Pour rappel, l’économie de la République de Djibouti n’est pas diversifiée. L’agriculture représente 4% du PIB, l’industrie 20% et les services 75%. Or, une meilleure diversification de l’économie favoriserait la création des emplois. Afin de renforcer notre système économique et financier et avancer dans la mise en œuvre de réformes cruciales, il est possible de s’inspirer de l’exemple du modèle de développement de l’Ile Maurice.

La stratégie de développement, vision 2035, lancée en 2014, a pour but de transformer Djibouti en un pays à revenu intermédiaire et en un pôle logistique et commercial pour l’Afrique de l’Est. En outre, le gouvernement a lancé en 2015 un nouveau document de stratégie quinquennale, la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE), première déclinaison à moyen terme de la Vision Djibouti 2035. Pour atteindre leurs objectifs de développement, les autorités ont lancé un vaste programme d’investissements financé par l’emprunt extérieur. Les principaux grands projets sont réalisés ou en cours de réalisation.

Des avancées économiques majeures ont été faites. Selon la Banque Mondiale, tirée par ces investissements directs étrangers (IDE), l’économie djiboutienne a affiché une bonne croissance de l’ordre de 6,5 % par an entre 2014 et 2019.  Théoriquement, les perspectives économiques sont positives et indiquent que la croissance du PIB devrait se maintenir autour de 7 % sur la prochaine décennie grâce aux retombées de ces investissements stratégiques qui permettraient notamment de dynamiser les exportations de services.

Malheureusement, malgré une forte et assez durable croissance économique, la pauvreté et le chômage ne reculent pas de manière significative. L’explication peut être, en partie, parce que l’économie du pays ne se diversifie pas et tend à dépendre exclusivement de l’activité portuaire.

Pourtant, le pays dispose d’autres atouts économiques à développer.

D’abord, si le développement du secteur agricole peut être freiné par le climat chaud et le manque de précipitations, en revanche le potentiel du secteur de la pêche est énorme et est largement sous exploité. Avec un potentiel annuel de 45 000 tonnes/an, la production réelle est estimée à 2000 tonnes/an soit 4.4% du potentiel exploitable. Il est même possible de développer une économie marine (tourisme côtier, pêche et produits de la mer, énergies renouvelables de milieu marin). Le développement de ce secteur permettrait de créer de l’emploi, mais aussi participerait à améliorer la sécurité alimentaire alors que notre pays importe la quasi-totalité des denrées alimentaires.

Le secteur de l’élevage offre aussi des potentialités non négligeables si on s’appuie sur le savoir-faire important dans ce domaine des nomades dans les  localités rurales. La consommation de viande augmente chaque année et le besoin journalier du marché s’établit en 2019 à plus de 2000 têtes d’ovins et de caprins par jour. Le prix du kg de viande augmente régulièrement ces dernières années.

La production locale est insuffisante et ne couvre qu’une faible partie de la demande locale.

Ensuite, le développement du secteur industriel est encore très faible. Les freins sont nombreux (principalement le faible investissement, le coût exorbitant de l’énergie et la mauvaise qualité des services publics) mais pas insurmontables. Le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermie) permettra de produire de l’énergie propre et bon marché.

Dans la perspective d’un cadre d’intégration régionale poussé, les industriels du pays pourront trouver dans la Corne, des débouchés pour les produits manufacturés à condition d’être compétitif.

Enfin, le secteur du tourisme est également très peu développé à Djibouti en raison de l’absence notamment de financement. Toute l’année, le potentiel touristique du pays est énorme. Les sites sont variés et nombreux : site côtier, montagnes, écotourisme, réserves naturelles, sites historiques et géologiques.  Ce secteur pourrait permettre de créer des milliers d’emplois et accélérer le développement des régions.

Parallèlement, il faut bien sûr investir dans le capital humain, la formation. Le rôle de la formation professionnelle est important dans l’intégration des jeunes dans le marché du travail.

Le modèle de développement économique de l’Ile Maurice peut être intéressant pour Djibouti dans la mesure où les deux pays sont assez semblables du point de vue de la taille et de la population (autour d’un million d’habitants) et ne disposent que de très peu de ressources naturelles.

Il faut rappeler que jusqu’au milieu des années 80, la situation économique de l’île Maurice était difficile. L’économie du pays n’était pas diversifiée et était fondée principalement sur la monoculture du sucre.

Or, à partir des années 80, le gouvernement a mis en œuvre une stratégie de développement axée sur les investissements étrangers. La première étape fut de mettre en place des zones franches où se sont  installées des industriels du textile (pour la plupart des industriels étrangers). Ces zones franches se sont rapidement développées à tel point qu’elles sont devenues en quelques années le premier employeur de l’île devant le secteur sucrier.

Parallèlement au développement du secteur du textile, le secteur de tourisme a également prospéré. D’autres secteurs ont profité de cette évolution comme le secteur financier, le commerce ou la construction.

Pour accélérer cette transition économique, le gouvernement mauricien a mis en place des mesures d’accompagnement afin d’améliorer le climat des affaires. Par ailleurs, les institutions économiques et politiques solides du pays ont aussi contribué à la transformation économique de l’Ile.

Résultat, l’économie de l’ile Maurice est aujourd’hui diversifiée et inclusive avec des secteurs agricoles, industriels, financiers et touristiques performants (tourisme de luxe). Maurice est ainsi devenu un pays à revenu intermédiaire supérieur compétitif à l’échelle mondiale et représente un modèle de développement exemplaire. L’Ile est classée comme un pays à revenu intermédiaire supérieur par la Banque mondiale, avec un indice de développement humain élevé, et cherche à devenir un pays à revenu élevé au cours des 10 prochaines années. Selon le FMI, le PIB par habitant a atteint près de 25 000 dollars en 2019, le deuxième plus élevé d’Afrique après les Seychelles. Le taux de chômage était estimé à 6,7% en 2019 (BAD).

En essayant de faire un parallèle avec la situation qu’a connue l’île Maurice,  la République de Djibouti attire aujourd’hui des investissements étrangers. Même si des mesures similaires ont été prises à Djibouti concernant le climat des affaires, la création d’une zone franche, le développement des infrastructures, la stratégie de développement nationale et concertée des autorités de l’île Maurice peut servir d’exemple pour guider la transition économique de Djibouti vers une économie diversifiée et inclusive. Les secteurs économiques à développer en priorité pourraient être le tourisme, l’industrie (textile ?), la pêche et l’élevage. 

Également, une réforme plus globale du système de gouvernance pour améliorer l’efficacité de l’Administration conduirait vers une meilleure qualité de la prestation des services publics indispensable pour accompagner le développement économique.

Abdallah Hersi