
‘‘Consolider la francophonie et réformer la commission de l’UA’’
À l’issue de sa participation au XIXe Sommet de la Francophonie, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, M. Mahmoud Ali Youssouf, a accordé, le dimanche soir, un entretien au Journal Afrique de TV5 MONDE où il était l’invité. Au cours de cet entretien en direct, le chef de la diplomatie djiboutienne défend le maintien de la dimension politique de l’espace francophone, avec une extension vers l’économique avant d’aborder la crise au Proche-Orient et d’évoquer sa vision concernant la Commission de l’Union Africaine où il est candidat à la présidence en février 2025. Fort de ses idées novatrices et de ses qualités de diplomate de haut niveau, M. Mahmoud Ali Youssouf s’impose à travers cet entretien comme un acteur clé de la scène politique africaine et notamment à la tête de la commission de la Commission de l’Union Africaine.

Interrogé d’abord sur la francophonie, le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale M. Mahmoud Ali Youssouf a mis l’accent sur la nécessité de préserver l’importance politique de cette organisation tout en élargissant son rôle économique. « Je pense qu’il faut consolider les dimensions politiques de l’espace francophone » a-t-il souligné et d’indiquer que cet espace, qui regroupe près de 90 pays, doit évoluer pour qu’il puisse devenir véritable moteur de progrès, de développement et de solidarité entre ses membres.
Dans un contexte international de plus en plus fragmenté, Youssouf a rappelé que Djibouti figure parmi les nations convaincues que cette organisation doit maintenir sa pertinence politique tout en s’adaptant aux réalités économiques actuelles. « Il ne faut pas jeter la pierre à l’espace francophone. Il est en train de se développer. Il est en train d’évoluer. Et je crois qu’on ne peut que travailler davantage dans le cadre de cet espace » a-t-il précisé et de déclarer par la suite : « Cela n’empêche pas que les États aient des intérêts, des visions régionales, continentales ».
Djibouti soutienle peuple palestinien
Abordant la position de Djibouti sur la crise en cours dans la bande de Gaza, le ministre Mahmoud Ali Youssouf a mis l’accent sur la ferme position de notre pays sur ce sujet. « Nous avons condamné le génocide en cours à Gaza » a-t-il déclaré.« Et ce n’est pas le 7 octobre que ces exactions ont commencé. Je crois qu’il faut prendre la crise de manière globale et trouver des solutions politiques à ce problème qui perdure depuis 75 ans. On ne peut pas seulement arrêter la pendule au 7 octobre. Je crois que ce qui se passe là-bas est un génocide et il faut le qualifier comme tel » a-t-il ajouté en référence aux événements récents qui ont intensifié les tensions.
Pour répondre à la question concernant la plainte de l’Afrique du Sud qui accuse Israël de génocide devant la Cour internationale de justice comme 13 autres pays. « Nous l’avons déjà fait et même devant la CPI. La position de Djibouti depuis plus de 30 ans est la même. Nous souhaitons que ce conflit s’arrête, que le peuple palestinien puisse recouvrir ses droits et surtout que la solution à deux États soit réellement actée et mise en place afin d’arrêter le bain de sang » a-t-il insisté avant d’appeler à une prise de conscience internationale pour mettre fin aux violences, tout en dénonçant le recul du droit international dans le traitement de cette crise.
Commission de l’Union africaine : La nécessité d’une réforme de financement et des méthodes de travail
L’entretien s’est ensuite orienté vers une perspective plus continentale, alors que le ministre Mahmoud Ali Youssouf a officiellement annoncé sa candidature à la présidence de la Commission de l’Union africaine, dont l’élection est prévue pour février 2025. Après avoir passé près de deux décennies à la tête de la diplomatie djiboutienne, Mahmoud Ali Youssouf a présenté une vision ambitieuse pour l’avenir de l’institution panafricaine. « L’Union africaine a besoin d’un nouveau leadership, axé sur l’exécution des décisions, la transparence et surtout, une autonomie financière pour mener à bien ses projets de développement. » a-t-il souligné.
Le ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale, prône une réforme en profondeur de l’institution, notamment pour ce qui est du financement, en demandant que les programmes de l’Union soient soutenus par les États membres eux-mêmes, plutôt que de dépendre de financements extérieurs. Il a également insisté sur la nécessité de réformer les méthodes de travail et de renforcer la responsabilisation au sein de la Commission. « Il y a beaucoup de pédagogie à faire, de leadership à amener, surtout sur le plan de l’innovation. Et donc je compte bien m’atteler à cette tâche » s’est-il engagé.
L’amélioration des relations entre les communautés économiques régionales, la Commission et les États membres fait également partie de son programme. « Aujourd’hui, la Commission, l’Union africaine a besoin d’une personnalité qui a l’expérience nécessaire et qui a du vécu par rapport à la diplomatie multilatérale et qui permet surtout de fédérer la jeunesse africaine, la diaspora, les femmes et les mettre au centre du développement. Ce sont les défis que je compte relever à la tête de la Commission si je suis élu au mois de février 2025 » a-t-il dévoilé concernant son programme à la tête de la commission de l’Union Africaine.
Djibouti, médiateur régional et acteur clé pour la stabilité régionale
Le rôle de Djibouti dans la gestion des conflits régionaux a également été évoqué au cours de l’entretien. Le ministre Mahmoud Ali Youssouf a souligné l’engagement de Djibouti, en tant que président en exercice de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), pour la paix dans la région. L’un des sujets brûlants abordés concerne les tensions entre l’Éthiopie et la Somalie à propos de l’accord signé entre l’Éthiopie et le Somaliland pour l’accès au port de Berbera. Face à cette situation délicate, Djibouti a proposé une alternative diplomatique en offrant à l’Éthiopie l’utilisation du port de Tadjourah.
« Nous souhaitons que la tension puisse baisser. Nous avons proposé à l’Éthiopie une alternative afin d’éviter que la région ne connaisse une autre crise » a-t-il déclaré et d’avertir par la suite « Après le Soudan, la Somalie, le Sud-Soudan, une guerre entre l’Éthiopie et la Somalie serait catastrophique».
Pour ce qui est de la guerre qui ravage le Soudan, le chef de la diplomatie djiboutienne M. Mahmoud Ali Youssouf a réaffirmé l’engagement de Djibouti en tant que médiateur régional. « Nous avons déjà commencé à organiser des sommets pour essayer de provoquer une médiation, aller vers un cessez-le-feu. Trois sommets ont été organisés par Djibouti sous le parapluie de l’IGAD. Nous avons organisé une retraite au mois de juillet, des médiations et des médiateurs. Je compte moi-même me rendre au port soudan très prochainement » a-t-il répondu
« On a toujours souhaité que le Soudan puisse retrouver une certaine accalmie pour que l’aide humanitaire puisse parvenir aux populations qui sont dans le besoin » a-t-il ajouté avant d’exprimer son souhait de voir un processus politique émerger rapidement afin de stabiliser ce pays clé pour l’équilibre de la région. Cet entretien a mis en lumière la position de Djibouti, sur la scène diplomatique internationale et africaine. Il a également révélé que notre Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, M. Mahmoud Ali Youssouf, fort de son expérience et de sa vision, pourrait insuffler un nouvel élan à la commission de l’Union Africaine. Alors que l’Afrique fait face à de multiples défis, sa candidature à la présidence de de la commission de cette organisation constitue un prolongement naturel d’une ambition, portée par l’espoir de voir un continent africain prendre pleinement son destin en main.
RACHID BAYLEH