Le réseau des femmes « Elle et Elles » en collaboration avec le FNUAP a organisé le lundi dernier à l’hôtel Kempinski un important atelier de sensibilisation sur les violences basées sur le genre. L’événement qui a rassemblé les acteurs institutionnels, communautaires et internationaux engagés dans ce domaine a servi d’occasion pour briser le silence et éveiller les consciences contre de fléau barbare et inhumain.

Une salle comble, un silence pesant et des mots qui bousculent les cœurs. C’était le lundi 30 juin dernier à l’hôtel Kempinski, lors d’un atelier de sensibilisation sur les violences basées sur le genre organisé par le réseau des femmes « Elle et Elles » en collaboration avec le FNUAP. L’événement, qui a réuni une diversité d’acteurs engagés dans la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), s’est rapidement transformé en un espace d’expression libératrice pour de nombreuses jeunes filles et femmes survivantes. Leurs récits, livrés à voix nue devant un public suspendu à leurs mots, ont transpercé l’assistance, renversant l’émotion d’une simple journée de sensibilisation en un moment d’humanité.

Très vite, les paroles libérées des survivantes ont suspendu le temps. Tour à tour, plusieurs jeunes filles venues des trois communes de la capitale ont pris la parole, parfois tremblantes, souvent dignes, pour raconter l’indicible. Violences conjugales, mutilations génitales féminines, mariages précoces, viols, harcèlement, des mots qui décrivent assez les souffrances endurées par les jeunes filles. Des messages chargés de courage et d’espoir. L’ambiance, d’abord formelle, s’est lentement muée en recueillement.

Les larmes ont remplacé les sourires, les poings se sont serrés, les regards se sont baissés. Dans cette salle feutrée du Kempinski, la douleur a été dite, entendue, partagée.

Ces voix venues des quartiers de la capitale, ont permis de rappeler l’ampleur du fléau que représentent les VBG à Djibouti et la nécessité d’une réponse plus coordonnée. Parmi les personnalités présentes à cet atelier figurait M. Ali Soubaneh Atteyeh, président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), particulièrement ému par les témoignages recueillis. Dans une déclaration empreinte de gravité et de solidarité, il a affirmé : « Ces récits doivent être les catalyseurs de notre action. La CNDH se tient aux côtés de chaque victime et ouvre grand ses portes pour qu’aucune femme, qu’aucune fille, ne se sente abandonnée. »

À ses côtés, Aicha Ibrahim Djama, représentante résidente du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), a rappelé l’engagement de son institution à soutenir les dispositifs nationaux de prévention et de prise en charge des victimes. Son action saluée par M. Soubaneh Atteyeh témoigne d’une collaboration exemplaire entre acteurs étatiques et partenaires internationaux.

Les trois présidents des communes de la capitale — Ibrahim Saïd Badoul (Ras-Dika), Abdoulkader Iman Aden (Boulaos) et Mohamed Hassan Saïd (Balbala) — ont tour à tour exprimé leur soutien indéfectible au réseau « Elle et Elles » ainsi qu’aux différentes structures œuvrant sur le terrain. Tous ont réaffirmé l’impérieuse nécessité d’une réponse communautaire intégrée, impliquant les leaders locaux, les relais communautaires, les centres d’écoute et d’accompagnement, les services de santé et les autorités judiciaires.

Il est à noter que cet atelier a été l’occasion de mettre en exergue des expériences vécues et notamment les initiatives portées par les femmes relais communautaires et les équipes du centre « One Stop Center », un dispositif intégré de prise en charge des survivantes de VBG. Ces interventions ont permis de mieux comprendre les enjeux quotidiens auxquels font face les intervenants de première ligne, entre urgence sociale, manque de ressources, résistance culturelle et besoin de formation continue.

Des présentations ont également porté sur les mécanismes de signalement, les procédures d’accompagnement judiciaire, les besoins psychologiques des victimes, et les stratégies de prévention communautaire. La richesse des échanges a confirmé la nécessité de renforcer la coordination entre tous les acteurs du secteur.

A l’issue de cette rencontre, les participants ont adopté une série de recommandations visant à renforcer la lutte contre les VBG à savoir la généralisation des campagnes de sensibilisation dans les quartiers populaires, l’intensification des formations à destination des femmes relais, la systématisation de l’accueil psychosocial dans les structures sanitaires, ainsi que la mise en œuvre d’un système de suivi rigoureux des cas signalés. Le président de la CNDH a conclu la journée par un appel fort à la justice : « Il est temps de rompre l’impunité. Protéger les femmes, c’est défendre notre humanité. »

Le réseau « Elle et Elles », en organisant cet atelier permettant de briser le silence et éveiller les consciences, a montré combien la lutte contre les violences basées sur le genre exige une mobilisation de tous les instants, une écoute réelle, et des actions concrètes, sur le terrain comme dans les institutions. Il s’agit ici pour ces nombreuses personnalités de ne plus jamais laisser les victimes seules dans l’ombre, et de faire de la protection des femmes et des filles une priorité nationale et sociétale.

RACHID BAYLEH