Lors du débat général de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui s’est tenue le lundi 29 septembre dernier au siège de l’organisation à New York, Son Excellence M. Mohamed-Siad Doualeh Warsama, Ambassadeur et Représentant permanent de Djibouti auprès de l’ONU, a livré un plaidoyer vibrant en faveur d’un ordre international plus équitable et solidaire. Dans un monde marqué par les conflits, les inégalités et les menaces climatiques, Djibouti exhorte la communauté internationale à réformer en profondeur le système multilatéral, à défendre la paix et les droits humains, et à bâtir une coopération renouvelée fondée sur la justice, la confiance et la responsabilité partagée.

« Je souhaiterais de prime abord réitérer nos vives félicitations à Son Excellence Madame Anna Baer Book, Présidente de l’Assemblée Générale pour cette session historique qui coïncide avec la commémoration du 80ème anniversaire de la création des Nations Unies. Le thème que vous avez retenu pour cette session : «Mieux ensemble: bâtir la paix, promouvoir le développement et garantir les droits humains» définit d’une manière éclairante la quête patiente, méticuleuse et scrupuleuse de la communauté internationale depuis la signature de la Charte des Nations Unies il y 80 ans.

Nous pouvons être fiers des résultats obtenus et des nombreux succès enregistrés par notre organisation. En dépit d’un contexte difficile, rien ne doit entamer notre détermination à construire un monde moins inégalitaire, plus solidaire, pacifié et prospère. Notre gratitude va à l’endroit de votre prédécesseur, M. Philémon Yang pour son ouverture, son leadership et ses efforts continus tout au long de la session qui vient de s’achever.

Au cours de ces huit décennies passées, le rôle des Nations Unies a été déterminant dans le soutien aux processus de décolonisation en Afrique et en Asie, la Résolution de conflits, la Prolifération nucléaire, le Combat contre la Pauvreté et le Changement climatique, la Promotion des Droits de l’Homme ainsi que la Gestion des risques de pandémies. Les Nations Unies, conscientes de la nécessité d’affiner ses outils, a continuellement entrepris les réformes nécessaires afin de toujours mieux s’acquitter de son mandat et de répondre aux défis du moment. Sous le leadership du Secrétaire Général actuel, et à la demande des États Membres, devant le constat de la lenteur dans la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable et dans le but de bâtir un multilatéralisme plus inclusif, plus efficace et plus interconnecté, nous avons adopté les recommandations contenues dans le rapport majeur intitulé notre agenda commun.

Devant l’imprévisibilité de l’avenir et l’aggravation de certaines tendances de nature à miner la coopération internationale ainsi que l’émergence de défis nouveaux, les contractants que nous sommes ont adopté un Pacte pour l’avenir qui comprend un Pacte pour le numérique et une déclaration sur les générations Mûres. Convaincus qu’il nous faut bâtir un monde meilleur où nous serons mieux ensemble, nous avons convenu d’un programme ambitieux couvrant des questions aussi importantes que la Paix et la Sécurité, le Développement Durable, le changement climatique, la Coopération numérique et en particulier veiller à faire de l’Intelligence Artificielle une technologie qui profite à tous, les Droits humains, l’Égalité des sexes, la Jeunesse et les Générations futures ainsi que la Transformation de la Gouvernance Mondiale.

Ces accomplissements ne peuvent cependant masquer les conséquences dévastatrices causées par la fragmentation géopolitique et géoéconomique en cours. Les conflits prolifèrent et s’enlisent de l’Ukraine au Soudan, en passant par le Sahel. L’horreur indicible continue à Gaza, les enfants y sont impunément assassinés au quotidien et la famine est utilisée comme arme de guerre sans que la Communauté internationale ne puisse efficacement arrêter le génocide en cours comme vient de le confirmer le rapport de la Commission d’enquête des Nations Unies en date du 16 Septembre élaboré sous la direction de la Juge Navi Pillay Les normes régissant l’usage de la force sont violées avec une régularité effrayante comme l’illustrent les bombardements, les raids et les assassinats extra territoriaux conduits par Israël. Nous condamnons l’agression terroriste contre le Qatar et la violation de sa souveraineté et intégrité territoriale. Au nom du Président de la République S.E. ISMAIL OMAR GUELLEH, nous réaffirmons notre solidarité à l’Émir Son altesse Cheikh Tamim Bin Hamad Al Thani ainsi que le Gouvernement et Peuple frère du Qatar.

