Dans la seconde partie de l’interview du ministre de la santé que nous vous livrons dans cette édition, il est question des maladies dites non transmissibles comme le diabète,  l’hypertension et le cancer qui touchent énormément de djiboutiens. Aussi il est question de la multiplication des pharmacies  dans la capitale et le besoin de réglementer ce domaine. Nous abordons aussi avec le ministre la qualité des médicaments qui conditionne la qualité des soins et enfin des états généraux de la santé un évènement inédit qui se prépare depuis quelques temps au sein de ce département.

Monsieur le ministre, les pathologies liées aux maladies dites non transmissibles (Diabète, Hypertension artérielles, troubles psychiatriques …etc.) affectent beaucoup des Djiboutiens. En ces temps de pandémie comment votre département répond aux besoins de ces patients ?

Le diabète mais aussi le cancer,  c’est ce que nous appelons nous, les maladies non transmissibles. Vous savez que nous avons un département et un  programme de lutte  contre ces maladies   Celui-ci  est sous la direction des maladies prioritaires.  Il  existe des hommes et des femmes qui y   travaillent. Nous avons au niveau des hôpitaux des diabétologues  qui travaillent au quotidien concernant   le suivi des ces patients diabétiques.  Il  y a quelques mois nous avons également ouvert un centre de prévention  mais également de  soin a PK12. C’est un centre uniquement  du ministère de la santé.  Un centre de jeunes diabétiques  avec le concours d’une ONG  française  « diabète sans frontière »  qui est  d’ailleurs venue ici a Djibouti il ya quelques mois  et dont nous avons bénéficié de son  expertise  et qui a formé  un certain nombres de personnes .    Sur le front du diabète le ministère de la santé fait beaucoup de choses mais également la CNSS travaille de ce coté là.  Ils ont également des médecins endocrinologues   qui travaillent dans ce domaine là.  Nous aussi,  nous avons également des médecins  surtout à l’hôpital Peltier.  Concernant le cancer,  comme vous le savez,  c’est  une maladie nouvelle  qui touche de plus en plus de djiboutiens.   Comme  vous le savez,   nous diagnostiquons   le cancer mais le traitement  chirurgical se  fait à l’extérieur. Nous avons des médecins  anatomopathologiste à l’hôpital de Balbala qui diagnostiquent  et analysent  toutes  les pièces qu’on leur renvoi  à l’hôpital   de Cheikho. Nous avons également le concours  d’un médecin cancérologue  clinicien de la FNP  qui  nous aide et qui travaille avec nous quant à  la prise en charge médicale et certains types de cancers se font à Djibouti.

A l’instar des autres pays en développement, les cas de cancers commencent à proliférer à Djibouti à quand un centre d’oncologie dans notre pays ?

Avoir un centre d’oncologie fait partie de nos objectifs.  Comme vous le savez  ce genre de centre coûte très cher. Nous avions  un programme  il y a quelques années lorsque  j’étais secrétaire général  du ministère de la santé,  on avait mis en place un programme  et nous avons eu une partie du financement  de la BID avec le concours de l’AIEA.   Le site est déjà identifié  malheureusement le coût de la   radiothérapie  a été excessive et juste après il y a eu le COVID. Donc  ce programme a été un peu gelé  mais il faut savoir que c’et un centre oncologique  qui coûte très  très  chère.   Il revient deux fois plus cher que la construction d’un hôpital. C’est surtout la radiothérapie  qui coute très chère  donc pour l’instant on se cantonne  vraiment au traitement médicaux et les  chirurgicales  mais certains types de cancers  sont évacués à l’extérieur  et je voulais faire une mention  parce ce que nous sommes un des rares pays  qui évacuent  ces malades  et qui évacuent ceux qui ne sont pas traités à Djibouti  même les pays avancés  qui n’y arrivent pas et c’est grâce a la générosité  du chef de l’Etat   et nous  évacuons  depuis l’indépendance .

Nous sommes en train de finaliser et l’étude à commencer avec l’INSTAC c’est à dire l’institut des statistiques, une étude sur les maladies non transmissibles et plus particulièrement sur les maladies cardiovasculaires, le cancer, une étude qui s’appelle stepwats. Nous sommes en train de la  mener pour savoir quelles sont les proportions de ces maladies   les maladies cardiovasculaires, le cancer le diabète. Nous avons en tête l’installation de ce centre oncologique.

Nous constatons une multiplication des pharmacies dans notre capitale, sont-elles toutes respectueuses des lois régissant l’exercice de la pharmacie ?

