Employant jusqu’à ce jour plus de 65 personnes, Djibouti Port de Pêche & Marina Services, cinquième concessionnaire depuis 2004, connait une profonde transformation sur le plan physique, administratif et surtout juridique. Cette structure, placée sous la gestion d’une entreprise djiboutienne Al-Aoul Group, qui y a injecté plus de 10 millions de dollars, ambitionne désormais de devenir  un modèle d’efficacité dans le domaine de la pêche. « Notre objectif sur le long terme consiste à faire du port de pêche, une structure innovante susceptible de créer des emplois et de contribuer au développement socio-économique du pays », nous a confié le directeur général, M. Ibrahim Fouad Salem. Entretien.

Bonjour Monsieur le DG, pour commencer, présentez-vous à nos lecteurs ?

Bonjour. Merci tout d’abord de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer dans les colonnes du quotidien La Nation, afin d’expliquer aux djiboutiens les missions de l’entreprise que je dirige depuis plusieurs mois. Je m’appelle Ibrahim Fouad Salem. Je suis le directeur général de « Djibouti Port de Pêche & Marina Services » qui a été concédée par l’Etat à une société privée djiboutienne dénommée « Al Aoul Group ». Il s’agit d’une entreprise appartenant à mon ami et frère Yacin Aouled Farah, un opérateur économique qui se distingue par sa créativité.

Est-ce donc le Port de Pêche qui est devenu Djibouti Port de Pêche et Marina Services ?

Absolument. L’ancien Port de Pêche porte aujourd’hui le nom de Djibouti Port de Pêche & Marina Services. Et ce, après qu’il nous a été concédé par l’Etat le 15 décembre 2018. Marina services, parce que nous projetons tout simplement de mettre en place des structures qui englobent plusieurs activités maritimes, notamment la plongée sous-marine, la planche à voile, la pêche, l’excursion en mer etc… En tout, nous avons injecté quelque 10 millions de dollars pour restructurer cette infrastructure portuaire. Notre objectif sur le long terme consiste à faire du port de pêche, une structure innovante susceptible de créer des emplois et de contribuer au développement socio-économique du pays. 

Il parait que l’exclusivité de la vente des poissons à Djibouti est réservée à vos services, notamment la poissonnerie la Sirène. Est-ce vrai et qu’en est-il des pécheurs ? 

Pas du tout, nous n’avons pas l’exclusivité de la vente des poissons en République de Djibouti. C’est un secteur libre. Djibouti, avec ses côtes longues de 372 Km, dispose d’importantes ressources halieutiques qui appartiennent à tout le monde. Par contre, la vente des poissons dans l’enceinte du port de pêche est réglementée. C’est-à-dire que nous ne permettons pas aux revendeurs de poissons de s’établir dans l’enceinte du port de pêche et de fixer les prix comme bon leur semblent. Nous disposons de nos propres embarcations de pêche mais aussi nous nous approvisionnons auprès des pêcheurs et nous revendons les poissons dans la Sirène à un prix raisonnable. Notre but ultime consiste d’ailleurs à mettre les produits de la mer à la portée de tous les djiboutiens. Il est inconcevable que certains d’entres-nous soient privés de cette denrée abondante dans nos eaux. 

Justement, parlons maintenant des prix de vente de poissons sur le marché. Qu’est-ce qui a changé réellement depuis que vous êtes en charge de la gestion du port de pêche ?

Avant de répondre à cette question, permettez-moi de vous faire une petite précision : depuis notre arrivée au port de pèche, les poissons ne passent pas par plusieurs mains. La première action que nous avions entreprise consistait à bannir de nos espaces les revendeurs-intermédiaires, ceux-là même qui spéculaient sur les prix. Imaginez qu’un kilo de Dorade acheté à seulement 400 FD auprès du pêcheur soit revendu à 1600 FD. C’était une vraie arnaque.

Si je reviens maintenant à votre question, nous revendons les poissons avec une marge de 200 FD seulement selon les prix du marché qui, bien sur, sont fixés par les pêcheurs. Permettez-moi par ailleurs de vous faire part de la mise en place dans l’enceinte du port de pêche d’une unité de production de glace  et d’une station d’essence hors taxe.

Toutes ces réalisations illustrent parfaitement notre détermination et notre volonté à mettre en place un cadre de travail adéquat pour les hommes de la mer. J’invite donc vos lecteurs à vérifier mes propos et à se rendre auprès de nos différents services.

Outre la vente des poissons, existe-t-il un autre genre de partenariat entre votre société et les pécheurs ?

Vous savez, depuis les concessions successives  du port de pêche à des opérateurs privées et bien avant, les pécheurs ont toujours été marginalisés. Compte tenu de leurs conditions de vie très précaires, nous projetons de mettre en place un cadre d’appui aux pécheurs et à leur famille. C’est dans ce sens que nous comptons engager des discussions avec la CNSS afin de faire bénéficier les pécheurs d’une couverture médicale.  Depuis que nous sommes de la gestion du port de pêche, nous avons entrepris des démarches visant à améliorer le cadre de travail des pécheurs. Nous avons instauré des normes de sécurité, mis en place des réglementations d’hygiènes et rénové les installations de vente et de détente des pêcheurs. Pour arriver à ces résultats, nous avons eu d’intenses discussions avec les pêcheurs qui ont décidé de créer une association chargée de défendre leurs droits. Cette association est présidée par un homme sage avec qui nous discutons de tous les projets inhérents à l’amélioration des conditions de vie de nos pêcheurs.

Qu’avez-vous prévu pour faire des pêcheurs des vrais professionnels de la mer?

Beaucoup de choses. La formation dans les domaines techniques, organisationnels et de gestion est une condition sine qua non pour que les pêcheurs djiboutiens puissent aller de l’avant. Nous ambitionnons de les initier aux nouvelles technologies de la pêche. C’est dans cette optique que nous voulons commander auprès des établissements Marill de matériaux de navigation de pointe permettant par exemple de trouver facilement les bons coins de pêche en mer.

Est-ce que vous visez le marché local ou comptez-vous plutôt exporter les produits de la mer vers l’extérieur ?

Le secteur de la pêche regorge un potentiel exploitable estimé à 47 000 tonnes par an dont 15 000 tonnes de poissons démersaux comme les mérous et les dorades et 28 tonnes de poissons pélagiques (thons, thazards, sardines, sardinelles,.. etc).

Les quantités de poissons à haute valeur ajoutée, susceptibles d’être exportées, sont estimées à environ 9300 tonnes par an. C’est pour vous dire que ce potentiel dépasse largement la demande du marché local. C’est pourquoi nous voulons lancer, dans un avenir proche, une unité industrielle spécialisée dans le traitement et l’exportation des produits halieutiques frais et congelés, entiers ou transformés. Notre vision est de faire de Djibouti Port de Pêche et Marina Services le leader des exportations de poissons frais dans la Corne de l’Afrique.

Propos recueillis par NF/AAD