Le Conseil de Sécurité est paralysé par le recours devenu systématique du véto, le Droit International et les normes qui nous ont guidé jusque-là sont dangereusement remis en cause, la crise de confiance entre États est aggravée par la grave crise de liquidités due à la persistance d’arriérés de contributions.

« Nous condamnons l’agression terroriste contre le Qatar et la violation de sa souveraineté et intégrité territoriale »

La République de Djibouti salue l’adoption récente du Compromis de Séville, issu du Forum sur le Financement du Développement. Cet accord constitue, à nos yeux, une étape importante dans la quête d’un système financier international plus équitable, plus solidaire au service des Objectifs de Développement Durable. Les chiffres sont tout aussi éloquents qu’alarmants :

 Le monde est confronté à un déficit annuel de 4000 Milliard de Dollars pour atteindre les ODD ;

– Les pays en voie de développement paient plus en service de la dette qu’ils n’investissent dans la Santé ou l’Éducation. En 2023, 1400 Milliards de Dollars ont été consacrés au service de la dette dans les pays à revenu faible et intermédiaire ;

– Plus de 50 pays dépensent aujourd’hui plus de 10% de leurs recettes publiques uniquement pour rembourser leur dette. Dans certains cas, ce taux dépasse les 20%.

– L’aide publique, quant à elle, accuse un recul préoccupant. Selon les derniers rapports des Nations Unies, seulement 17% des cibles sont en bonne voie d’être atteintes d’ici 2030 tandis que 37%  sont en stagnation ou en régression. Aucun des 17 objectifs n’est en passe d’être atteint dans sa totalité. La faim augmente, les inégalités se creusent et les conséquences du Changement climatique frappent plus durement les pays qui ont le moins contribué au problème.

Djibouti, bien que très faible émetteur, subit les conséquences disproportionnées de cette crise : Sécheresses prolongées, raréfaction des ressources en Eau, Désertification accrue, Vagues de chaleur extrême et Elévation du niveau de la mer qui menace directement nos zones côtières où vit la majorité de la population. Nous sommes convaincus comme nous l’avons rappelé récemment lors du deuxième sommet Africain sur le climat à Addis-Abeba que l’urgence appelle d’abord à une stratégie d’adaptation efficace.

« Nous sommes convaincus que l’urgence appelle d’abord à une stratégie d’adaptation efficace »

A Djibouti, le Sovereign Carbon Agency collecte les contributions carbones sur les bases du principe « pollueur payeur » et les transforme en projet d’adaptation pour les communautés affectées.

Les compromis de Séville suscite un nouvel espoir : il rappelle à une Réforme de fond, à une gouvernance financière inclusive et répond aux aspirations de longue date des Pays du Sud. Les engagements qu’il contient doivent être honorés. Il ne faut pas qu’il devienne  un texte de plus dans les archives du multilatéralisme. Il doit servir de base à un nouveau contrat mondial fondé sur une solidarité concrète, la responsabilité et l’ambition partagée ».

Djibouti s’engage à transformer ses avantages géographiques et infrastructurels stratégiques, en passant du statut de leader principalement axé sur le transit à celui de partenaire industriel pleinement intégré pour l’Afrique de l’Est et au-delà. Conformément à son plan national de développement Djibouti ICI, le pays poursuivra une industrialisation inclusive et durable, créant de la valeur ajoutée locale, davantage d’emplois et des retombées profitables pour les pays voisins.