C’est vrai ce que vous dîtes. Nous avons une prolifération des pharmacies  surtout dans la capitale.  Toutes  ces pharmacies beaucoup respectent  la législation  et il y a certains qui ne respectent pas. Il faut se dire la vérité. Mais comme je l’ai dit, nous sommes en train  de reformuler le système de santé  et de revoir notre législation  et nous sommes en pleine phase de préparation  des états généraux de la santé.  A  la suite de ces états généraux  émergeront  un certain nombre de textes juridiques  pour mieux réglementer le secteur. Je pense  que d’abord que nous devons avoir  un certain nombre de textes avant de se jeter à l’eau. 

Mais vous avez raison, beaucoup de ces pharmacies ne respectent surtout pas la tarification des médicaments. Ce qui fait que les médicaments coûtent très chers si bien que nous avons parfois une différence de prix trois fois plus d’une pharmacie à une autre.  C’est des choses que j’ai identifiées dès que je suis arrivé  et c’est dans ce sens que  j’ai eu une réunion il y a quelques mois avec tous les responsables de cette filière en leur faisant part de mes  inquiétudes et mon souhait de  réglementer ce secteur là.  Il faut savoir qu’une pharmacie ce n’’est pas une boutique, elle fait partie intégrante de l’offre de soins et du système de santé dans sa globalité. Nous devons avoir des pharmacies qui respectent la législation et qui ont des médicaments de très bonnes qualités mais à moindre coût et nous y réfléchissons là-dessus. Nous voulons réglementer cette filière.

« Il faut savoir qu’une pharmacie ce n’est pas une boutique. Elle  fait partie intégrante de l’offre de soins et du système de santé dans sa globalité. »

La qualité des médicaments conditionnant la qualité des soins, quels gardes fous avez-vous mis en place afin d’assurer la qualité des médicaments entrant dans notre pays ?

Disposons-nous d’un laboratoire de contrôle qualité ?

Nous avons au sein du ministère de la santé la DNPL qui est la direction des médicaments et qui réglemente le secteur des médicaments.  Il faut savoir qu’un seul comprimé  ne peut pas entrer à Djibouti si la personne qui importe,  qu’elle  soit issue du  public ou du  privé  doit  nécessairement  avoir une autorisation et une inspection  des inspecteurs de cette direction là. 

Nous avons également un double contrôle au niveau de  la DNPL et au niveau de l’Inspection Générale de la Santé (IGSS)  qui est l’inspection générale de la santé ou les pharmaciens qui sont dans cette inspection là contrôlent  ensuite.  Nous avons  un dernier  contrôle  qui est celui de la CAMME.

Donc vraiment nous contrôlons trois fois en amont et en aval c’est-à-dire avant même que les médicaments viennent à Djibouti. Les gens qui ont des pharmacies ou ceux qui importent les médicaments avant une semaine, ils  ramènent  tous les documentations qui concernent ces achats   aux services concernés qui contrôlent et qui regardent s’ils sont conformes  à la législation.

Nous n’avons pas de laboratoire dédié à Djibouti  au contrôle de la qualité  des médicaments  mais nous utilisons d’autres laboratoires, les pays producteurs  de médicaments nous donnent des certificats de conformité issus des laboratoires internationaux.

Ce ne  sont pas des laboratoires de leurs pays  ce sont des laboratoires internationaux  et il faut comprendre que la plupart des médicaments consommés à Djibouti  sont des médicaments européens. Ils  viennent de l’Europe  ou de l’Amérique et nous contrôlons et nous restons vigilants  par rapport aux médicaments. 

Vous le savez très bien que nous ne  produisons pas  des médicaments à Djibouti. Nous avons  un petit tissu de petite production de sérum glucosé et de quelques médicaments au niveau de Djibouti. D’ailleurs c’est aussi dans notre agenda d’avoir dans les années qui viennent une petite unité de production de médicaments essentiels.  Et déjà les premiers  contacts sont noués surtout avec la Turquie. Nous voulons monter une petite unité de production à Djibouti.

Votre département va bientôt initier les états généraux de la santé. Sans anticiper sur cet évènement important de quoi s’agira t-il au juste ?

Il faut savoir que c’est la première fois depuis l’indépendance que le ministère de la santé va initier les états généraux de la santé. Il faut comprendre que comme je l’avais dit au début de l’interview, c’est un ministère  que je connais bien et c’est un ministère qui a beaucoup de besoin et qui suscite beaucoup d’attentes  et donc il fallait un moment donné  s’arrêter  et il fallait faire le bilan de tout ce que nous avons  fait depuis l’Independence jusqu’à maintenant.  Il fallait savoir  ce qui a réussi et ce  qui n’a pas réussi. Pourquoi ça n’a pas réussi. Il fallait également questionner  la  population sur son avenir et ce qu’elle pense. C’est la  démocratie sanitaire. Nous voulons voir comment mieux améliorer et comment mieux guider la population vers un avenir radieux  et de bonne santé et pour cela  il faut se questionner et cet exercice de questionnement est vitale pour nous et nous  permettra  de savoir quelles sont les attentes de la population.  

