A Yokohama, au Japon débute ce mercredi, la neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 9), un événement phare réunissant gouvernements, institutions internationales, acteurs privés et société civile autour du thème « Co-créer des solutions innovantes ». Dans un contexte marqué par des défis planétaires tels que le changement climatique, les inégalités et les tensions géopolitiques, cette conférence offre une plateforme stratégique pour renforcer la coopération entre l’Afrique et le Japon et bâtir un avenir durable, inclusif et résilient. Djibouti, partenaire historique de la coopération japonaise, y a porté la voix d’une Afrique déterminée à transformer ses atouts en leviers de prospérité.

Le monde traverse une période marquée par des bouleversements profonds. Le changement climatique accentue la vulnérabilité des pays en développement, les inégalités économiques persistent, tandis que les tensions géopolitiques fragilisent les équilibres régionaux. Dans ce contexte, la TICAD9 s’est imposée comme une plateforme stratégique de dialogue et d’action. Pour Tanaka Akihiko, président de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), « le temps est venu de réimaginer la coopération internationale sur la base du respect mutuel et de la co-création ».

Avec une population qui devrait représenter près d’un quart de l’humanité d’ici 2050, l’Afrique est au cœur des enjeux planétaires. Cette jeunesse abondante, considérée comme une opportunité unique, pourrait devenir le moteur de l’économie mondiale. Mais, sans investissements massifs dans l’éducation, la santé, l’emploi et l’innovation, ce potentiel risque de se transformer en source d’instabilité. La TICAD9 a donc placé la transformation du dividende démographique africain au centre de ses priorités.

Depuis le lancement de son aide publique au développement en 1954, le Japon s’est distingué par une approche singulière, axée sur le développement endogène. Plutôt que d’imposer des solutions toutes faites, la coopération japonaise mise sur l’appropriation locale et la montée en compétences des populations.

Plusieurs initiatives en cours témoignent de cette philosophie. La Coalition pour le développement du riz en Afrique (CARD), lancée lors de la TICAD IV, a permis de doubler la production rizicole sur le continent, et vise désormais les 56 millions de tonnes en 2030. De même, la méthode KAIZEN, adaptée aux réalités africaines, a amélioré la productivité dans divers secteurs, de l’industrie à l’administration publique. Autre innovation, le programme SHEP (« Smallholder Horticulture Empowerment & Promotion »), conçu pour les petits exploitants agricoles, a contribué à renforcer la sécurité alimentaire et à générer de nouveaux revenus dans de nombreux pays.

Ces programmes, autrefois dirigés par des experts japonais, sont aujourd’hui portés par des formateurs africains. Ce transfert de compétences illustre la volonté du Japon de construire un développement durable, en s’appuyant sur les talents locaux.

La TICAD9 a également mis en lumière le rôle central des jeunes entrepreneurs africains. Ils ne sont plus de simples bénéficiaires de l’aide, mais de véritables créateurs de solutions adaptées aux réalités locales. Pour accompagner cette dynamique, l’initiative NINJA (Next Innovation with Japan) a vu le jour. Elle relie les startups africaines aux investisseurs et partenaires japonais, créant un écosystème où l’innovation devient un moteur de développement partagé.

En 2025, un premier accord de don a été signé avec le Nigeria pour soutenir ces jeunes pousses. Mais le pas le plus décisif a été franchi à Yokohama, avec la présentation de la nouvelle plateforme IDEA (Impact Investing for Development of Emerging Africa). Grâce à un assouplissement législatif au Japon, la JICA est désormais en mesure de prendre davantage de risques financiers, ouvrant ainsi la voie à des investissements ambitieux dans les domaines du numérique, des énergies renouvelables et de l’agro-industrie. Cette nouvelle ère de partenariat entre capitaux publics et privés pourrait accélérer l’essor de toute une génération d’innovateurs africains.

Au-delà des financements et des projets techniques, la TICAD9 a rappelé l’importance des échanges humains et culturels. Depuis 2013, l’initiative ABE (African Business Education Initiative for Youth) a permis à près de 2 000 étudiants africains de poursuivre leurs études dans des universités japonaises, tout en effectuant des stages en entreprise.

Certains de ces anciens étudiants sont aujourd’hui des acteurs majeurs de l’innovation sur le continent. À Yokohama, la JICA a franchi une nouvelle étape en lançant le programme TOMONI Africa — qui signifie « ensemble » en japonais. Ce dispositif vise à élargir encore davantage les échanges entre jeunes africains et japonais, à travers des formations, des rencontres et des projets conjoints. Le camp de jeunesse organisé en mai dernier à Sapporo en a donné un avant-goût, réunissant des jeunes leaders des deux continents dans un esprit de collaboration et d’amitié.

Djibouti et la JICA : un partenariat de confiance depuis 25 ans

Djibouti occupe une place particulière dans cette coopération. Depuis plus de deux décennies, la JICA accompagne le pays dans des secteurs stratégiques. L’appui s’est matérialisé par la construction du pont de la Palmerai, la modernisation des axes routiers et portuaires, mais aussi par des investissements dans l’éducation, à l’image de l’ouverture en 2024 de l’école fondamentale Nitobe, symbole du programme « École pour tous ».

Dans le domaine de la santé, le Japon a soutenu la modernisation des équipements médicaux et la mise en œuvre de la méthode KAIZEN dans certains établissements. En matière de sécurité maritime, Djibouti bénéficie depuis des années d’un accompagnement technique et logistique au profit de ses Gardes-côtes. Enfin, depuis 2000, plus de 170 volontaires japonais ont partagé leur  savoir-faire dans divers domaines, allant de l’enseignement à la gestion des ressources naturelles. Cette coopération exemplaire illustre le modèle prôné par la TICAD : un partenariat basé sur le respect, l’efficacité et la recherche de résultats concrets. En misant sur la jeunesse, l’innovation et la sécurité humaine, la TICAD9 redessine les contours d’une coopération plus équilibrée, plus audacieuse et tournée vers l’avenir. Pour Djibouti, acteur stratégique de la Corne de l’Afrique, cette conférence est aussi l’occasion d’affirmer son rôle de passerelle entre l’Afrique, l’Asie et le reste du monde.