La conférence de réconciliation somalienne  d’Arta qui fut  initiée  par le Président de la République M.Ismail Omar Guelleh en l’an 2000 est gravée dans toutes les mémoires. Un évènement historique qui avait mobilisé tous les djiboutiens pour  que nos frères somaliens puissent reconstruire leur Etat et revenir dans les  concerts des Nations. Chacun avait contribué dans la mesure de ses moyens pour la réussite de  cette noble entreprise Un livre intitulé « Saadaasshu wa Guul , mémoires de la conférence d’Arta » et écrit par le docteur Nimaan Abdillahi Kaourah revient sur cette conférence  qui avait  jeté les jalons de la renaissance somalienne.  Ce deuxième  extrait de ce livre décrit la répartition des sièges entre les clans et sous-clans. Cette étape a failli tout faire s’écrouler. Les Somaliens de Somalie, de la diaspora, les habitants de Arta et les Djiboutiens avaient énormément souffert durant cette impasse, qui avait secoué leurs cœurs et leurs âmes.  C’est encore les paroles salvatrices du président Ismaïl Omar Guelleh qui avaient permis de dépasser cette étape cruciale où toutes les autres conférences précédentes avaient échoués.

La répartition des sièges du parlement somalien.

Les délégués somaliens s’appuyant sur la charte provisoire qui venait d’être adoptée entamèrent des longues discussions sur l’art et la manière de repartir les sièges du futur parlement.

Deux écoles s’affrontèrent. Les partisans d’une répartition basée sur les régions et les partisans d’une répartition basée sur les clans. Après des jours entiers de débat, finalement la répartition clanique l’emporta.

Une fois que tous les clans et groupes étaient tombés d’accord, le travail de l’établissement des listes de noms débutait. Chaque clan se réunissait à part.

Une longue période de débats et de quiproquos débutait à Arta. La machine se grippa. En trois semaines, les listes ne parvenaient toujours pas aux organisateurs.Je me souviens qu’Arta s’agitait énormément. Les Somaliens se déplaçaient sans arrêt entre les domiciles. Chaque clan était réparti en sous-clans et en sous sous-clans. Et la ré-répartition devenait infernale. L’arithmétique et la logique ont peu de place dans ce type d’opération. Un cercle vicieux s’était mis en place à Arta. Certaines discussions prirent fin et des sous-clans préparaient leurs balluchons pour quitter la conférence. Les cœurs et l’enthousiasme des habitants d’Arta furent ébranlés. Les sourires disparurent des visages. Les gens étaient médusés. Les délégués étaient venus pour stopper le massacre incessant des femmes et des enfants et pour créer un Etat provisoire qui régit cette situation difficile et les voilà qui s’entêtaient au point de tout faire écrouler. Avaient-ils pensé au peuple djiboutien qui souffrait pour leur permettre de retrouver une certaine stabilité ? Avaient-ils pensé au président Ismaïl Omar Guelleh qui, depuis son élection, œuvrait sans arrêt pour les protéger et sauver la nation et le peuple somalien? Apparemment non ! La conférence était au point mort.

(…) Les mamans et les notables religieux ne déposaient plus leurs chapelets et avaient cessé de siroter leur thé. Certains notables somaliens avaient perdu la vie durant ces mois d’activités et d’émotion intenses. Et comme l’avait souligné, à juste titre, le président Ismaïl Omar Guelleh, les Somaliens qui avaient risqué leurs vies pour reconstruire leur pays étaient véritablement des moujahidines (combattants) et ceux ou celles qui étaient décédés durant ce processus étaient des shouhadas (martyrs). Il n’y avait aucun doute là-dessus. Il fallait voir tous les sacrifices et supplices qu’ils ou elles avaient subi durant tout ce processus de paix, pour faire renaitre leur pays et nation et mettre fin à la souffrance de leur peuple. L’histoire se rappellera ces hommes et femmes qui pendant presque une année avaient affronté tout, subi tout et avaient persévéré avec abnégation pour reconstruire leurs pays.

Au début du mois d’aout 2000, le président se rendit à Arta. Tous les participants somaliens étaient sous la grande tente.

Le responsable des délégués, Hassan Abchir, prit la parole et fit un récapitulatif des travaux réalisés par les délégués depuis trois mois à Arta. Il constata que malheureusement, le processus de paix était entré dans une impasse.

« Le peuple somalien a été abandonné, oublié. Par fraternité tu as agi et tu nous as proposé une conférence. Nous avons répondu présents, Nous sommes tous venu avec un seul objectif. La renaissance de la Somalie. Malheureusement nous sommes désolés. Cela fait 3 mois et quelques jours que nous conduisons le processus de paix. Nous n’avons toujours pas eu de résultats probants. Un unique mois aurait suffi à mon avis. »

Il avoua que c’était le président de la république de Djibouti qui avait demandé à rencontrer les somaliens compte tenu de la situation. Puis il laissa la parole au président. Dans une atmosphère solennelle et lourde de sens, le président prit la parole.

