Nous reproduisons dans ces colonnes, in extenso, le vibrant plaidoyer du ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, porte-parole du gouvernement, Mahmoud Ali Youssouf, prononcé hier lors de la réunion d’information organisée par le département de la diplomatie djiboutienne portant sur la candidature de la république de Djibouti pour le poste de membre non permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour la période 2021-2022. Un briefing fait en présence des chefs de missions diplomatiques et consulaires à Djibouti.

(( Je vous remercie d’abord de votre présence à cette réunion que nous avons souhaité tenir pour faire le point sur la situation de paix et de sécurité dans notre sous-région et les principales motivations et les raisons qui sous-tendent à la candidature de Djibouti au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour la période 2021-2022.

Notre région de la Corne de l’Afrique demeure la région du continent qui a connu le plus de troubles et de crises ces 30 dernières années. En effet, notre région a vécu la crise somalienne, le conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée, puis entre l’Erythrée et Djibouti, la guerre au Sud Soudan, la révolution au Soudan, la guerre au Yémen si l’on considère la proximité géographique. Toutes ces crises et ces conflits ont conduit ou produit des conséquences sur la sécurité globale avec l’émergence de groupe terroriste tel qu’Alshabab, la piraterie maritime, la migration clandestine, le déplacement de population, refugiés et déplacés internes, ainsi que la recrudescence de trafic de tout genre (trafic humain, d’armes, de drogue, etc.)

Cependant, ces deux dernières années une embellie certaine de la situation globale est à souligner. Certains parlent même d’un changement de paradigme, de bouleversement et pour les plus optimistes d’une ère nouvelle dans la grande Corne de l’Afrique. L’accord de paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée, la rencontre de haut niveau entre les chefs d’Etats de Djibouti et de l’Erythrée. L’accord revitalisé au Sud Soudan avec la mise en place de la période de transition et, espérons-le, la mise en place du gouvernement de Transition en novembre 2019. Le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Soudan après la signature de la déclaration de la constitution et la mise en place du gouvernement de transition dirigé par Abdallah Hamdok. Tous ces événements semblent augurer une période de stabilité politique pour tous ces pays-là.

Durant toutes ces années difficiles pour la Corne de l’Afrique, Djibouti a su préserver sa stabilité et sa sécurité d’une part, et d’autre part mon pays a entamé des initiatives de paix pour la région. La Somalie, le Soudan et le Yémen ont bénéficié de la contribution de Djibouti aux efforts de paix et de stabilisation, ainsi que de l’assistance humanitaire à travers l’accueil des évacués des zones de conflits, des réfugiés et des personnes déplacées. Djibouti a beaucoup œuvré à l’ouverture de couloirs humanitaires vers la Somalie et le Yémen.

Par ailleurs, force est de constater que la contribution de Djibouti à la lutte contre la piraterie, le trafic humain et le terrorisme, reste une contribution appréciée par toute la communauté internationale. Si nous accueillons des forces étrangères sur notre sol, c’est avant tout pour rehausser notre niveau de participation à cet effort global d’éradication de la menace terroriste et d’une meilleure sécurisation de la route maritime la plus fréquentée au monde, à savoir le détroit de Bab-el Mandab. Djibouti n’a aucun agenda hégémonique et ne revendique aucun rôle de puissance régionale. Si nous avons décidé de poursuivre notre quête de ce siège non-permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, c’est d’abord pour toutes les raisons évoquées préalablement mais c’est aussi parce que nous croyons fermement à un principe d’égalité et d’équité entre les Etats membres des Nations Unies à servir au Conseil de Sécurité et à plus forte raison entre les pays africains qui ne disposent que de 3 sièges sur 15 dans l’organe onusien.

Maintenant, pour en venir à la décision du COREP du 11 août 2019 de passer outre deux étapes importantes avant la désignation du candidat africain à ce siège non permanent, il convient de rappeler ce qui suit :

Les groupes régionaux se réunissent pour appliquer le principe de rotation. En 2017, le groupe de l’Afrique de l’Est s’est réuni plusieurs fois sous la présidence de Djibouti, doyen des ambassadeurs à Addis-Abeba. Le Kenya a insisté et persisté dans son refus de la rotation car, dois-je le rappeler, le Kenya a servi 2 fois au Conseil de Sécurité (1973-1974) et (1997-1998), alors que Djibouti a servi 1 fois (1993-1994). Si l’on avait tenu compte de ces principes de rotation et de dernière participation en date, le COREP aurait du se prononcer en faveur de Djibouti au lieu de passer prématurément à un vote qui doit avoir lieu en juin 2020 à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Le Groupe africain de New York n’a pas été consulté par le COREP, c’est la deuxième irrégularité qui a été faite.

Etant donné cette situation incompréhensible pour Djibouti, mon gouvernement s’est réservé le droit de poursuivre sa campagne pour l’obtention de ce siège.

Djibouti ne crée pas une nouvelle situation inédite, il y a quelques années de cela, la Guinée Bissao dont la candidature a été endossée par l’UA a perdu face au Nigéria qui n’avait pas cet endossement. Quelques années auparavant, la Mauritanie endossée par l’Union Africaine, a été battue par le Maroc qui certes, à ce moment-là, n’était pas encore revenu à l’UA.

C’est pour vous dire que l’endossement de l’UA vous donne peut-être un léger avantage, mais pas la garantie d’être élu à l’Assemblée Générale surtout si les Etats membres constatent cette entorse au principe de rotation et de celui du dernier en date.

Djibouti estime être dans son bon droit et sollicite donc l’appui et le soutien de vos pays à sa candidature. ))