L’Institut français de Djibouti a accueilli dans la soirée de mercredi 5 février, une conférence remarquable sur les savoirs indigènes et leur intégration dans le système éducatif. Présentée par M. Idris Youssouf ELMI,ancien directeur au CERD, puis secrétaire général du ministère de la Communication et de la Culture, et ancien fonctionnaire de l’UNESCO aujourd’hui écrivain, consultant et conférencier. Il a exploré dans sa présentation comment l’éducation a été historiquement conçue comme un outil d’assimilation, imposant les normes et valeurs européennes tout en dévalorisant les connaissances locales.

Lors  de sa conférence, M. Idris Youssouf Elmi a souligné que l’éducation coloniale était avant tout un outil d’assimilation, imposant les normes et les valeurs européennes tout en dévalorisant les connaissances locales. « L’éducation coloniale s’est imposée comme un instrument de « civilisation », reléguant les langues africaines au rang de dialectes mineurs et considérant les savoirs locaux comme du folklore. Les systèmes éducatifs ont imposé des canons européens, privant les Africains de leur propre histoire et de leur rapport au savoir, réduisant leur rôle à celui de subalternes administratifs».

Il a par ailleurs rappelé que les connaissances traditionnelles ont été dénigrées au profit des sciences occidentales « Les connaissances traditionnelles en médecine, métallurgie, astronomie et agriculture ont été dénigrées au profit des sciences occidentales. Les guérisseurs, forgerons et astronomes indigènes ont été rabaissés à de simples figures pittoresques pour touristes ou chercheurs étrangers, bien que leurs savoirs aient prouvé leur efficacité sur le terrain ».

La reconnaissance des cultures africaines par les institutions internationales

Le conférencier a mis en évidence qu’après des décennies d’oubli volontaire, les institutions internationales commencent à reconnaître la valeur des cultures africaines. M. Idris Youssouf  Elmi critique cette approche qu’il juge hypocrite, transformant les traditions en objets d’étude pour chercheurs occidentaux plutôt qu’en ressources vivantes pour les sociétés africaines. « Après des décennies d’oubli volontaire, les institutions internationales commencent à reconnaître la valeur des cultures africaines, mais souvent dans un cadre patrimonial figé plutôt qu’en les intégrant à la modernité. Ce retournement, souvent hypocrite, transforme les traditions en objets d’études pour chercheurs occidentaux plutôt qu’en ressources vivantes pour les sociétés africaines. Le « Xeer Ciise » le « Madqa » n’ont jamais attendu la reconnaissance de l’UNESCO. Ils ont été, ils sont et ils seront fonctionnels et pratiques.  Ce ne sont pas des spectacles folkloriques. Ce sont des droits coutumiers émanant des savoirs indigènes qui offrent des comportements et des manières de gérer le temps, l’espace et les humains dans un consensus béni et donc accepté».

Dans un autre volet de sa réflexion, le conférencier plaide  pour une éducation ancrée dans les réalités locales, valorisant les langues africaines, l’agriculture traditionnelle et les connaissances environnementales. Il souligne que les solutions aux crises écologiques et économiques peuvent souvent être trouvées dans les pratiques ancestrales, qui offrent des alternatives durables et adaptées au contexte africain. Pour cela il insiste sur  un enseignement plus inclusif et réhabiliter les savoirs indigènes, il propose plusieurs pistes de réforme. Il préconise la mise en place de programmes bilingues qui intègrent les langues africaines afin de permettre aux élèves d’apprendre dans leur langue maternelle. Il suggère également de favoriser la collaboration avec les anciens et les communautés locales, afin de promouvoir un apprentissage intergénérationnel et de préserver la transmission des savoirs traditionnels. Par ailleurs, il insiste sur la nécessité de revaloriser les sciences indigènes en intégrant la pharmacopée traditionnelle et les savoirs agricoles dans les cursus scolaires, soulignant ainsi leur pertinence dans le monde contemporain.

Enfin le conférencier a appelé  « à une école qui n’est ni passéiste ni strictement occidentalisée, mais qui fusionne les connaissances traditionnelles et modernes pour construire un avenir où les Africains se réapproprient leur propre héritage intellectuel. Il insiste sur la nécessité de cesser d’attendre la validation extérieure et de reconnaître que les savoirs indigènes ont toujours eu une valeur, indépendamment du sceau académique occidental ».

A l’issue de cette soirée de réflexion autours du thème « Les savoirs indigènes et l’école », les participants composés des écrivains, des professeurs et des jeunes universitaires ont posé au conférencier des questions cruciales sur la décolonisation de l’éducation et la valorisation des savoirs indigènes.

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