Le chef de notre chancellerie diplomatique à Washington et représentant permanent auprès de l’Organisation des Nations Unies, Mohamed-Siad Doualeh Warsama, a commémoré avec ses pairs la journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie de la paix, mercredi 24 avril dernier au siège de l’ONU à New-York, aux Etats-Unis d’Amérique. L’occasion pour le diplomate djiboutien d’exprimer la position de notre jeune République sur le multilatéralisme. Il a ainsi plaidé en faveur d’un multilatéralismeconstruit qui prenne en compte l’intérêt de tous, développés et moins développés !
De prime abord, Djibouti vous exprime sa profonde gratitude pour l’organisation de la réunion inaugurale de haut niveau de l’Assemblée Générale pour commémorer et promouvoir la journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie pour la paix. Cet événement constitue une occasion pour célébrer les nombreuses réalisations des Nations Unies et réaffirmer la centralité d ‘un ordre international basé sur des règles et qui nous a permis de prévenir des guerres et des atrocités à grande échelle.
Avec succès, les Etats ainsi réunis ont patiemment construit une architecture de la coopération internationale autour de grandes conventions internationales, universelles ou quasi universelles. Au premier rang de ces conventions figure bien sûr ; la Charte des Nations Unies signée à San-Francisco le 26 Juin 1945.
Ce document fondamental, a non seulement créé une institution qui va bientôt célébrer son 75ème anniversaire, mais codifié également les règles de la paix et de la sécurité internationale.
Le système de gouvernance internationale, basé sur des normes claires et définies, a constitué un rempart contre le désordre et l’incertitude.
Cependant, il convient de souligner que le multilatéralisme, tel qu’on le connait, est mis en crise et subit des assauts qui rendent pressante la nécessité d’un débat de fond sur les causes de cette remise en question.
Les tensions qui en résultent ont conduit à la paralysie des négociations (e.g. la Conférence de Désarmement) ou dans certains cas lorsqu’elles aboutissent sur un accord, l’on a observé des retraits en citant de nombreuses raisons y compris des failles et des manquements dans la mise en œuvre. Si l’on se félicite de la production de normes grâce à la coopération multilatérale, le manque de suivi et l’insuffisance dans la mise en œuvre est un des thèmes récurrents dans la littérature critique à l’égard des Nations Unies.
Le débat aujourd’hui nous permet de poursuivre un exercice réflexif entamé lors du dialogue de Haut Niveau sur le « Renouvellement du Multilatéralisme » tenue le 31 Octobre 2018. Les contours de ces questions ont été cernés et une esquisse de solutions possibles proposées. Cette réunion conduite par les six organes principaux des Nations Unies a donné lieu à une évaluation sans abandon ni échappatoire des difficultés auxquelles nous faisons face. Nous n’y reviendrons donc pas!
Cependant, nous souhaiterions souligner avec emphase l’urgence pour les Nations Unies de démontrer son efficacité et sa pertinence dans un monde qui traverse des bouleversements majeurs.
Des questions surgissent ! Qu’ont fait les Nations Unies pour prévenir les attaques terroristes survenues dans deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande ?
Qu’ont fait les Nations Unies pour prévenir les attaques terroristes coordonnées qui ont frappé il y a trois jours des églises et des hôtels au Sri Lanka?
Au-delà des messages de sympathie et de solidarité et tout en reconnaissant la responsabilité première des Etats dans la lutte contre le terrorisme, il est légitime de s’interroger sur l’efficacité du cadre de coopération internationale pour lutter contre la radicalisation de groupes terroristes qui recrutent en utilisant les plateformes technologiques modernes et amplificatrices qu’offrent aujourd’hui les réseaux sociaux.
Quelle stratégie d’action les Nations Unies prévoient de déployer face à la nature changeante du conflit en Afrique ?