« Au nom de Dieu le Miséricordieux, Que la paix et la bénédiction soit sur vous.

Merci Monsieur le Président des délégués. Lorsque je me suis renseigné sur l’état d’avancement du processus de paix, il m’est apparu qu’il est de mon devoir d’intervenir et de fournir des conseils nécessaires et des encouragements appropriés. J’évoquerai également la situation du pays et des personnes qui s’intéressent à la Somalie.

(…)

Je disais, tout à l’heure, au président du processus que je pensais ou que j’espérais que l’adoption de la charte provisoire serait le point le plus crucial. Je ne pensais nullement que des sièges de députés seraient un point de discorde compte tenu de la gravité de la situation du pays et de l’énorme espoir du peuple somalien fatigué par tant de tragédies.

Je pense que j’ai mal estimé. Je ne pensais pas du tout que les discussions allaient prendre trois semaines pour cette question.

Au contraire, je me disais que ce point allait être vite réglé compte tenu des cris et appels du peuple somalien qui dit « nous ne vous avons pas envoyé pour des sièges, mais pour faire renaitre un Etat. Que faites-vous là-bas ? »

(..)

Ce que je demande à ceux qui se réunissent ici, c’est de sauvegarder la nation somalienne. Vous vous trouvez au point où les précédentes conférences avaient échoué. Nous demandons la protection de Dieu contre l’échec. Je vous demande de dépasser ce point. Je vous demande de sauvegarder l’espoir que le peuple somalien a placé dans cette conférence. Nous devons concrétiser les prières que nous adressions à Dieu jours et nuits pour demander la miséricorde pour le peuple somalien. Aujourd’hui ce peuple a besoin d’un Etat. Aujourd’hui ce peuple a besoin d’un gouvernement. Aujourd’hui ce peuple a besoin d’un ordre. Aujourd’hui ce peuple a besoin de paix. Aujourd’hui ce peuple a besoin de sauvegarde. C’est entre vos mains aujourd’hui et celles de Dieu.

Je vous demande mes frères de dépasser ce point avec bravoure et de vous attaquer aux autres travaux restants qui, il parait, seront encore plus difficiles. Lorsque la question du président et de son cabinet seront atteints, ce sera beaucoup plus difficile il parait. Je vous dis que le pays et la nation somalienne sont plus importants que cela.

J’aimerais dire quelques mots sur notre région et sur les personnes qui s’intéressent à la nation somalienne. Vous n’ignorez pas que cette conférence n’a pas été la bienvenue, qu’elle a été sous-estimée, qu’elle a été rabaissée, qu’elle n’a pas reçu la valeur qu’elle méritait. Vous n’ignorez pas que la volonté du peuple somalien a été ignorée par rapport aux chefs de guerre. Vous avez supporté tout cela et nous également.

(…)

Je suis celui qui avait volontairement déclaré à New York en septembre de l’année dernière que les chefs de guerre n’ont pas de solution pour la Somalie. Douze conférences ont été organisées pour eux pour aboutir à une solution. En vain. Je suis celui qui avait dit qu’il est impossible de dompter le peuple somalien avec la force et des fusils, mais uniquement avec la conciliation des cœurs.

On a dit : « Il parle de la lune ou quoi ? Il se croit

où ? Il compte sur qui ? » J’ai dit cela, car j’avais entièrement confiance en vous.

La salle se leva et cria (Allahu Akbar, Allahu Akbar, Allahu Akbar).

Le temps est venu. Il ne reste que deux ou trois semaines du mois de septembre. Si Dieu le veut, l’on nous attend là-bas. L’on attend de notre part des informations. L’on me dira « tu as menti ou tu as dit la vérité». Et cela dépend de vous !

Ce que je vous demande, c’est une miséricorde de votre part, je vous demande une aide, un appui. Nous pouvons redresser ce pays, je vous en supplie aidez-moi à le redresser.

Toute la salle se lève en pleurs et entame l’hymne national somalien (Soomaaliyey too soo, toosoo isku tiirsada …)

En dernier lieu, je sollicite de votre part que nous tenions la première réunion du parlement somalien, grâce à Dieu, le dimanche prochain. Je vous en supplie.

D’ici à ce jour terminons les travaux restants et ceux en cours. Mes frères, je vous demande que nous concrétisions ce dimanche le parlement si Dieu le veut.