Nous avons une population de plus en plus jeune et qui est exigeante et nous avons voulu vraiment  leur demander ce qu’ils veulent.  C’est aussi  une manière d’avoir leur soutien aussi et a l’issue de ces états généraux,  le  ministère de la santé va se réformer  et nous allons peut-être maintenir le cap. Nous allons peut-être dévier du cap et nous allons avoir d’autres objectifs et nous allons avoir d’autres directives.   Peut-être le chemin de vecteur va changer et nous allons au milieu des états généraux faire une revue à mi-parcours  du PNDS (Plan National   due Développement  du Secteur de la Santé).

A  l’issue de ces états généraux  également certainement  la carte sanitaire  va changer. Nous voulons changer les normes, réviser  certaines législations qui régissent le secteur de la santé. Je pense que les états généraux sont  un bel exercice de remise en question de nous-mêmes. Nous allons aborder beaucoup de questions  comme  l’offre de soin, la couverture sanitaire universelle, le financement de la santé, le rôle des soignants,  le soin de santé de base. Aussi, il sera question  de  la gouvernance de la santé du  rôle  du secteur de la santé dans le développement de Djibouti.  Dans ce domaine,  il y a plusieurs entités  qui interviennent dans la santé et le ministère de la santé chapotent  ce secteur.

Nous réfléchirons de la manière de  mieux interagir et comment mieux travailler mais également comment mieux impliquer les partenaires  qui nous soutiennent pour la réalisation de ces états généraux. D’ici quelques semaines les états généraux vont commencer InchALLAH et le ministère de la santé attend  beaucoup de ces assises.  

Monsieur le ministre, nous avons une pléthore de spécialiste à Djibouti. Pourquoi évacuons-nous nos malades encore à l’étranger?

Oui c’est vrai pour les évacuations sanitaires,  depuis maintenant quelques années nous avons beaucoup de spécialistes mais il faut savoir que ces spécialistes ne sont pas très nombreux dans tous les domaines on a un  ou deux spécialistes.  Il y a  dans certains domaines où nous avons trois ou quatre et ces médecins sont souvent des jeunes médecins et nous évacuons surtout des cas compliqués et nos médecins spécialistes  font des prouesses et des interventions nouvelles et traitent au quotidien les malades. Ce  qu’il faut savoir dans certains secteurs,  nous n’avons pas encore des spécialités et c’est pour ça que nous faisons appel à des médecins étrangers. Des médecins qui viennent de Cuba ou de l’Afrique de l’ouest. Nous n’évacuons que les cas très compliqués et que les spécialistes n’arrivent pas à traiter soit par défaut d’équipements soit par défaut des plateaux techniques, soit par défaut multidisciplinaires. La plupart des pathologies demandent  une équipe multidisciplinaire dans tous les domaines et dans certains domaines nous n’avons pas de spécialistes.

« Nous sommes un des rares pays qui disposent  d’une palette de cinq vaccins différents et assez de doses  pour vacciner toute la population Djiboutienne mais également tous les étrangers qui résident sur notre sol »

De plus en plus des patients préfèrent se rendre dans les structures privées (Cliniques ou laboratoires) plutôt que publiques. Quels en sont les raisons à votre avis ? A terme quels impacts cela auraient sur l’assurance maladie universelle ?

Nous avons un système de santé qui est étendu sur tout le territoire. Des centres de santé à Djibouti ville et dans les cinq régions du pays et nous avons également la médecine privée. Le ministère de la santé et le système de santé djiboutien a besoin de cliniques privées, parce ce que ces cliniques contribuent également au soin de la population et nous les accueillons mais pourvu qu’ils respectent  la législation et qu’ils respectent les textes qui   régissent  ces professions libérales.  Il faut savoir que  mais nous avons besoin de ces cliniques privées. En général ce sont les mêmes malades qui partent le matin à l’hôpital Peltier ou à l’hôpital Cheiko et l’après-midi ils partent dans une clinique  privée  et ce sont souvent les mêmes médecins qui officient dans les deux secteurs.  Nous  n’avons pas assez de médecins spécialistes et assez d’infirmiers et de sages-femmes pour vraiment satisfaire à la fois le secteur public et le secteur privé.  Mais moi j’encourage l’installation à Djibouti des entités privées, des cabinets privés à participer à l’offre de soins.