Djibouti mettra à profit sa zone franche, ses ports et ses infrastructures logistiques pour attirer des industries de transformation légère, d’agro-alimentaire, de conditionnement et d’assemblage destinées à répondre à la demande régionale.

Djibouti croit fermement à l’intégration régionale, où chaque pays développe et valorise son avantage comparatif afin de contribuer à une croissance et une stabilité partagées.

Djibouti est et restera toujours un partenaire sérieux, fiable, engagé et constructif pour les pays de la région ainsi que pour ses nombreux amis à travers le monde.

Il y a seulement deux jours, le 27 septembre, Djibouti a obtenu pour la première fois le statut de Réserve de biosphère de l’UNESCO avec la désignation de l’Archipel des Sept Frères, de Ras Syan, de Khor Angar et de la Réserve de biosphère de Godoria.

Cette étape historique majeure, qui illustre l’engagement du pays en faveur de la protection de l’environnement, renforce notre détermination à développer le potentiel de Djibouti pour en faire une destination de premier plan en matière d’écotourisme.

Nous nous félicitons des progrès accomplis en Somalie dans les efforts de mise en œuvre des priorités nationales, le Programme de Développement national et le Plan de stabilisation.

Nous demeurons cependant préoccupés par la menace que continue à poser la milice terroriste Al Shabab. Nous saluons la contribution des Forces somaliennes, de l’Union Africaine et des autres forces opérant légalement dans la lutte contre Al Shabab et reconnaissons les sacrifices immenses consentis. Nous soulignons l’importance cruciale de garantir aux Forces africaines de l’AUSSOM les ressources prévisibles, en volume suffisant afin de leur permettre de s’acquitter de leur mandat dans les meilleures conditions.

Djibouti est un contributeur important de l’Union Africaine en Somalie, puis de sa Transition (ATMIS) avec des Troupes stationnées dans des secteurs clé suivants : BeletWeyne, Bula Hawa et Jalalaqsi dans la région de Hiiran, état de Hir Shabaleey. Face à la montée des attaques terroristes, Djibouti a répondu à l’appel de la Somalie en signant un nouvel Accord en juillet 2025 permettant le déploiement additionnel de Forces djiboutiennes afin de renforcer les efforts de stabilisation dans le pays. Il nous faut collectivement apporter un soutien robuste au Gouvernement somalien afin de l’assister dans ses efforts. Nous ne pouvons tolérer que ces milices terroristes poursuivent leur campagne meurtrière contre les populations civiles, les Forces somaliennes et les partenaires internationaux et ferment les couloirs humanitaires.

Nous sommes extrêmement préoccupés par la poursuite des hostilités au Soudan dans ce conflit fratricide qui dure depuis plus de deux ans. Le bilan en perte de vies humaines est lourd, la destruction d’infrastructures civiles coûteuses perturbe les services essentiels tels que l’Eau, la Santé et l’Électricité. La détérioration continue de la situation sécuritaire et humanitaire cause des déplacements massifs de populations. Le Soudan, avec plus de 30 Millions de personnes en besoin d’assistance selon les chiffres des Nations Unies, est confronté à une situation humanitaire catastrophique qui exige une réponse immédiate et coordonnée de la Communauté Internationale.

Nous appelons à la fin immédiate des opérations militaires et à l’instauration d’un cessez-le-feu durable, en écho aux précédentes résolutions régionales visant à désamorcer le conflit. Djibouti enfin réaffirme son attachement à la Souveraineté, à l’Intégrité Territoriale, à l’Unité Nationale et à la Stabilité du Soudan, conformément aux engagements régionaux et internationaux. Nous réaffirmons notre volonté de travailler en partenariat avec les acteurs régionaux et internationaux désireux de trouver une issue pacifique et durable à la crise et appelons en tout temps à placer au centre de nos efforts les intérêts de la population soudanaise et la stabilité régionale.

« À Gaza et au West Bank, pour les Israéliens, tuer semble être la plus innocente des occupations ».

