Le ministre du Budget, Abdoulkarim Aden Cher, a représenté notre pays du 13 au 16 novembre dernier à Tanger, au Maroc, au Forum International MEDays 2019. Organisé par l’Institut Amadeus, cet évènement orienté vers les pays du Sud et la coopération a porté sur la thématique principale : «Crise globale de confiance : faire face aux incertitudes et à la subversion».

Réunissant plus de 150 intervenants de renommée mondiale, parmi lesquels plusieurs chefs d’Etats, chefs de gouvernements, Prix Nobel, ministres et experts internationaux ont pris par à la 12e édition du Forum international MEDays de Tanger.

Quatre jours de débats, de réflexions et d’échanges sur les questions prioritaires de l’actualité internationale et d’enjeux géopolitiques du moment qui ont été décortiqués par les 4 500 participants et opérateurs économiques venus de plus de 80 pays.

Dans la troisième journée du Forum, le ministre Abdoulkarim Aden Cher a participé à un panel de haut niveau avant de faire un discours plein de sens. C’est de cette importante allocution que nous tirons substance pour réaliser la présente tribune.

((Nous évoluons aujourd’hui dans un environnement où les risques de toutes natures qui pèsent sur nous sont d’ampleur croissante. Des risques liés aux tensions géopolitiques, aux changements climatiques, aux révolutions scientifiques et technologiques ou encore aux revendications sociales et idéologiques. Des risques, souvent interconnectés, directement ou indirectement, transcendant les frontières et qui font de chacun de nous et chacune de nos nations une proie et une cible potentielle.

Si pour certains, ces risques constituent les signes annonciateurs d’un nouvel ordre mondial et d’une nouvelle ère avec sa propre grille de lecture, il n’en demeure pas moins, pour l’heure, autant de facteurs sources de frustrations, d’insécurités et d’instabilités qui convulsionnent notre planète.

Les peuples perdent leurs repères. Ils ne croient plus en leurs élites politiques et ne leur font plus confiance. Les extrémistes y trouvent un terrain favorable. Le repli sur soi et le rejet de l’autre deviennent chose commune, donnant ainsi l’opportunité à certains de surfer sur cette vague pour leurs intérêts personnels.

Les grands ensembles se disloquent et des murs s’érigent pour freiner la libre circulation. Les ressources de la planète sont exploitées de façon anarchique et inéquitable sans considération aucune des répercussions de cette exploitation sur l’environnement naturel et humain. Les gouvernements se trouvent contraints de gérer l’urgence au détriment des grands projets de société.

Face à cette crise de confiance générale et ambiante, une appréhension commune des défis de notre réalité pour une meilleure convergence de nos actions s’impose. Un meilleur cadre de coopération et une plus grande solidarité entre les nations pour une plus forte résilience de notre société s’avère indispensable. Une nouvelle méthode de gouvernance qui s’émancipe de ces contradictions et puisse redonner confiance à nos peuples s’avère plus que nécessaire.

Je saisie cette opportunité qui m’est offerte pour vous présenter rapidement les performances macroéconomiques de mon pays et les défis de la croissance économique inclusive auquel il aspire.

La république de Djibouti continue de connaitre une embellie économique ainsi qu’une stabilité́ socio-politique dans une région malencontreusement connue pour sa tourmente. Le taux de croissance de l’économie  nationale enregistre  une évolution ascendante, passant progressivement de 4,5 en 2011 à  7% en 2019, avec une perspective plus vigoureuse d’environ 8% en 2020. Une inflation maîtrisée autour de 2 à 3% sur la même période et des investissements publics importants surtout dans les infrastructures portuaires ; de corridors routiers et ferrés internationaux, de télécommunication et de zones franches d’envergure et qui, conjuguée avec le contexte géostratégique et la conjonction des facteurs favorables, renforce la position de Djibouti comme un hub économico-commercial de premier plan dans la Corne de l’Afrique.

Djibouti a entrepris d’importantes réformes structurelles pour assurer la diversification de son économie qui est dominée par le secteur tertiaire  et accroître ainsi l’employabilité. Pour pérenniser les acquis et réussir la transformation de Djibouti en une économie moderne, performante et compétitive, il nous faut élargir le champ de nos investissements et l’éventail des partenaires. L’élaboration d’un cadre juridique et institutionnel de partenariat public-privé s’inscrit bien dans la diversification des ressources de financement des investissements avec une place prépondérante aux capitaux et expertises privés. Ceci pour assurer le développement des infrastructures et le renforcement des services publics sans endettement.

Grâce à ce paradigme, nous serons en mesure de maîtriser mieux l’enjeu de la diversification de notre économie et la primauté du secteur privé dans l’activité économique.

Faire passer Djibouti au statut de pays émergent à̀ l’horizon 2035

L’objectif du gouvernement, à long terme, est de faire passer Djibouti au statut de pays émergent à l’horizon 2035 et, à court terme, le gouvernement, à travers la Stratégie de Croissance Accélérée pour l’Emploi, ambitionne de relever le défi de l’accélération de la croissance inclusive. Le gouvernement est conscient qu’un des facteurs clés pour atteindre ces objectifs passe inéluctablement par la formulation et la consolidation d’une politique nationale vigoureuse d’amélioration du climat des affaires et de promotion des investissements privés. Ceci pour optimiser et transformer en avantages comparatifs ses atouts.

