D’une ampleur sans précédent, celles-ci constituent une menace supplémentaire pour la sécurité alimentaire des populations.

Si près, et pourtant si loin. À l’heure où les vagues de chaleur qui déferlent sur l’Europe suscitent un fort émoi médiatique, l’Afrique brûle aussi dans un silence quasi général. Depuis plusieurs semaines, des incendies dévastateurs ravagent les cultures et menacent la stabilité alimentaire déjà fragile de certains pays du continent. Une situation catalysée par deux phénomènes : la technique du brûlis, encore massivement prisée des agriculteurs locaux, et le réchauffement climatique, qui dérègle les moussons et accroît les phénomènes de sécheresse, dans des régions déjà réputées particulièrement arides. Culture sur brûlis destructriceAinsi, la culture sur brûlis – pratique agricole efficace et peu coûteuse consistant à brûler une terre pour défricher la végétation existante et à fertiliser le sol grâce à la cendre ainsi créée – alimente les incendies en Afrique centrale en pleine période de sécheresse. Or ces incendies, et les feux de forêt qu’ils entraînent “constituent la plus grande source de carbone noir au monde, une menace pour la santé humaine et l’environnement”, rappelle le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). En République démocratique du Congo (RDC), la déforestation engendrée par cette pratique et par la production de charbon de bois est telle que le pays a perdu près de 500 000 hectares de forêt tropicale rien qu’en 2020, rapporte Global Forest Watch, alors que la forêt tropicale du bassin du Congo joue un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique, absorbant environ 4 % des émissions annuelles mondiales de CO2.  Le carbone noir, issu du brûlis, favorise en outre l’augmentation des épisodes de sécheresse, lesquels se succèdent ces dernières années, et atteignent en 2022 des niveaux sans précédent, notamment dans la Corne de l’Afrique, mais également dans plusieurs pays du Maghreb. À cela s’ajoute que la pratique du brûlis dérègle les moussons. “Durant cette période, nous avons des inondations par-ci par-là, et durant la saison sèche, nous avons des vagues de chaleur qui sont de plus en plus longues et plus intenses”, confiait récemment le climatologue spécialiste de l’Afrique Arona Diedhiou sur RFI. Ce dernier redoutait d’ailleurs que ces modifications climatiques ne conduisent les organisations de football à devoir replanifier les Coupes d’Afrique des nations de 2023 (Côte d’Ivoire) et 2025 (Guinée), prévues en extérieur sur la période juin-juillet. Corne de l’Afrique en première ligneAutre terreau fertile aux épisodes d’extrême chaleur et à la propagation d’incendies : le réchauffement climatique, qui frappe de plein fouet le continent africain. Alors que l’Afrique, qui abrite 20% de la population mondiale, n’émet que 3% des émissions de gaz à effet de serre chaque année, elle se trouve en première ligne face à la hausse des températures. Selon les prévisions, une augmentation de 2°C à l’échelle mondiale d’ici la fin du siècle pourrait même se traduire par une hausse de 3,6°C sur le continent africain. À l’heure actuelle, la région la plus touchée est l’Afrique de l’Est, qui connaît la pire sécheresse depuis plus de quarante ans, laquelle risque de se prolonger, en l’absence de saison des pluies pour la cinquième année consécutive, comme l’a récemment rappelé l’Organisation météorologique mondiale (OMM).  “L’Afrique de l’Est et en particulier certaines parties de la Somalie, de Djibouti, de l’Ethiopie et du Kenya connaissent les conditions les plus sèches et les températures les plus élevées depuis le début des enregistrements par satellite”, a dans la même veine alerté le PNUE. Rien qu’en Ethiopie, près de 10 millions de personnes, dont 4,4 millions d’enfants, sont en situation d’urgence dans les zones touchées par la sécheresse, où le taux de malnutrition est alarmant. “La menace de famine plane sur l’Afrique de l’Est”, a récemment déclaré Clare Nullis, porte-parole de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), alors que l’on estime aujourd’hui à 16,7 millions le nombre de personnes confrontées à une précarité alimentaire aiguë en Afrique de l’Est. Prolifération d’incendies au Maghreb et au TchadAu Maghreb aussi, la situation est préoccupante, alors que la région est en proie, à l’instar de nombreux pays européens, à un épisode d’extrême chaleur favorisant les feux de forêt. Un rapport de l’ONU publié en février dernier évalue d’ailleurs à 30% l’augmentation du risque de survenue des “incendies extrêmes” d’ici 2050, en raison du réchauffement climatique, et à 50% d’ici la fin du siècle. Au Maroc, où les températures vont jusqu’à 46 degrés par endroits, six incendies ravageurs ont frappé le pays depuis le 13 juillet, provoquant le déplacement de 1325 familles originaires de 19 villages encerclés par les flammes et induisant la destruction d’environ 4660 hectares dans la province de Larache située au nord du pays, foyer principal des feux. “Quatre bombardiers d’eau Canadair de l’armée et quatre avions d’épandage ont été mobilisés”, note d’ailleurs le journal marocain Le Desk. En proie à des épisodes de sécheresse qui se succèdent ces dernières années, le Maroc est désormais classé par le Giec comme faisant partie des pays “proches du seuil du stress hydrique grave”. En Algérie, deux personnes ont perdu la vie en juin dernier dans des feux de forêt à Sétif, au nord du pays, région qui avait connu des incendies particulièrement meurtriers l’an dernier. Pour éviter les 90 décès de l’été 2021, l’Algérie a même loué un avion bombardier d’eau russe pour une période de trois mois, précise le quotidien local TSA. Enfin, en Tunisie, la région de Jendouba, au nord-ouest du pays, a enregistré la semaine dernière trois feux de forêt et ce “sans compter les nombreux départs de feu, dans les localités de Balta Bouaouene et Boussalem”, rapporte le quotidien Tunisie numérique. La Libye et l’Algérie ont d’ailleurs envoyé hier des équipements pour “appuyer les efforts de la Tunisie dans sa lutte contre les incendies”.Source : l’express