Chaque grande ville du monde a son vieux marché, son bazar ou son Zouk qui a une valeur historique pour ses habitants. Pour nous, Rue des Mouches constitue un patrimoine national au même titre que la place du 27 Juin, la place Mohamoud Harbi et tous les autres lieux historiques.
Aujourd’hui, on va revenir sur l’histoire de ce Zouk que tout djiboutien a au moins une fois dans sa vie s’y est rendu pour acheter un objet quelconque. Un Zouk qui s’est agrandi depuis les années 80 en occupant une ruelle du Quartier 1. Un Zouk ou également ses boutiques se sont diversifiées au fil des années.
La Rue des Mouches a vu le jour au début des années 30 à une époque où la place Mohamoud Harbi (Place Rimbaud à l’époque) était un centre névralgique de la ville pour le petit peuple. Au Sud Est de cette place, c’est-à-dire à l’entrée de la Rue des Mouches à partir de ladite place, s’étaient installées les premières échoppes et vendeurs à l’étalage. Les premiers qui ont ouvert le bal de cet endroit avaient été les vendeurs de graines sèches, les vendeurs de dattes, les vendeurs des produits maraichers de l’oued d’Ambouli . On retrouve parmi ces pionniers de ce Zouk , Salman Algabi , le fameux Abdallah Abdo et entre autres Chebani et tous les autres commerçants issus de la communauté arabe de la ville bénie.
Après une période de baisse des activités de 1939 à 1946, la Rue des Mouches gagne encore plus de ferveur commerciale et voient dès les années 1950, d’autres commerçants arrivés en diversifiant la gamme des produits vendus. Ainsi, elle s’élargit en occupant de plus en plus toutes les maisons riveraines du Boulevard 6, l’adresse municipale de cette célèbre rue marchande.
Cette époque voit aussi l’arrivée des commerçants issus de la communauté somali ouvrir des boutiques et des épiceries. On retrouve parmi eux Mohamoud plus connu sous le sobriquet «Intifah » ( le solidaire) , Ismail Adow et Arbodeh. Par-delà, cette nouvelle mixité s’ajoute des nouveautés. Il faut savoir que l’évolution de la vie commerciale de ce Zouk était in-fine liée à la vie économique du pays, surtout au pouvoir d’achat des citadins. C’était à la fin de la seconde guerre mondiale ou la ville de Djibouti en a souffert puisque son sort était intimement attaché à la situation des Dom-Tom. L’épisode du « Karmi’i » a ostensiblement marqué ce Zouk en particulier et aux djiboutois en général. Une période où la ville a été sous embargo anglais. Après cette parenthèse, la Rue des Mouches reprit des couleurs et une floraison d’échoppes et des étalages marchandes se multiplient jusqu’à relier la place Rimbaud à l’avenue 13 (Actuelle avenue Cheikh Houmed).
Petit à petit, elle deviendra une place marchande renommée et connue dans toute la sous-région. Des tailleurs, des cordonniers, un réparateur de radio, des vendeurs à la sauvette de sucré-salé, des vendeuses de beurre nomade, des fripiers et des parfumeries ont occupés la célèbre rue devenue par la force des choses, une rue piétonne. Or, pour la traverser, il vous faut se faufiler dans une foule de clients et de marchands.
Aux faites, le saviez-vous, d’où lui vient son nom ? Comme vous l’avez remarqué au début de cet article, l’une des premières échoppes était celle du vendeur de datte. Ainsi, les habitants du quartier l’ont surnommé « Souk al Doubab » littéralement Rue des Mouches. Comme le dit un adage somali « Magac been kumabaxo » ou un surnom n’est guère donné par mensonge.
En outre, la rue des Mouches constitue une étape incontournable pour les touristes de passage à Djibouti. Elle est l’une des grandes attractions de la vieille ville. Dès que vous y mettez les pieds, la senteur et les odeurs orientales et celles des produits du terroir vous enveloppent. Les jasmins cueillis dans les jardins d’Ambouli , l’encens , les épices d’orient et les senteurs des produits nomades comme le beurre , vous enivrent en s’attachant à jamais dans votre subconscient. C’est pour cela, que la Rue des Mouches reste de loin, le lieu le plus cité dans les récits des touristes et des étrangers de passage à travers leurs souvenirs dans des blogs personnels ou dans des ouvrages édités.
La rue des Mouches a été utilisée dans des décors de cinéma pour des films tournés à Djibouti ou encore dans des récits et poèmes d’écrivains ou poètes de renom.
Bref, Rue des Mouches reste une icone de la ville et un patrimoine qui nécessite d’être classé au niveau mondial.
M.G