Les accidents de la route sont un drame permanent. Une collaboration intersectorielle est essentielle pour la réduction de la mortalité sur nos routes. Comment travaillez-vous avec vos collègues du gouvernement pour diminuer l’impact des accidents de la voie publique ? Votre département dispose-t-il des moyens nécessaires pour une prise en charge optimale.

Pour les accidents de la route,  le ministère de la santé est en première ligne, parce que  nous organisons à la fois  les secours  des accidentés mais également le traitement et la prise en charge de ces malades au sein  de nos structures.  Ces accidents sont de plus en plus nombreux ces derniers temps et ils coûtent très chèrs aux urgences  et aux hôpitaux de façon général. Nous avons un plan et nous voulons moderniser nos systèmes de collecte des malades et nous souhaitons reformer le SMUR et surtout renforcer la prise en charge pré hospitalière.   c’est dire la prise en charge avant l’hôpital et nous devons former davantage et d’ailleurs nous venons d’envoyer en formation continue  un certain nombrex de nos techniciens  et au sein des SMUR et des ambulances nous avons des médecins réanimateurs, nous avons des urgentistes qui interviennent sur le lieu de l’accident.

Bientôt nous allons développer en mettant en place  des urgences de proximité. Il faut signaler que  j’étais en discussion, il y a quelques jours   avec le directeur national de la protection civile  sur comment réorganiser  ce système de collecte de malades,  de prise en charge pré hospitalière, parce ce que les pompiers interviennent dans ce secteur  et je souhaite à la fois former le SMUR,   augmenter le nombre d’ambulances et je souhaite construire à Djibouti  un trauma center   qui est un centre d’urgence  de prise en charge. Je  souhaite sortir toutes les urgences des hôpitaux.   D’abord je vais renforcer toutes les petites urgences des polycliniques qui vont prendre en charge au quotidien  les petites urgences qui viennent des quartiers mais surtout réorganiser les systèmes d’urgences au niveau des hôpitaux en rassemblant dans un lieu qu’on appelle un trauma center       qui va s’occuper des urgences et des évacuations des régions de l’intérieur et les périphéries. Nous voulons construire ce trauma center   où nous allons opérer et offrir les premiers  secours qui seront organisées  dans ce lieu. Les régions de l’intérieur ne seront pas en reste. Nous avons un hôpital au niveau d’Ali Sabieh qui s’occupe  de tous les accidents de la route des régions du sud. Bientôt nous allons construire l’hôpital régional de tadjourah qui va couvrir le nord mais en attendant nous voulons renforcer les urgences ce ces hôpitaux.

Le Conseil de l’Ordre des professions médicales a été réactivé et redynamisé, comment se passe la collaboration avec votre département ?

Le conseil de l’ordre des professions médicales existe depuis une vingtaine d’années et il fait son travail de la gestion et de la certification des diplômes et il est sous la juridiction du ministère de la santé. Nous avons une faculté de médecine et nous devons collaborer ensemble entre le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche  et  le Conseil de l’Ordre des professions médicales.

Un mot pour conclure.

Pour conclure, je voudrais souhaiter au Chef de l’Etat et à sa famille et à mes compatriotes une bonne et heureuse année. Mon message concerne surtout le Covid 19, nous devons travailler ensemble avec la population. Je demande à la population de respecter les gestes barrières de porter les masques lorsque vous sortez, le port du masque est obligatoire et la distanciation sociale, le lavage des mains.  Je pense que la population doit  se tester pour connaitre sa situation par rapport à ce virus et éviter de contaminer son entourage et le vaccin est le seul moyen qu’on a pour l’instant pour faire face à cette épidémie. Il faut dire que  nous avons assez de vaccins. Nous sommes un des rares pays qui disposent   d’une palette des cinq vaccins différents et assez de doses  pour vacciner toute la population   Djiboutienne mais également tous les étrangers  qui résident sur notre sol.  Protégez-vous  et protégez votre entourage et protégez votre pays !  Et j’espère que cette pandémie va partir.  il faut savoir qu’elle  nous coûte très chère  elle consomme beaucoup de notre temps,   de nos maigre moyens,  mais aussi de nos ressources humaines  qui devaient être redéployés   dans d’autre secteurs,   qui travaillent  au quotidien  dans la vaccination dans les centres de testing,   dans les structures de prise en charge  du covid. Pour moi le maitre mot c’est reformer le ministère de la santé pour mettre en place  des bases solides tant sur le plan institutionnel que  sur le plan du personnel de santé, sur les équipements et sur les médicaments et InchALLAH on  va y arriver.        

Interview réalisé par Kenedid Ibrahim Houssein