
La crise liée au covid 19 n’est pas seulement sanitaire, elle est économique et sociale aussi. Partout dans le monde cette crise a touché les économies, compromettant les efforts fournis durant de nombreuses années. De nombreux secteurs sont touchés comme le tourisme, l’hôtellerie, les transport aériens et urbains, la construction du BTP, les commerces du détail etc… Face à cette crise économique et sociale, quelle réponse apporter ? Comment juguler ses effets dévastateurs ? Dans cette optique, le gouvernement de Djibouti a élaboré le pacte national solidaire. Un document qui est une évaluation macroéconomique de l’impact du COVID 19 sur les perspectives de croissance de Djibouti en 2020 (Scénarios et projections). Et ceci en concertation avec la Banque Mondiale, le PNUD, le FMI et la CEA. Le PACTE met en évidence les incidences budgétaires et besoins de financement de la réponse nationale, y compris pour les mesures d’atténuations visant à réduire l’impact socio-économique de la pandémie. Le point de la situation.

Dans son introduction ce document pose le constat : « La République de Djibouti qui n’a jamais bénéficié des initiatives de PPTE et IADM, a pu enregistrer une performance économique et sociale impressionnante grâce à des choix stratégiques de très haute portée en transformant l’écosystème macro-économique du pays. Ces deux dernières décennies de croissance économique continue se sont traduites par une forte réduction de la pauvreté ayant permis d’atteindre certains objectifs des ODD. Cette crise sanitaire commuée en crise socio-économique risque de remettre en cause les acquis de 20 ans d’efforts et de progrès. ».
Avec le confinement, la crise du Coronavirus a durement touché surtout les travailleurs de l’informel qui constituent la base de l’économie. Conducteur de bus, de taxi, détenteur de petits commerces, ils ont payé le prix fort à cette situation qui les a touchés de plein fouet. Les PME ont eux aussi été durement éprouvés.

Une sorte de panique s’est emparée des populations les plus pauvres et vulnérables avec cette diminution de l’activité économique.
Selon les statistiques fournis par ce document les emplois informels et journaliers sont en nombre de 67 508 (dont 36% sont des chefs d’unités de production informelle et 64% des mains d’œuvre). Tous sont âgés de 16 ans à 64 ans.
Quant aux salariés déclarés, ils s’élèvent à 84 036 et sont répartis dans sept secteurs d’activités et organisés en 126 activités.
La perte d’emplois est estimé à au moins 33 754 dont 20 000 dans le secteur formel et 13 754 dans l’informel et qui impactera au moins 168 778 personnes vivant dans des ménages.
Le pays entrerait en récession (-3,8%) avec un tel scénario, avec une baisse d’activité dans les secteurs stratégiques (-75%) sur les deux mois de confinement et des contractions massives dans les secteurs touchés par les politiques de confinement. Avec 40 000 emplois menacés à court-terme dans ce scénario, soit 5,1 MilliardsFDJ de masse salariale.
Le pacte national solidaire est catégorique : Djibouti risque de perdre les acquis de 20 ans de progrès de développement.
La pandémie COVID-19 est une crise sanitaire majeure, c’est aussi une crise humanitaire et de développement. Ses répercussions sociales, économiques et politiques potentiellement dévastatrices pourraient bien éclipser les progrès de développement réalisés au cours des deux dernières décennies et laisser leurs marques pour les années à venir.
Abdi Hassan est un gérant d’une agence de voyage . Son travail a été durement touché par le COVID 19. Depuis fin mars toutes ses activités sont à l’arrêt. « Nous sommes au bord de la ruine, si on nous assiste pas » a-t-il déclaré.
Il nous a confié que son agence a raté les fêtes de pâques où il y avait d’habitude de nombreux voyageurs. La haute saison à savoir les mois de juin, juillet et août ne sera pas aussi au rendez à cause de la fermeture des frontières qui va se prolonger jusqu’au 1er septembre. « Si l’Etat ne nous assiste pas, on risque de fermer boutique et retomber dans le chômage… »
L’Association Djiboutienne des Agences de Voyage et du Tourisme (ADVT), dont il est membre a entrepris des démarches pour sensibiliser les pouvoirs publics de cette situation qui touche de plein fouet les professionnels des transports aériens.
Safia est une mère de famille qui tient un petit restaurant au quartier 6. Avec son petit commerce, elle arrivait à subvenir au besoin de ses nombreux enfants dont le père est décédé il y a quelques années. Depuis le confinement et la crise du covid 19, elle s’est retrouvée au chômage. « Pour l’instant nous survivons avec mes maigres économies, et j’ai une grande appréhension quant à l’avenir. », affirme t-elle un trémolo dans la voix.
Un coup dur pour le milieu touristique
Le covid 19 n’épargne personne. Un coup dur pour le milieu touristique. C’est le cas des métiers comme les guides touristiques qui ont du revenir à la maison, faute de clients. Après la fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes, et surtout l’interdiction des flux humains, il a été impossible pour les guides de pouvoir poursuivre leurs activités génératrices de revenus. Travaillant avec les agences de voyages, ou des sites touristiques, ceux-ci ont mis la clé sous la porte. « Vous savez, si les touristes étrangers ne sont pas là, nous on ne peut pas gagner notre vie », avoue Mohamed, père de famille. Les guides n’ont pas d’autres moyens de subsistances et d’autres prérogatives que de croiser les bras et d’attendre la fin du confinement, ou encore du covid 19 pour reprendre leurs activités. Confinés, ils sont sans couverture aucune face aux conséquences économiques de cette pandémie planétaire. « Depuis le début du confinement, je n’ai pas pu assurer une journée de travail et j’attends la fin de la maladie pour reprendre mes activités », nous confie Ali, guide touristique qui sillonnait le pays avec les touristes. Espérant que les organismes en charge du domaine se saisissent du dossier et soutiennent les petits emplois, du moins informel mais qui faisaient vivre plusieurs dizaines de personnes qui subvenaient aux besoins de leurs familles. Les guides sont la partie visible de l’iceberg, on peut entre autres citer les nombreux sites touristiques qui ne sont plus opérationnels, les serveurs, les restaurateurs, les vendeurs de coquillages et produits de l’artisanat subissent le verdict du mal du siècle . La reprise des activités étant prévues pour septembre, il serait nécessaire de prendre en compte les soucis de ce domaine qui faisait vivre de nombreuses familles.
A l’échelle internationale, l’ONU a mobilisé des fonds initialement destiné à l’atteinte des Objectifs pour le développement durable pour soutenir ses Etats membres à juguler la crise économique qui va suivre la crise sanitaire. Quelque 17.8 milliards de dollar qui devaient couvrir le programme de développement durable ont été ajustés et étendus aux besoins liés au covid 19.
Kenedid Ibrahim