée sur des principes de la charia islamique, interdisant la spéculation et le taux d’intérêt (riba), elle se distingue par son engagement envers l’économie réelle et son refus des investissements nuisibles à la société. De la Malaisie à l’Arabie Saoudite, en passant par l’Egypte et l’Indonésie, cette approche alternative finance des projets alignés avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies.
Contrairement à la finance conventionnelle, la finance islamique repose sur des principes de transparence et d’équité. Elle repose sur la charia islamique qui proscrit les investissements dans les industries polluantes ou socialement controversées (alcool, tabac, armement, jeux de hasard) et privilégie les actifs tangibles. Chaque transaction doit être adossée à un bien réel, limitant ainsi la spéculation excessive et les crises financières.
Les instruments de financement islamiques, tels que le Mudarabah (partage des profits) et le Musharakah (coentreprise), instaurent un modèle où les investisseurs et entrepreneurs partagent équitablement bénéfices et pertes. Ce système favorise une meilleure répartition des richesses et un soutien accru aux projets durables.
Des outils financiers au service des ODD
Les Sukuk, souvent comparés aux obligations classiques, permettent aux États et entreprises de lever des fonds pour des projets d’envergure tout en respectant les principes de la finance islamique. Ces instruments ont déjà démontré leur efficacité pour financer des initiatives liées aux ODD dans plusieurs pays du monde islamique. En Arabie Saoudite, les Green Sukuk ont contribué au financement du projet solaire de Sakaka, réduisant la dépendance aux énergies fossiles (ODD 7 – Énergie propre, ODD 13 – Action climatique) ; en Malaisie, les Sukuk ont servi à développer des transports en commun plus durables et des centrales solaires, soutenant un urbanisme écologique (ODD 11 – Villes durables) ; en Indonésie, l’émission de Sukuk verts a permis de financer des barrages hydroélectriques et des infrastructures énergétiques en zones rurales, favorisant l’accès à une énergie propre et abordable.
Microfinance islamique : un outil puissant contre la pauvreté
L’un des grands défis du développement durable est l’inclusion financière. La finance islamique propose des solutions adaptées, notamment grâce à la microfinance islamique, qui offre des financements accessibles aux populations exclues du système bancaire traditionnel. Elle finance en effet les entrepreneurs et les ménages à faibles revenus grâce à des prêts sans intérêt (Qard Hasan).
En Indonésie, ces prêts sans intérêt (Qard Hasan) ont permis à des nombreux petits entrepreneurs de lancer leur activité sans s’endetter lourdement (ODD 1 – Pas de pauvreté, ODD 8 – Travail décent). Et en Égypte, des mécanismes de financement comme le Murabaha et le Musharakah soutiennent les femmes entrepreneures, favorisant leur autonomie économique (ODD 5 – Égalité des sexes). Prônée par l’Agence djiboutienne de développement social à Djibouti, elle a également permis de financer des nombreuses petites entreprises tenues en général par des citoyens à faibles revenus.
Les défis à surmonter pour maximiser son impact
Malgré son potentiel, la finance islamique doit encore franchir plusieurs obstacles pour accroître son influence sur le développement durable. Le manque de standardisation des produits à l’échelle internationale freine son adoption par les investisseurs étrangers. De plus, la méconnaissance du grand public et des institutions sur ses mécanismes limite son expansion en dehors des pays à majorité musulmane.
Cependant, la tendance est à l’accélération : l’essor des investissements socialement responsables et la montée en puissance des Sukuk verts montrent un intérêt croissant pour ces outils financiers.
Plusieurs institutions internationales commencent d’ailleurs à intégrer des solutions inspirées de la finance islamique dans leurs stratégies de financement durable.
Longtemps perçue comme un marché de niche, la finance islamique prouve aujourd’hui qu’elle peut être un moteur puissant pour un développement inclusif et respectueux de l’environnement. En mobilisant des capitaux pour des projets alignés avec les ODD et en offrant des alternatives financières plus justes, elle ouvre la voie à une finance plus responsable.
À l’heure actuelle où le monde cherche des solutions pour concilier rentabilité et durabilité, la finance islamique apparaît non plus comme une alternative, mais comme un levier de développement plus équitable. Sa montée en puissance pourrait bien redessiner les contours d’une économie mondiale plus équilibrée, où performance financière rime avec éthique et impact positif.
Khadra Abdillahi
CEO NexGen Advisory et Chargée de Cours en Finance Islamique