En effet, la république de Djibouti se caractérise par la convergence d’atouts naturels, dont sa position géostratégique et un cadre juridique et règlementaire favorables aux affaires.  C’est un Etat de droit qui assure la sécurité juridique des acteurs de la vie politique et économique. La bonne gouvernance, la transparence et l’efficacité sont des réalités tangibles dans les affaires publiques et privées. Djibouti a fait l’objet de deux évaluations par les pairs africains. Les options politiques et économiques de Djibouti sont clairement affirmées, notamment la libre concurrence, la protection des propriétés privées industrielles, commerciales et intellectuelles et l’intégration régionale et continentale.

Le pays s’est doté d’un document stratégique de Vision 2035 qui constitue un cap rétrospectif de planification. Cette vision 2035 est bâtie sur un cadre macroéconomique qui prévoit une croissance économique moyenne de 7 à 8% sur le court et moyen terme. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette vision, le gouvernement entend mobiliser aussi bien des ressources internes que des ressources extérieures dont celles du secteur privé local et étranger. Notre ambition est le développement d’une économie compétitive, seule en mesure d’assurer l’éclosion et le développement d’entreprises viables créatrices d’emplois durables et de richesses.

A cet effet, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour rendre le climat des affaires attrayant. Parmi ces mesures on notera : l’octroi d’avantages fiscaux en phase de réalisation et d’exploitation des investissements, l’adoption d’un code de travail souple autorisant la flexibilité et la liberté d’embauche, la création d’un cadre de dialogue public – privé,  la possibilité de recours à l’arbitrage du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) en cas de litige, la liberté de transfert de revenus provenant des capitaux investis, l’adhésion à l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (MIGA), le libre accès aux marchés publics, la transparence dans les procédures d’attribution des marchés.

Djibouti, un Etat de droit qui assure la sécurité juridique des acteurs de la vie politique et économique

Il y a également l’adoption d’un cadre légal pour le partenariat public-privé qui donne la possibilité aux investisseurs de faire des offres spontanées de projets en partenariat public – privé. La stratégie de notre gouvernement d’amélioration du climat des affaires et des investissements est cristallisée par   l’opérationnalisation du Guichet Unique intégral pour la réduction des formalités, des délais et des coûts de création et d’essor des entreprises. Ce processus de reforme a valu à Djibouti son classement parmi les meilleurs pays réformateurs du monde consécutivement sur les trois dernières éditions du Rapport Doing Business avec un bond de plus de 50 places.

Conséquemment, le pays assiste à l’essor du secteur privé et à l’accroissement des flux des investissements avec son corolaire de mobilisation de capitaux, de transfert de technologies et bien d’autres valeurs ajoutées ainsi que la génération d’opportunités d’emplois.

Le gouvernement a pris plusieurs mesures pour rendre le climat des affaires attrayant

L’appartenance de Djibouti à des zones de libre échange et de traitement préférentiel (COMESA, Accord Union-Européenne-Afrique-Caraïbes, Américain Growth Opportunity for Africa) ouvre des grandes perspectives de marchés.

En outre, les projets d’investissement dans notre pays sont éligibles au financement et autres facilités d’institutions spécialisées, comme la Banque Islamique de Développement, la Banque Mondiale et les Fonds Arabes. Les investissements sur notre territoire bénéficient également de primes d’assurance préférentielles auprès de la Multilateral Investment Guaranty Agency (MIGA) et de l’Organisme Panarabe pour la Garantie des Investissements et des Crédits à l’Exportation. 

La confiance en soi et la foi en son pays et à ses potentialités naturelles, géostratégiques et humaines

La nouvelle donne dans le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Érythrée, Djibouti, l’Éthiopie et la Somalie pourrait laisser entrevoir une accalmie sur le front des conflits dans la région.

Par ailleurs, les effets du changement climatique constituent une réelle menace pour les pays de la Corne d’Afrique dont Djibouti, qui y sont fortement exposés. Ils se matérialisent souvent par une sécheresse étendue qui impacte négativement les ressources agricoles et en eau et affaiblit ainsi les communautés rurales. Djibouti a mis en œuvre différents plans et politiques sectorielles sur l’adaptation au changement climatique et le renforcement de la résilience.

De multiples projets d’atténuations et d’adaptation ont ainsi été entrepris pour marquer la transition énergétique comme :

. Le projet d’interconnexion électrique avec l’Éthiopie qui a aidé à la réduction drastique des émissions de CO2 du pays.

. Les projets d’énergie renouvelables tels que la géothermie, l’éolienne et le solaire qui contribuent également à cet objectif.

. Le projet d’usine de dessalement alimentée par énergies renouvelables à Djibouti et l’adduction d’eau entre Djibouti et l’Éthiopie.

Enfin, je ne saurais conclure mon intervention sans rappeler que notre continent a besoin d’une réelle émancipation de notre part vis à vis des contradictions de notre environnement actuel, mais aussi la confiance en soi et la foi en son pays et à ses potentialités naturelles, géostratégiques et humaines.))