La campagne annuelle internationale pour l’élimination de la violence à l’égard du genre féminin a débuté à la République de Djibouti le 25 novembre 2022 et prendra fin le 10 décembre à l’occasion de la journée des droits humains. Parmi les violences infligées aux femmes, on peut citer la mutilation génitale féminine (Excision et affubulation) qui est une des formes extrêmes faites aux femmes. Une djiboutienne sur trois continue de subir des mutilations bien que cette pratique d’un autre âge soit réprimée par la loi depuis plus d’une génération.

A cette occasion, un atelier de partage et de connaissance sur les violences basées sur le genre a été organisé le mercredi 07 décembre  au Sheraton par les Nations-Unis, l’UNICEF, l’UNFPA et le Ministère de la Femme et de la Famille au profit des professionnels des médias (RTD et Presse écrite) et des Influenceurs des réseaux sociaux qui doivent être édifiés sur les conséquences des mutilations féminines. La lutte engagée doit être mieux maîtrisée par les médias pour que le message soit bien véhiculée pour la population. Après les professionnels des médias, cette formation sur les MGF sera étendue sur l’ensemble du territoire avec les cadres et élus locaux du pays.

Un atelier de formation présidé par M. José Barahona, Coordinateur-résident de l’ONU à Djibouti, qui déclare : « Les journaux, la télévision et la radio sont les véritables acteurs, influents pour la diffusion d’informations aux citoyens de Djibouti, ils doivent jouer un rôle actif pour engendrer et perpétuer la discrimination fondée sur les inégalités entre les sexes et les violences appliqués sur le genre, plus particulièrement sur le genre féminin».

Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), Djibouti est l’un des pays où les mutilations génitales féminines (MGF) sont pratiquées de manière presque généralisée où 68 % des Djiboutiennes ont déjà subi une forme quelconque dès leur plus jeune âge.

La mutilation consiste à toutes interventions visant à modifier et endommager les parties génitales d’une femme ou d’une fille sans raison médicale, il s’agit le plus souvent d’une ablation totale ou partielle des organes génitaux externes, ce qui est une violation des droits fondamentaux des femmes et des filles contraintes à subir cette atrocité. Les victimes de la MGF endurent systématiquement des souffrances physiques auxquelles s’ajoutent un traumatisme émotionnel et des complications médicales ultérieures.

Les chiffres sont effrayants car le dernier rapport de l’Unicef cite 200 millions de femme chaque année qui ont subi des mutilations génitales, soit environ 6 filles par minute mutilées dans le monde.

Pour éradiquer totalement cette pratique du territoire national, le gouvernement a adopté en 1995 une loi interdisant la pratique des MGF sous peine de prison. Ce fut le premier obstacle aux MGF à Djibouti mais cette décision ne reçut qu’une faible adhésion populaire étant donné que la majorité de la population nationale n’est pas encore préparée à renoncer à cette tradition ancestrale, à l’exception des intellectuels.

Or, ce n’est qu’en 2008 qu’un changement se manifeste grâce à des campagnes de sensibilisation, lancées par le gouvernement en collaboration avec le Programme des Nations Unies et l’UNICEF pour la Population. On observe alors une nette différence de mentalité face aux MGF, spécialement dans la capitale.

A Djibouti, pourquoi pratique t-on encore les MGF

Les communautés qui pratiquent en commun ces accoutumances propagent des idéaux socio-culturels et religieux pour justifier le bien-fondé de cette pratique et sa pérennité dans le temps. Et pourtant, on a beau chercher, encore et encore dans le Saint Coran permettant d’opérer ces interventions mais rien, c’est une intervention qui ne figure dans aucun texte ou livre religieux (Coran, Evangile ou Thora). Ceux-ci ne relèvent uniquement de la conception de quelques praticiens et de faux religieux qui y trouvent un fondement religieux. En réalité, ils avancent que c’est classique, traditionnel et fondamental pour les rites de passage et la socialisation de la femme et de la fille, précieux et infaillible pour l’attachement à la tradition et à la fidélisation de la femme à son conjoint. Aujourd’hui, Mme Kadra âgée de 41 ans, bernée par ces déclarations lors de son excision à l’âge de 9 ans nous en dit plus : « je me rappelle entourée de ma mère, de ma grand-mère et d’autres femmes du voisinage, elles me disaient que grâce à cette excision, tu vas devenir une femme digne et fidèle de son foyer, par cette pratique, tu n’auras point de pulsions sexuelles et préserveras ta virginité jusqu’ au jour du mariage, tu seras une fille purifiée ».

Cela signifie que malgré une opposition à la pratique, les pressions familiales, religieuses et culturelles poussent souvent les femmes à perpétuer ce cycle de destruction sur leurs propres fillettes.

Or, Mme Soufran Ahmed, une de trois docteurs en psychologie de développement animant modérément cet atelier déclare : « Avec la pratique de ces opérations, la fillette peut en mourir quelques heures ou quelques jours après à cause des infections et des saignements d’autant plus que cela se charcute sans prise de précautions esthétiques et hygiéniques. Elle se réalise de façon traditionnelle, avec des lames comme outil de prévoyance. C’est une douleur psychologique qui affecte d’abord la victime avec des conséquences à court et à long terme. Avec les mutilaions de ses organes genitaux, la femme rencontre des difficultés au moment de la grossesse ou de l’accouchement pour donner naissance,  l’enfant risque d’y mourir ou venir au monde avec des séquelles ».

Mobilisation des médias et des réseaux sociaux contre la MGF

C’est un crime contre l’innocence qui ne peut se faire sans l’implication des professionnels des médias et des réseaux sociaux pour éradiquer cet usage de croyances ancestrales. Il faut que les médias sensibilisent le grand public et, plus particulièrement, les hommes et les garçons, au problème des violences contre les femmes. Avec leurs supports de dernière génération désormais numérisés (télévision, radio, journaux, internet, banderoles), chaque support ciblera un groupe spécifique par exemple, les spots télévisuels et les banderoles cibleront la société en général, les spots radio s’adresseront principalement aux adultes (plus de 18 ans), tandis que la campagne sur internet (en particulier via Facebook) sera essentiellement destinée à un public plus jeune.

Malgré les nombreux efforts et progrès réalisés ces dernières années par le gouvernement pour lutter les graves problèmes du mariage forcé, le travail des enfants et le manque d’éducation, il reste encore à Djibouti de nombreuses jeunes femmes victimes des MGF, ce qui est inacceptable. Ces pratiques ont contribué à peser des graves conséquences sur la sécurité et l’intégrité physique, sur la vie et la santé de ces femmes et jeunes filles. C’est pourquoi, nous devons continuer à nous mobiliser afin d’y mettre un terme définitivement aux Mutilations Génitales Féminines (MGF).

Saleh Ibrahim Rayaleh