Le magazine « Euromoney » a publié lundi dernier un article sur la dette de Djibouti, contractée auprès de la Chine, et le litige entre la République de Djibouti et DP World.  Le ministre de l’Economie  et des Finances, chargé de l’Industrie, Ilyas Moussa Dawaleh, le gouverneur de la Banque centrale de Djibouti(BCD), Ahmed Osman Ali, et le président de l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti (APZFD), Aboubaker Omar Hadi, ont donné chacun leurs opinions sur ce sujet. Lors d’une interview accordée aux confères  du magazine Euromoney, le président de l’APZFD a déclaré que « le  contrat de gestion et contrat de concession du terminal à conteneurs de Doraleh ou DCT de son acronyme anglais était déséquilibré ». « Plus précisément,  avec 67% des actions du DCT, a déclaré que « le  contrat de gestion et contrat de concession – était “déséquilibré” ». Plus précisément, Djibouti, avec 67% des actionnaires majoritaires du terminal à conteneurs, avait un vote minoritaire. Et ce sans aucune des protections qui seraient normalement accordées à un actionnaire minoritaire, a-t-il précisé.

Rappelons qu’en février 2018, le gouvernement djiboutien a mis fin à une concession de gestion du Terminal à Conteneurs de Doraleh pour 50 ans par DP World, l’opérateur portuaire Dubaïote.  Cette décision découlait de la mauvaise gestion de DP World car l’operateur n’utilisait pas pleinement les capacités du DCT.

Cependant, selon M. Hadi, l’accord stipulait que « les directeurs de Djibouti ne pourraient pas voter contre ceux de DP. Et que Djibouti ne pouvait construire aucune installation portuaire ni zone franche au cours des 50 prochaines années dans le pays. Une société ne peut pas contrôler tout le littoral d’un pays pendant 50 ans. Cela va à l’encontre de la souveraineté du pays», a-t-il martelé avec insistance.

Alors pourquoi l’ont-ils signé?  « Cela avait été fait par un prédécesseur, qui, par la suite s’est révélé avoir un accord de consultant de 1,2 million de dollars par an avec DP. Ce qui ne représentait donc pas le meilleur intérêt de Djibouti », a-t-il répondu.

Dans sa lettre officielle datée du 5 septembre dernier, Djibouti a rejeté la décision de la Cour Internationale d’Arbitrage de Londres et du Pays de Galles.  «Notre ligne de défense était qu’il n’y avait qu’une seule partie dans le contrat». Il n’y avait pas deux parties », a expliqué M. Hadi en ajoutant que rien de tout cela n’a été atteint très loin aux yeux du droit international».     

Quant aux récentes propagandes médiatiques de DP World accusant la Chine comme étant la raison principale de la dispute, Hadi a rappelé que les relations entre la République de Djibouti et DP World remontent à 2000, à l’époque où DP World gérait l’ancien port de Djibouti. Le différend est issu d’un contrat signé en 2006 pour régir le rôle de DP World sur le terminal à conteneurs de Doraleh. « Donc les Chinois n’ont rien à voir avec le conflit », a-t-il indiqué.  «Nous sommes très surpris que DP World parle de cela comme la raison principale de notre conflit. Car ils ont accepté lorsque nous avions introduit China Merchant dans un pacte d’équité», a exprimé Hadi.

De ce fait, il a mis en exergue qu’outre China Merchants Ports, le président de DP World était aussi présent lors de la cérémonie de signature et celle de l’inauguration des travaux de Doraleh Multipurpose Port. L’existence même de photos de ces événements sont là pour l’attester. “Alors, pourquoi maintenant nos partenaires de China Merchants de Chine sont-ils devenus un problème?”, a demandé le président de l’APZFD.

“Les gens de DP World utilisent cet argument de la Chine pour inquiéter les Etats-Unis”. Il a également évoqué que « ces arguments avec DP World existaient bien avant que China Merchants Ports ait une quelconque implication à Djibouti ».

Concernant l’emprunt de prêts, M. Hadi a dit que la Chine octroie de financements  à de bonnes conditions. “Nous ne comprenons pas pourquoi tout le monde est entrain de paniquer à propos de l’initiative «One Belt One Road”, a-t-il fait remarquer. «L’argent est une marchandise. Nous achetons de l’argent et le prix de cet argent est son taux d’intérêt » a-t-il ajouté. « Si les États-Unis et l’Europe veulent offrir la même chose, nous sommes prêts à envisager et à comparer, mais nous n’avons rien à comparer aujourd’hui », a conclu le président de l’APZFD.

Un argument partagé par le ministre de l’Economie et des Finances. “Nous ne sommes exclusifs à personne. Tous nos amis restent des amis pour nous. Ce n’est pas la Chine contre l’Occident, ce n’est pas le narratif que nous cherchons. Nous cherchons simplement à servir notre population», a affirmé M. Ilyas Moussa Dawaleh.  « Si je peux obtenir [de l’Ouest] les mêmes conditions que celles d’Exim Bank, je serai plus que heureux. «Mais ce sont les Chinois qui prennent des risques. Peut-être certains amis ne sont pas heureux d’entendre cela mais c’est la réalité,” a-t-il mis en évidence.

Pour sa part, le gouverneur de la BCD a expliqué l’importance de prêts pour le développement des infrastructures nationales.

M. Ahmed Osman Ali a pris le chemin de fer comme un exemple des projets pour lesquels Djibouti a tenté de mobiliser des investissements auprès des pays européens. « Mais nous n’avons pas réussi. Ainsi, lorsque la Chine est arrivée, nous n’avons eu aucune hésitation à entreprendre ce projet. Peu importe la nationalité, quiconque a les capacités d’investir et de construire est le bienvenu à Djibouti. Car notre priorité est développer les infrastructures de notre pays pour la nouvelle génération qui arrive», a-t-il déclaré en substance.

Sur l’endettement, le président de l’APZFD n’a pas manqué de livrer son point de vue.  « Le volume de trafic de conteneurs avait augmenté de 32% depuis la résiliation du contrat de concession de DP World », a relevé M. Aboubaker Omar Hadi,

Le ministre de l’Economie  et des Finances est du même avis.  «Pour le moment, nous ne sommes pas préoccupés par le remboursement des prêts. Le port fonctionne bien. Mieux depuis que nous en avons repris possession.  Notre souveraineté n’est pas négociable. Nous l’avons acquise il y a seulement 40 ans”, s’est exprimé M. Ilyas Moussa Dawaleh.

 IAD