Les acteurs imprégnés de l’idéologie jihadiste s’allient avec des groupes organisés du crime transnational organisé entrainant ainsi un phénomène de mutation avec des conséquences dévastatrices pour la paix et la sécurité internationale. Brigands et militants jihadistes comme le souligne Jean-François Gayraud, « qui hier vivaient séparés dans les espaces et logiques différents sont précipités (au sens chimique) sur la même scène violente et prédatrice ». Cela n’est pas sans conséquences sur les outils diplomatiques au service de la paix dont nous disposons.
Nous devons les affiner, nous devons les adapter !
L’ONU, qui est comme le disent les observateurs à la fois « un baromètre et un miroir des relations internationales », doit communiquer mieux sur les succès que son action a permis jusque-là d’enregistrer mais elle a également besoin d’obtenir de résultats visibles et tangibles dans les domaines prioritaires de la paix et de la sécurité, du développement, des droits de l’homme.
Elle doit s’atteler avec un sentiment d’urgence à résoudre les conflits, certains prolongés mais d’autres plus récents et potentiellement déstabilisateurs sur le plan régional et posant un péril majeur pour la paix et la sécurité internationale.
Les opérations de maintien de la paix doivent permettre une sortie de crise définitive des conflits en soutien à un processus politique qui créé un environnement propice à la restauration d’un ordre politique stable et la reconstruction économique.
L’Agenda 2030 pour le Développement, qui est un plan ambitieux et potentiellement transformateur, doit pouvoir bénéficier du niveau du financement requis grâce à la mobilisation de tous les acteurs et de tous les moyens y compris les mécanismes innovants de financement! Les flux additionnels nécessaires pour financer les besoins en infrastructures pour les pays en développement, s’élèvent selon les estimations de la CNUCED à un minimum de 2.5 trillions USD/an. Les données statistiques actuelles démontrent que si la tendance persiste, le risque est grand que nous n’atteignions pas les objectifs de financement que nous nous sommes assignés d’ici la date-cible de 2030.
Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les perspectives économiques mondiales confirment les craintes d’un horizon assombri en raison d’une baisse de la production industrielle, baisse des investissements et la menace réelle d’une escalade dans les conflits commerciaux.
Des conditions climatiques extrêmes que l’on observe viennent compliquer davantage un environnement difficile et pourraient avoir un impact désastreux sur les prix des denrées alimentaires au niveau mondial.
L’Accord de Paris, qui souligne le retour d’une ambition internationale sans précédent en faveur du climat, doit permettre de manière concrète de renforcer les capacités d’adaptation et de résilience face aux changements climatiques et la mise en œuvre de flux financiers adaptés à ces objectifs.
Il faut tout mettre en œuvre afin que les discussions sur le multilatéralisme ne soient prises dans les rets d’un schéma de rivalité et de controverses.
Plus que la dimension polémique, c’est la dimension heuristique de l’exercice auquel nous nous livrons aujourd‘hui qui doit nous intéresser. Pour cela, il nous faut interroger dans un même élan le vote et le veto.
Nos discussions au sein de cet organe délibératif principal doivent privilégier la recherche du dialogue et d’un consensus entre Etats de manière à ce que tout en évitant la paralysie, nous restaurions la confiance entre Etats.
Non au dialogue qui renforce le malentendu mais oui au dialogue ouvert, tout entier dirigé vers des solutions créatrices, un dialogue qui vise à la formation de coalitions sûres et crédibles.
Nous sommes des partisans fervents d’un multilatéralisme construit qui prenne en compte l’intérêt de tous, développés et moins développés !
C’est pour cela que nous attachons la plus grande importance aux débats sur la revitalisation des travaux de l’Assemblée Générale et bien sûr la réforme du Conseil de sécurité.
Permettez-moi de souligner que le multilinguisme fait partie intégrale du multilatéralisme. Un dialogue réel entre Etats suppose la prise en compte de cette nécessité.
Le multilatéralisme fait face à de multiples défis. Il connait une multitude de problèmes complexes qu’il nous faut patiemment, avec méthode et persévérance surmonter.
Non au renoncement ! Oui à un recommencement qui, au-delà du constat et de la profession de foi, aboutira à un renouvellement de l’engagement de tous en faveur d’un multilatéralisme constructif au service de l’humanité !