Je voudrais remercier le chef de l’état pour la création de cet outil de gestion économique et financière moderne et de m’avoir nommé à la tête de son Conseil d’Administration.
Le FSD est un fonds souverain, instrument de gestion et d’investissement très répandu dans le monde. Beaucoup de pays ont adopté et réussi à faire des progrès considérables dans leur développement notamment les Emirats Arabes Unis avec Mubadala, Singapour avec Temasek et la Malaisie avec Khazanah. De plus en plus des pays africains ont aujourd’hui des projets de création de Fonds Souverain.
En Afrique, Djibouti est l’un des premiers à se doter de ce nouveau type d’instrument de financement du développement économique. Je souhaite expliquer notre réflexion stratégique et répondre aux questions que se posent le public djiboutien et surtout comment le fond va-t-il concrètement soutenir le développement de Djibouti ?
Le FSD répond avant tout à un objectif d’accélération du développement. C’est sa raison d’être. Le Fonds n’est pas un « capital risqueur ». C’est un outil de création de richesses nationales.
Cette initiative répond au besoin d’impulser une nouvelle phase de l’émergence économique national en se dotant d’un instrument d’action efficace et souple, mobilisateur de moyens, armé de réelles capacités d’investissement.
Un outil de croissance et de transformation qui mise sur les partenariats nationaux et internationaux ainsi que sur les forces du secteur privé.
Dans ce cadre, le premier objectif du FSD est la mise en œuvre de la vision 2035, en investissant ou en co-investissant dans des projets stratégiques porteurs d’une « réelle plus-value » pour le pays.
Le FSD participera aussi à la modernisation des entreprises publiques nationales en vue d’en améliorer la rentabilité et la productivité. Ces entreprises publiques font partie de la richesse nationale. Djibouti a su garder dans le domaine public la plupart des entreprises stratégiques.
C’est un exemple rare de souveraineté en Afrique et j’en suis fier. Il s’agit maintenant d’en accentuer la rentabilité, et de maximiser leurs opportunités de croissance afin de les voir participer davantage au développement national.
Investir et co-investir : avec quels moyens ? Quels « fonds » justement ?
Le FSD fonctionnera à l’image d’autres fonds souverains qui ont fait leur preuve dans le monde, en particulier le modèle singapourien. Il s’agit de « mutualiser » les actifs et les ressources de certaines entreprises stratégiques nationales afin de pouvoir mobiliser des ressources complémentaires venant de partenaires extérieurs (effet de levier). L’idée est également « d’épargner » sur les flux de revenus récurrents issus des activités stratégiques de la république pour les affecter à la création de richesse à long terme. Il s’agit principalement des flux suivants :
1- Une fraction de revenus de contrats de coopération militaire perçus par l’État ;
2- de prélèvements effectués dans le cadre des ports et des zones franches,
3- de redevance portant sur la réalisation et l’exploitation du gazoduc Éthiopie-Djibouti.
Les fonds souverains sont censés investir le «surplus », la marge nette de l’activité économique d’un pays. Djibouti n’a pas de surplus. Par contre le pays a d’immenses besoins sociaux (éducation, formation, emploi, lutte contre la pauvreté, etc.). En quoi le Fonds va-t-il permettre de répondre à ces urgences ?
Djibouti n’est pas démuni. Un travail important a été effectué depuis deux décennies, le pays possède des actifs significatifs. Ces actifs doivent être gérés de façon optimale pour en augmenter la capacité de génération de revenues et donc, in fine, la contribution aux ressources de l’État.
Le FSD participe à un nouveau paradigme ou modèle de développement. Nous ne sommes pas à la recherche de crédits ou d’aide pour répondre à nos exigences de développement. Nous sommes à la recherche de ressources intérieures complémentaires qui doivent être issues de revenus d’investissement, de partenariats gagnant/gagnant, qui garantisse la pérennité de notre croissance, de création de valeur et d’activités qui tire un bénéfice maximum de notre position stratégique. Tout cela ouvre des champs de possibilités nouvelles pour structurer et financer notre plan stratégique et nos ambitions de long terme
L’objectif du Fonds est justement de participer à créer de la richesse, de manière autonome, souveraine, en s’appuyant sur ces divers dimensions nouvelles et sur les ressources internes du pays. La structure permettra d’agir plus vite, de manière plus fluide pour répondre aux besoins et aux opportunités.
L’objectif principal donné au FSD est justement de dégager ces marges et ces surplus dans un horizon proche afin de nous permettre d’accentuer la capacité de l’État à répondre aux défis du développement. Mais il agira aussi, dans le court terme, par la création d’entreprises, le développement de projet et la création d’emplois. Notre croissance et notre création de richesse participeront davantage à notre objectif de développement que les méthodes anciennes et traditionnelles de croissance par l’endettement avec son impact limite sur le volet social.
C’est un instrument intergénérationnel qui rapproche les nécessités du court terme avec les exigences du long terme
Le Fonds risque-t-il d’accentuer la dette du pays ?
L’objectif est, au contraire, de créer des espaces budgétaires supplémentaires, et non d’alourdir la dette publique de l’État. Le Fonds est un investisseur de long terme, il vise à la structuration optimale de projets nationaux rentables. Ces projets seront structurés sans recourir systématiquement à la dette publique.
C’est un modèle qui a fait ses preuves et abouti, in fine, à réduire la dette publique et à augmenter les ressources de l’Etat.
Avez-vous déjà des exemples précis de projets sur lesquelles le fond va investir ou co-investir ? Quand le Fonds sera-t-il réellement opérationnel ?
Le FSD est opérationnel. Les décrets de mise en œuvre ont été signés. L’équipe est en place. L’activité démarrera en Septembre et va monter en puissance.
Nous comptons investir sur des projets à long terme entrant dans la stratégie de développement de Djibouti – Vision 2035. L’objectif consiste à investir et à co-investir dans des secteurs clé de l’économie : télécoms, nouvelles technologies, énergie, infrastructures, etc.). Il s’agit aussi de privilégier les projets qui favorisent une croissance durable et la mise en œuvre de la transition énergétique. Tous les projets phares de notre plan de développement national ayant un caractère de génération de revenu et de rentabilité pourront faire l’objet d’une analyse approfondie dans le cadre d’une réflexion plus large sur les partenariats publics privés.
En rassemblant les actifs du pays sous une même gestion ne prend-on pas le risque de les mettre en danger collectivement ?
En aucune manière, le FSD bénéficie d’un pilotage en adéquation avec la législation nationale, sous le contrôle de l’Inspection Générale D’Etat. Ce pilotage est aussi aux standards internationaux, avec l’application des règles de gouvernance édictés par les principes de Santiago qui ont permis à la plupart des grands fonds internationaux de se développer de façon significative et structurée.