L’Afrique se construit de jour en jour. Le 7 juillet dernier à Niamey (au Niger), les Chefs d’Etat et de Gouvernement de quelques 54 pays africains ont signé la mise en œuvre du marché commun continental (de son acronyme français la Zeclaf). De quoi s’agit-il dans les faits ? Il s’agit de booster les échanges et commerce intrafricains en abolissant les taxes douanières des produits et services made in Africa. Il s’agit aussi de prévoir une réglementation contre les concurrences déloyales ainsi que l’harmonisation entre les produits du marché commun avec ceux importés de l’extérieur. Le 33ième Sommet de l’Union africaine a été le moment idoine de soulever d’autres questions importantes comme la mise en service prochaine du passeport africain…etc. Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ismail Omar Guelleh a mis en exergue dans son allocution devant ses pairs africains qu’ « Aujourd’hui est un jour historique, car nous voilà réunis afin de célébrer le lancement officiel de la zone de libre-échange continentale qui occupe, une place de choix dans les idéaux de nos peuples et enclenche une dynamique positive pour le continent africain. »

Faut-il rappeler que depuis la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (Oua) en 1963, les pères fondateurs avaient prévu des jalons dans l’intégration africaine. Et la mise en route de la zone de libre-échange continentale constitue une étape cruciale dans la marche vers l’unité africaine. En effet, après l’institution des grands ensembles économiques genre Comesa, Sadc et Zep, il était temps de passer à la vitesse supérieure en fixant la mise en service de la Zeclaf pour le 1er juillet 2020. D’ores et déjà, ils sont 27 Etats (dont la République de Djibouti) à avoir ratifié la convention de la Zeclaf. Quels sont les avantages de cette zone de libre-échange continentale ? Laissons répondre à cette question à notre ambassadeur auprès de l’Union africaine, Son Excellence Monsieur Mohamed Idriss Farah : « (c’est) la réalisation d’une plus grande intégration économique et le renforcement de la mobilité professionnelle. » Ajoutons à cela une meilleure défense des intérêts de l’Afrique dans les grands cénacles d’affaires. En effet, l’Afrique ne partira plus en rang dispersé dans les grandes négociations économiques et fera désormais cause commune.

Il est nécessaire ici de revenir sur les grandes étapes qu’a parcourues l’idée de la Zeclaf. C’est en janvier 2012 que le projet de la zone de libre-échange à l’échelle du continent est né. Et en février 2016 s’est tenu le premier Forum des négociations à Addis Abeba (capitale de l’Ethiopie et siège de l’Union africaine). En mars 2018, quelques 44 Chefs d’Etat signent l’accord. Le 29 avril 2019, le seuil nécessaire de vingt-deux pays ayant ratifié l’accord est atteint. Enfin, le 7 juillet 2019 à Niamey, il s’agissait du lancement officiel de la zone de libre-échange continentale africaine. Maintenant, observons le volume des échanges intrafricain et avec les autres continents. Les échanges commerciaux interafricains s’élèvent à 16,6%, alors qu’au même moment les échanges entre les pays africains et l’Asie s’élevaient à 59,4%. Et le commerce avec l’Europe s’évaluait à 68,1%. Et enfin les échanges des pays d’Afrique avec les Amériques étaient estimés à 55%. Ces quelques chiffres démontrent l’extraversion de l’économie africaine avec une balance commerciale largement déficitaire.

Africa must unite ! Le cri de cœur de Kwamé Nkrumah, le premier Président du Ghana est en train de se réaliser. L’Afrique a enfin réalisé que sa balkanisation économique n’était pas dans l’intérêt de son peuple. Et le Président de la République de Djibouti a lors de cette journée mémorable du lancement de la Zeclaf à Niamey rendu un hommage appuyé et sincère au Président du Niger, Son Excellence Monsieur Mahamadou Issoufou ainsi que son équipe qui ont travaillé d’arrache-pied pour dégager un consensus à propos de cet accord. La Zeclaf a du chemin à faire ; une période de rodage de cinq à dix ans avant de donner les bons résultats escomptés, selon les spécialistes. L’Afrique s’est réveillée…

ABDI MOHAMED FARAH