Vive la Somalie. Vive le peuple somalien. Qu’il réussisse. Gloire à Dieu. »

Ce discours secoua fortement les Somaliens, du moins ceux qui étaient à Arta et assistaient à la cérémonie sous la tente. Ce jour-là, l’émotion engendrée était telle que de nombreux délégués pleurèrent. Il parait aussi, je ne l’ai pas vu, mais que le président de la république avait également versé quelques larmes. Naturellement, les artistes et les poètes étaient les plus touchés par cette émotion. Ils avaient improvisé des vers et avaient organisé des marches spontanées à travers les rues d’Arta. Ils étaient suivis par les habitants d’Arta, en pleurs. Abdi Tahliil, Sanka, Sangub, Baxsan, Marwo, etc. (que Dieu accueille dans son paradis ceux ou celles qui sont décédés) chantaient à tue-tête et en pleurant. C’était extrêmement émouvant.

« Miyaa Alle laga baqayn

Miyaydaan ummad ahayn

Miya aqliyada fakira

Ilaahay idin baa siin »

« Ne craignez-vous pas Dieu ?

N’êtes-vous pas un peuple ?

Est-ce qu’une intelligence

Dieu ne vous a pas fournie ? »

Autre refrain

“Danyar baahanoo, diif qabta na sugi

Dal dhan iyo dadkiis dumay baa na sugi

Dawlado aan dhisnee dan shaqsiyaad ka baxa

Ismaaciil daraad hiilku dalbadey

Miyaan diir damqada dareenku idiin siin ?

Dawlado aan dhisnee dan shaqsiyaad ka baxa

Hoboladii dalkoo daacadaan nahee

Diyaar waxaan u nahay dawlad iyo heshiis”

Des besogneux nécessiteux et blessés nous attendent

Tout un pays et son peuple effondrés nous attendent

Abandonnons les intérêts particuliers et bâtissons un Etat

Ismaïl, hier, l’aide qu’il a sollicité

N’avez-vous aucune compassion et des frissons ?

Abandonnons les intérêts particuliers et bâtissons un Etat

Nous sommes les poètes sincères de la nation

Et sommes avides d’un Etat et d’une réconciliation

On dit que les poètes sont la voix du peuple. Ce jour-là, le peuple éprouvait une grande émotion et l’exprimait en pleurant en public, en marchant dans les rues d’Arta. Les filles d’Arta mettaient leurs voiles sur leurs visages pour camoufler leurs larmes. Toute la ville pleurait avec le peuple somali. L’émotion avait servi à désamorcer les velléités des délégués qui bloquaient le processus. Leurs revendications parurent désuètes devant les véritables enjeux de la conférence. Plus personne ne prêtait l’oreille à leurs doléances partisanes. Au contraire, ils ou elles apparaissaient comme nageant à contre sens, comme éléments perturbants et nuisibles. Cela leur a suffi pour rejoindre la majorité et œuvrer pour l’objectif commun.

Dans la semaine qui suivit l’intervention du président, la plupart des chefs coutumiers avaient remis leurs listes de parlementaires aux responsables des délégués. Le parlement somalien était en place et pouvait tenir sa première réunion.

Enfin ! Et Enfin ! Gloire à Dieu. Tous les sacrifices des délégués somaliens n’avaient pas été vains. Tous les supplices des habitants d’Arta n’avaient pas été inutiles non plus. Tous les efforts des Djiboutiens n’étaient pas perdus. Tous les espoirs des Somaliens de la planète ne s’étaient pas écroulés. Tout le travail du gouvernement djiboutien n’était pas illusoire. Et par-dessus tout, toute l’implication au plus haut niveau du président de la république pour la réussite de ce processus avait bel et bien porté ses fruits. Le parlement de la république de Somalie était constitué et allait avoir sa première réunion très prochainement.

Depuis 1991, à la suite de l’effondrement de la Somalie, cet organe avait totalement disparu. Après plus d’une décennie de tragédies et de souffrances en tout genre, le parlement somalien était réapparu par la grâce de Dieu et par les efforts téméraires de la république de Djibouti et de son brave et courageux président Ismaïl Omar Guelleh. Ces adjectifs ne sont pas à la hauteur de ce que ressentent mon cœur et les cœurs de beaucoup de Somaliens et de Djiboutiens. Malheureusement je n’ai pas de mots adéquats pour exprimer ce que des millions de personnes ressentent. Le président avait extrait la Somalie d’un gouffre ou d’un abysse indescriptible par sa profondeur et par sa frayeur.

