À Paris, le 22 février 2022 s’est tenu le premier « Forum ministériel pour la coopération dans l’indopacifique ». La République de Djibouti a été représenté par son ministre des Affaires Étrangères, Mahmoud Ali Youssouf. L’objectif est de proposer un modèle européen de coopération dans la région, fondé essentiellement sur le multilatéralisme, la soutenabilité ou encore la règle de droit.

L’Indopacifique est un terme qui trouve ses racines dans le domaine maritime, une confluence d’intérêts sécuritaires, économiques et géopolitiques liés à une circulation libre et ouverte entre les océans Pacifique et Indien.

C’est en 2007, devant le Parlement indien que l’ex-premier ministre du Japon, Sinzo Abe, initie la stratégie d’un « espace Indopacifique libre et ouvert » basé sur le libre-échange, la liberté de navigation, et l’état de droit afin de parvenir à la prospérité et à la stabilité régionale.

Pour le Japon, l’espace indopacifique s’étend de l’Asie-Pacifique jusqu’au Moyen-Orient et l’Afrique, de l’autre côté de l’océan Indien. Toutefois l’approche tant géographique, qu’idéologique, de l’Indopacifique diffère en fonction des acteurs. Le point focal reste le détroit de Malacca, et Singapour, comme point de liaison entre l’Océan indien et l’Océan pacifique et Suez et Panama comme verrous d’accès.

D’après les chiffres du FMI, la région indopacifique c’est 40% de la richesse mondiale et plus de 50% à l’horizon 2040, trois cinquièmes de la population mondiale soit 40% de la consommation mondiale, un transit maritime de l’ordre de 90% des échanges commerciaux mondiaux, et une pierre angulaire dans les équilibres et les enjeux géopolitiques.

Djibouti est cette position stratégique débouchant sur les rives de l’océan Indien. Positionné sur le détroit de Bab-el-Mandeb, elle contrôle les liaisons avec le canal de Suez, verrou d’accès des échanges dans l’espace indopacifique. La sécurité du détroit est alors un enjeu incontournable pour le commerce maritime et Djibouti est alors au cœur des convoitises. Le pays accueille les bases française, italienne, l’unique base japonaise et chinoise outre-mer et la seule base militaire des États-Unis en Afrique.  Seul port en eau profonde de la région, Djibouti tend à optimiser sa position géostratégique. Outre la sécurité du détroit, le pays ambitionne de devenir un hub logistique commercial, et numérique incontournable de la corne de l’Afrique. En mai 2021, un rapport de la Banque mondiale et de la société américaine IHS Markit LTD a classé Djibouti comme premier port africain et  61e mondial. Le concept émergent de l’Indopacifique numérique rejoint la stratégie d’hub numérique régional de la République de Djibouti, nouvellement doté d’un ministère délégué du Numérique, de 8 câbles sous-marins, et se positionne comme le quatrième État le plus connecté du continent.

En plus de représenter un point névralgique dans la stratégie Belt and Road Initiative, l’Inde se présente comme partenaire pour assurer la sécurité du réseau dans la région de l’Afrique de l’Est et développer tant l’agriculture que le numérique à Djibouti.

Le Japon quant à lui multiplie les équipements pour la population djiboutienne à l’instar du deuxième ferry reliant la capitale aux régions. La France manifeste ses investissements par l’arrivée de ses entreprises comme Eiffage construisant une usine de dessalement à Djibouti ou encore GDF-SUEZ pour un projet lié à la Distribution de l’Électricité & Électrification Rurale. « Djibouti est apparu comme une lentille à travers laquelle la politique internationale de l’Indo-Pacifique peut être observée et analysée.

À cet égard, Djibouti est le principe organisateur de l’Indo-Pacifique et est susceptible d’assumer une importance stratégique croissante à mesure que les rivalités s’aiguisent. ».

Au carrefour de l’Asie et de l’Europe, l’État de Djibouti, «terre d’échanges et d’accueil », est un cas d’école en géopolitique où se regroupent sur son territoire les principales puissances mondiales. Le pays réussit à tirer le meilleur parti de ces présences pour construire son développement et s’ériger comme le théâtre d’exception où se retrouvent et coopèrent les plus grandes puissances de ce monde.

Zohra Mohamed Omar, chercheure au CERD

Zohra Mohamed Omar est chercheur à l’Institut d’Études Politiques et Stratégiques. Un des six laboratoires que compte le Centre d’Études et de Recherche de Djibouti. Titulaire d’un master mention bien en «Affaires internationales et Politiques de développement » à l’école des Hautes Études Internationales et Politiques à Paris où elle a soutenu un mémoire de recherche intitulé «Djibouti, le « Singapour » de demain?», elle est actuellement, en dernière année de thèse au Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques à Paris, où elle soutiendra une thèse en international relations and diplomacy. Jeune chercheur, l’année passée elle est intervenue sur l’Éthiopie à deux reprises sur les fréquences de Radio Afrique, et lors d’une visioconférence du Greater Horn Horizon Forum.