Lors de la signature de la Charte des Nations Unies et de la Création des Nations Unies, la Communauté Internationale, tirant les leçons de la Ligue des Nations, s’était engagée à tout mettre en œuvre afin d’épargner à l’humanité le fléau d’une Guerre Mondiale. Il semble que la promesse d’un monde sans guerre ne soit pas tenue car nous faisons malheureusement face encore aujourd’hui à un certain nombre de situations de conflits, certaines d’entre elles particulièrement horribles. Le conflit le plus dévastateur, aussi vieux que les Nations Unies, demeure l’agression continue d’Israël et l’occupation de ses terres. L’horreur indicible qui y règne exige une action urgente de la Communauté, au-delà des mots et des condamnations sans conséquences.

 Gaza et au West Bank, pour les Israéliens, tuer semble être la plus innocente des occupations. Pendant que la Communauté Internationale s’attelle à la revitalisation de la solution à Deux États, Israël, elle est occupée à enterrer non seulement l’idée de Deux États mais également la possibilité future d’un État Palestinien viable et Souverain. Leur vœu le plus cher, c’est de compromettre la solution à Deux États et d’enterrer la

Paix sous les décombres de la colonisation et de la militarisation. Mais c’est bien sûr une mission vouée à l’échec. Le peuple Palestinien est résilient, courageux.

La Communauté Internationale est tout aussi déterminée comme l’illustre la résolution adoptée par une vaste majorité des États Membres à l’Assemblée Générale ainsi que les résultats très encourageants de la Conférence internationale du 22 septembre co-présidée par l’Arabie Saoudite et la France. Nous ne le répéterons jamais assez ! La solution à Deux États est la seule capable de répondre aux aspirations légitimes du Peuple Palestinien et de faire advenir une Paix durable.

Djibouti encourage les efforts de paix en cours afin qu’ils puissent produire les résultats escomptés. Judge Navy Pillay recently admonished : « The Security Council must not be the graveyard of conscience : President Guelleh added : “Neither must the General Assembly nor any of the Member States.”

Le différend concernant la zone de Ras Doumeira et l’île de Doumeira (ainsi que le mont Doumeira), situés à la frontière terrestre et maritime avec l’Érythrée, ainsi que la situation de nos prisonniers de guerre détenus au secret, demeure non résolu. Comme nous l’avons fait les années précédentes, nous réaffirmons notre disponibilité à travailler avec nos voisins afin de trouver une solution pacifique et négociée sur la base du droit international. La République de Djibouti réaffirme solennellement, en cette année anniversaire marquant le 80ᵉ anniversaire de la signature de la Charte des Nations Unies, et conformément à l’Article 33 de ce document fondamental, sa proposition de négocier, soit par voie bilatérale, soit par la médiation, la conciliation, le recours à la Cour internationale de Justice ou à l’arbitrage, afin de régler ce différend de manière juridiquement contraignante et définitive.

Les Nations Unies, 80 ans après sa création, continuent d’offrir une plateforme et des outils adéquats que nous pouvons affiner davantage afin de mieux vivre ensemble et répondre aux défis complexes auxquels notre monde fait face en matière de Paix et de Sécurité collective, de Développement et des Droits Humains. Nous devons tout mettre en œuvre afin que les Nations Unies ne restent un théâtre symbolique, vigilant sur son image mais sourd aux exigences de réforme, y compris celles du Conseil de Sécurité en accordant à l’Afrique la place qu’elle mérite, réparant ainsi une injustice historique.

Les Nations Unies demeurent plus que jamais essentielles !

Nous ne devons pas en faire une victime expiatoire sacrifiée sur l’autel de nos différences et notre incapacité à instaurer entre nous des liens de confiance solides. Nous devons travailler ensemble afin de donner au multilatéralisme un sens renouvelé et renforcer la Coopération internationale dans l’intérêt de tous les États, petits et grands.

Je vous remercie pour votre attention ».