Des grands et puissants pays n’avaient pas réussi cela en dix ans. Lui et son minuscule pays l’avaient fait. Comme David contre Goliath. Il avait réussi là où cela paraissait perdu d’avance, impossible. On ne peut pas parler de courage et de bravoure. C’était autre chose de plus puissant, de plus fort, de plus profond. C’était providentiel, divin. Ce genre de réussite est souvent au-dessus du courage et de la bravoure. Dans la langue somalienne, cela est décrit comme la proximité de Dieu. Le courage et la bravoure véritable sont auprès de Dieu le Tout-Puissant. Calool adayg waa Ilaahay wehelkii comme le dit si bien le proverbe somali. La première réunion officielle du parlement de la république de Somalie allait avoir lieu à Arta ce dimanche 20 août avec le président de la république de Djibouti. C’était un jour de gloire, un jour de chant, un jour de rire et de larmes de joie. On n’y croyait pas. On y croyait plus. Et voilà ! La république de Somalie était bien là. Dieu merci. Tout Arta s’était habillé en tenues traditionnelles et chantaient et dansaient à en perdre le souffle. La majorité des Somaliens, les femmes, les filles, les enfants, les imams, les chefs coutumiers pleuraient de joie dans tous les villages et villes de Somalie. Le peuple qui avait souffert autant d’années ne pouvaient plus retenir ses larmes de joie. Enfin, Allah avait entendu leurs pleurs et avait mis fin à leur supplice. « Gloire à Allah » criaient les Somaliens partout en Somalie et dans toutes les villes de la diaspora. Allah est grand. À Arta, l’épicentre de tout cela, la joie se lisait sur le sol, sur les arbustes et sur tous les visages. Des réunions se préparaient dans tout Arta, entre notables, commerçants et administrateurs de Arta, sur comment célébrer cette réussite miraculeuse. C’était le jour le plus beau pour nous tous. Notre joie et notre satisfaction était sans commune mesure. Nous avions obtenu ce que tout notre être, notre âme et tous les atomes de notre corps voulaient.

C’était une sensation indescriptible. C’était comme si nous étions au paradis. Nous chérissions tous, au plus profond de nous-même notre président qui nous avait permis de connaitre ce succès. Lui qui s’était battu contre vents et marées pour nous permettre de vivre ce moment de gloire et de délivrance pour tout le peuple somalien. (…)

Le dimanche 20 août, tous les habitants d’Arta s’étaient retrouvés à la grande place devant la tente de la paix. Ils attendaient avec des fleurs et des feuilles vertes l’arrivée du président Ismaïl Omar Guelleh. L’homme qui avait fait bouger la planète, qui avait donné autant de fierté au peuple djiboutien, autant d’espoir au peuple somalien et autant de renommée aux habitants d’Arta allait arriver. Tout le monde s’agitait et dansait de joie.

Les artistes et poètes somaliens s’étaient improvisés en animateurs de rues et chantaient devant la foule. Les techniciens de la RTD tiraient des câbles un peu partout pour sonoriser ces concerts des artistes somaliens. C’était la fête sur la montagne Ougoul. La fête de l’espoir et de la délivrance pour tout un peuple qui avait souffert durant des années interminables. À travers toute la planète, partout où la diaspora somalienne était présente, c’était la fête et la joie.

Les notables et les administrateurs d’Arta avaient prévu une grande réception pour le parlement de la République de Somalie. Wanqasha Guusha était le nom donné à cette collation, c’est-à-dire le festin de la victoire. Des dizaines de petites tentes étaient installés par l’armée tout autour de la grande place. Des jeunes d’Arta, accompagnés de militaires s’agitaient pour installer des tables et des chaises. Un déjeuner grandiose, à la hauteur de la cérémonie était prévu pour le parlement somalien.

C’était dans cette ambiance extraordinairement lumineuse que débarquât le convoi présidentiel sous les cris et les hurlements de joie de la foule. Cela me fit penser aux cris immenses de joie le 04 février 1999, le jour du choix d’Ismaïl Omar Guelleh comme candidat RPP. Décidément, il y avait quelque chose de surnaturel avec ce Président.

Vêtu d’une tenue claire et accompagné de la première dame Kadra Mohamoud Haid et de ses ministres, il apparut telle une tempête. Tout s’agita et se mit à remuer. Les arbres, les tentes, les militaires, les civils, les Djiboutiens, les Somaliens se mirent à bouger de joie. Les mots ne me suffisent pas pour décrire ce que j’avais vu.

(…) Le responsable des délégués, monsieur Hassan Abchir prit la parole et déclara solennellement que la conférence de paix d’Arta avait bel et bien porté ses fruits.

« C’est un honneur pour moi, président du processus de paix qui se déroule durant plus de cinq mois à Arta en République de Djibouti, d’annoncer que nos travaux ont été couronnés de succès. Monsieur le président, les personnes qui sont assises devant vous sont les membres du parlement somalien. (…)

Monsieur le président, les louanges reviennent à Dieu et ensuite les remerciements à vous. Nous avons pour vous une estime et une reconnaissance immense, qui n’a pas de pareil ailleurs et qui nous accompagnera de générations en générations tant que nous vivrons »